C’était inévitable, après une année d’avancées effrénées, l’intelligence artificielle a été sur le devant de la scène lors du dernier forum de Davos. Mais l’IA n’est pas la seule technologie à laquelle il convient d’apporter toute notre attention. Il en existe une autre, possiblement plus importante, qui nous permettrait d’avoir une vraie longueur d’avance.

Cette technologie c’est l’informatique quantique qui devrait ouvrir la voie à des innovations innombrables. Mais elle menace également de modifier et de compromettre le contenu de toute la cryptographie à clé publique (et en grande partie symétrique). Il s’agit ici plus particulièrement des algorithmes utilisés par une grande partie du secteur de l’Internet pour protéger la vie privée, le commerce électronique, les signatures numériques, entre autres. Effectivement, lors du Forum économique mondial, il a été souligné que l’informatique quantique pourrait déclencher un « Armageddon de la cybersécurité ».

Bien que le terme Armageddon puisse sembler excessif, il faut prendre cet avertissement au sérieux. Quelles mesures les dirigeants actuels doivent-ils prendre pour préparer leurs entreprises à l’avènement de l’informatique quantique en 2024 ? Au lieu de rivaliser avec les investissements technologiques, quelle contribution spécifique l’intelligence artificielle pourrait-elle apporter à cette dynamique ? En réalité, la période actuelle n’est pas celle d’une seule innovation mais de plusieurs : toutes interconnectées.

Le compromis entre cryptologie et cryptanalyse

En matière de cryptographie, l’informatique quantique pourrait s’avérer être à la fois un avantage et une menace pour les entreprises. La nuance réside dans la manière dont elle est utilisée : soit pour la cryptanalyse, c’est-à-dire pour casser les messages, soit pour la cryptologie, qui vise à rendre les messages difficiles à déchiffrer. L’informatique quantique, et plus largement la technologie quantique, offre aux entreprises des opportunités en matière de génération de nombres aléatoires et dans une certaine mesure de partage de secrets, ainsi que d’autres avantages relatifs à l’inviolabilité permise par l’intrication quantique.

Pour reprendre le premier point, si vous demandez à un ordinateur de choisir un nombre entre 1 et 10, difficile de s’assurer qu’il le fera de manière vraiment aléatoire. Les ordinateurs génèrent des nombres à partir d’un échantillonnage d’éléments présents dans les machines elles-mêmes ou via des services externes. Pour les États-nation, les gouvernements, l’armée et les entreprises, cette situation est réellement problématique : si vous pouvez prédire un nombre aléatoire en simulant le système qui l’a généré, vous pouvez anticiper toute la cryptographie qui en découle. La technologie quantique a le potentiel de résoudre ce problème.

En ce qui concerne la cryptanalyse, l’impact potentiel de l’informatique quantique est beaucoup plus sinistre. C’est donc sur ce point que les entreprises doivent concentrer leur attention.

Actuellement, toute la cryptographie à clé publique est basée sur une technique relativement facile à calculer dans un sens et beaucoup plus difficile à réaliser dans l’autre. Il est facile, par exemple, de multiplier deux grands nombres premiers. En revanche, factoriser le produit de deux grands nombres premiers était, jusqu’à présent, beaucoup plus difficile. Avec des ordinateurs quantiques capables de faire défiler rapidement des combinaisons de nombres premiers, casser les clés pour lire les messages qu’elles cachent devient une question de détermination. Le succès et est inévitable si le niveau et la durée de l’attaque contre le système de cryptage sont suffisants.

Utiliser l’intelligence artificielle pour remanier son système de cryptographie

Les entreprises peuvent prendre des mesures individuelles ou collaborer pour renforcer leur sécurité.
Si l’informatique quantique parvenait demain à casser la cryptographie d’une entreprise, relire chaque morceau de code, isoler les parties cryptographiques et les remplacer serait un travail titanesque pour de nombre d’entre elles. On parle ici de millions de lignes de code.

Cela peut sembler plus facile à dire qu’à faire ou du moins, ce serait le cas sans l’aide de l’IA.
Dans toute entreprise, le code se développe. Différents codeurs ajoutent leurs propres branches au fil du temps jusqu’à ce que l’origine des contributions devienne floue, et que le sens global du code soit devenu difficile à discerner. Au bout du compte, la connaissance collective se perd et le code acquiert une dynamique et une vie qui lui sont propres. Dans ce cas, l’IA peut prendre le relais. Quand on y réfléchit bien, les grands modèles de langage (LLM) et l’IA générative excellent dans la lecture et l’analyse du langage. Et le codage se résume à cela. Ces outils sont donc parfaitement adaptés pour aborder le codage et le remodeler.

Bientôt, tout le monde pourra lire n’importe quel segment de code et en comprendre immédiatement sa fonction. En d’autres termes, les entreprises pourront recourir à l’IA pour modulariser et moderniser progressivement leur code, il en simplifiera la maintenance et réduira leur dette technique au fil du temps.

Encourager le développement d’algorithmes qui résistent à l’énergie quantique

Les entreprises et les institutions gouvernementales devraient également encourager les initiatives de l’industrie qui ont pour objectif de découvrir la prochaine génération d’algorithmes résistants à l’informatique quantique. Ces algorithmes devraient être faciles à mettre en œuvre tout en restant difficiles à déchiffrer, même avec des techniques de cryptanalyse quantique.

Certains de ces algorithmes existent déjà ou sur le point de l’être, mais ils n’ont pas encore été suffisamment testés ou doivent faire l’objet d’essais et de recherches plus poussés. Pour ce faire, les entreprises, les universités, les ONG, les gouvernements et autres acteurs doivent déployer des efforts internationaux, s’associer à des initiatives publiques de développement et de test, mettre en commun leurs résultats et partager leurs connaissances.

Malgré toutes les menaces et opportunités qu’elle engendre, l’informatique quantique reste indéniablement un défi majeur et devrait donc continuer à susciter un véritable débat au sein de l’industrie. La situation est critique et nécessite des mesures immédiates pour se préparer à l’avènement de l’informatique quantique. J’encourage vivement les chefs d’entreprise à entamer des discussions dès que possible et à évaluer leur capacité à se préparer à la technologie quantique. Il ne s’agit pas d’une situation quelconque qui risque de se produire, elle existe déjà. Les données actuellement chiffrées, stockées et potentiellement sujettes à la cryptanalyse quantique seront probablement déchiffrées dans les prochaines années.