Sixième chronique d’une série de huit textes sur l’évolution de l’expérience client en point de vente de 1800 à 2050, mon objectif est d’éclairer les lecteurs sur différents changements et innovations qui ont jalonné l’histoire du marketing en point de vente.

Lire les précédants articles sur le sujet.

2000 – 2010: le digital révolutionne l’expérience client!

L’essor d’un nouveau géant !

Alors que l’histoire du retail jusqu’alors était intégralement physique, l’avènement d’internet offre enfin aux premiers e-commerçants le statut qui leur revient : celui de visionnaires ! Pour autant, l’un des exemples les plus frappants des tâtonnements de ces e-stores provient sans doute du krach spectaculaire de Boo.com, premier site e-commerçant à être alors ultra-médiatisé. Le concept de base est simple : « vendre via internet des vêtements de marques et de créateurs à une clientèle jeune, urbaine et technophile » et les investisseurs déraisonnables sont nombreux ; malgré les sommes dépensées – on parle d’entre 120 et 135 millions d’euros -, le site ne restera en ligne que 6 mois, le temps d’illustrer l’un des premiers « fails » du e-commerce et de calmer les ardeurs des plus aventureux. Mais cet exemple de chute spectaculaire verra naître des succès (planétaires) plus que confirmés, dont Amazon semble être l’emblème. L’expérience client s’en trouve soudain révolutionnée !

En effet, l’idée fait son chemin dans la tête des consommateurs de tous horizons : plus besoin de se déplacer pour faire des achats, que ce soient ses courses alimentaires comme vestimentaires. Après un premier boom, effet de mode principalement adopté par les technophiles, la dizaine d’années s’écoule et la croissance du e-commerce s’intensifie. Face à l’érosion des ventes, la grande distribution se tourne elle-aussi massivement vers internet au début des années 2000. Après avoir lancé leur « cybermarché », les enseignes intègrent internet dans les magasins à travers notamment les premières bornes et écrans tactiles. La digitalisation des points de vente est en cours car, pour survivre, ces surfaces physiques doivent s’adapter à une toute nouvelle concurrence, quasiment invisible. Une seule solution demeure : faire des points de vente les nouveaux espaces de vie où l’expérience devient primordiale et où l’acte d’achat n’est presque plus conditionné que par cette dernière.

Les rôles semblent s’inverser et les retailers qui s’attardaient auparavant sur la façon de vendre leurs produits en touchant des cibles précises doivent affronter un nouveau paradigme : le client devient réellement le roi et se replace au centre de la chaîne de valeur. Avec la naissance en parallèle des premiers réseaux sociaux, non seulement les retailers se doivent de tenir compte des contraintes physiques de leur point de vente mais ils font face simultanément à l’éclosion d’une parole « contraignante » de leurs clients, car chacun d’entre eux est en passe de devenir un média indépendant. L’expérience client moderne est née et elle ne fera que de se développer au rythme des innovations technologiques associées à la démocratisation d’internet. Face à ce bouleversement, les retailers sont obligés de se réinventer ; l’apparition des pop-up stores, magasins éphémères, est l’une des premières réponses à ces nouvelles règles du jeu. En parallèle, les technologies de paiement NFC préfigurent l’évolution du paiement ; ainsi Home Depot est une des premières enseignes à les mettre en place, offrant à ses clients la possibilité de réaliser leurs paiements via leur téléphone mobile.

L’apparition du magasin connecté

Et si les formats et moyens de paiement évoluent, il en est de même pour l’intérieur des points de vente, obligatoirement transfigurés pour ne pas devenir de simples « entrepôts d’achat ». Les écrans font donc leur apparition avec des technologies permettant de scénariser les points de vente en créant des formats événementiels. Ils peuvent ainsi servir de support à une nouvelle expérience dans le magasin et de lien avec les réseaux sociaux qui viennent de se lancer (Facebook en 2006). A l’extérieur, à la fin des années 2000, les vitrines deviennent connectées, intelligentes. Ainsi, le magasin Façonnable testait, en mai 2010, à Paris, des vitrines interactives qui permettaient aux passants de consulter le stock de la boutique sans y entrer, dans un laps de temps moyen de 65 secondes. Une nouvelle façon de considérer l’expérience client et de designer des services toujours plus novateurs pour « attirer le chaland ».

Les services se transforment en parallèle pour développer une expérience client intégrée au point de vente, notamment à travers trois innovations majeures. D’abord, le click and collect, lancé par la société anglaise Argos dans les années 2000 ; un concept assez simple permettant à un client d’acheter en ligne puis de retirer son achat directement en magasin – adieu les files d’attente ? Ensuite, le développement de la RFID, une technologie d’identification automatique qui utilise le rayonnement radio fréquence ; elle est déployée pour la première fois en 2004 par Tesco dans son système de gestion pour améliorer la chaîne logistique. American Apparel sera le premier retailer à l’utiliser en 2008. Enfin, la virtualisation du point de vente, avec en 2011, la création par Tesco Korea du premier supermarché virtuel via le QR-code. Les technologies liées à internet se démocratisent dans les points de vente pour les rendre le plus « ludiques » possible et offrir aux consommateurs une foule de nouvelles possibilités visant à leur offrir une expérience client qu’ils n’éprouveront jamais en faisant leurs achats en ligne.

Toutes ces innovations on-et offline dynamisent un secteur qui se trouve soudain obligé de se renouveler à chaque instant, dans un marché globalisé où la concurrence se fait de plus en plus rude. L’expérience client se « scinde » alors en deux ; l’une demeure physique et associée au point de vente qui devient une véritable « machine connectée » alors que l’autre se décline sur le web sous le nom d’expérience utilisateur – UX – divisée aujourd’hui en de nombreux métiers spécifiques. La différenciation chez les retailers se fait alors de plus en plus par la personnalisation du service qui deviendra dans la décennie suivante le graal pour qui veut vendre quoi que ce soit ! Les enseignes vestimentaires comme Levis ou Nike l’ont bien compris et proposent désormais des produits personnalisés à leurs clients ; personnalisation des jeans en magasins, nouvelles sneakers designées selon les envies du client… Et encore, l’ère de la data montre tout juste le bout de son nez…

Révolution web 1.0, révolution réseaux sociaux 2.0 et révolution big data 3.0 !

Alors que la démocratisation d’internet et l’arrivée du e-commerce bouleverse les codes du retail et place définitivement l’expérience client comme facteur de succès ou d’échec, la naissance des premiers réseaux sociaux engendrera une seconde vague d’innovation où la personnalisation des services deviendra obligatoire. Pourtant, malgré ces révolutions technologiques, le point de vente physique ne disparaît en aucun cas : il se transforme, mute et fait également sa révolution ! La prochaine révolution, celle de la data et de son traitement à grande échelle offrira aux retailers une nouvelle mine d’or pour réussir l’immense défi de la décennie suivante : proposer une offre 100% personnalisée à chaque client où qu’il soit dans le monde !