Vous recevez des amis. Quelques minutes avant leur arrivée, vous êtes affairés à tartiner des toasts avec des oeufs de lompe Marque Repère. Vous jetez un oeil à votre intérieur et ce n’est pas Byzance. Finalement, le poster Pulp Fiction qui vous a accompagné depuis la fin du lycée ne semble plus si raffiné, comme s’il ne soulignait ni ne témoignait plus assez de votre bon goût. En rebalayant la pièce du regard, en effet, on est loin de la collection privée de la Villa Borghèse. Flûte alors ! Ce petit 35 mètres carré est loin des cabinets de curiosité, ces collections privées ancêtres des musées qui servaient les intérêts de leurs possesseurs en faisant montre de leur capacité à amalgamer des trésors en même temps qu’à souligner la culture du proprio. C’est un peu trop tard pour résoudre tout ça avant l’arrivée des convives, mais c’est noté, il faudra enrichir cette salle à manger pour la prochaine fois.

Memes on Canvas surfe sur les usages actuels avec sa petite boutique en ligne de tableaux de memes judicieusement lancée avant les fêtes de noël. Ses créateurs ont bien compris que pour une partie des millenials, la distinction se fait moins dans la possession que dans la dématérialisation de leur image. Quelle soit littérale avec les stories ou les publications Instagram ou soulignée par la capacité à manier des références via des échanges de memes, on est sur un nouveau champ, un nouveau petit théâtre des pratiques sociales, lui-même perclus de normes et de codes.

La pérennité de 4chan, Reddit, Tumblr, du plus mainstream 9gags et l’explosion plus récentes des pages de memes (Facebook, Twitter Instagram) et des groupes Facebook soulignent la part croissante du mème internet dans les conversations en ligne. Évanescents ou durable, littéral ou crypté, le meme est une idée, souvent associée à une image, un gif ou une vidéo qui se propage rapidement sur Internet et mute au gré de ses dérivés. L’originalité de la démarche de Memes on Canvas, c’est de rematérialiser le meme en objet physique, en élément décoratif, comme si l’objet conversationnel était devenu assez important, assez universel, pour le figer en élément décoratif.

Concrètement, cette boutique en ligne propose d’aller plus loin qu’un simple poster en imprimant les memes sur “du matériel d’artiste de haute qualité” (Cadre, panneau de fibres de bois, encre non décolorée, revêtement résistant aux rayures et aux UV…).

La boutique propose également d’imprimer vos propres memes et de les vendre. La question est : est-ce d’un meilleur goût que le poster Pulp Fiction ?