En 2023, la transformation digitale n’est plus une option, mais une nécessité pour répondre aux grands enjeux de compétitivité, de vitesse et de croissance. Pour autant, le changement est bien plus complexe à faire qu’il n’y paraît : selon une étude menée par McKinsey en 2022, 70 % des projets de digitalisation seraient un échec. En cause, un manque de communication, des délais trop ambitieux et une prise en compte trop légère du facteur humain.

Pour éviter un tel scénario, les organisations sont aujourd’hui nombreuses à mettre en place une Digital Factory. Elle intègre toutes les compétences de la chaîne de valeur digitale (conseil, expérience, technologie, data mais engineering projet, marketing digital, DevOps) et le meilleur des technologies dans un mindset agile. Elle vise à créer des produits digitaux, rapidement et de les améliorer dans la durée en apportant de la valeur aux utilisateurs ou améliorant les performances.

Pour en savoir plus sur le fonctionnement et les opportunités offertes par ce dispositif unique, Siècle Digital a rencontré Emmanuel Valluche, Directeur conseil chez Kaliop, spécialiste de la transformation digitale et de l’innovation et Benoît Salmon, Tribe Lead Tech chez Accor, qui a eu recours à une Digital Factory.

Digital Factory : de quoi parle-t-on ?

Pour bon nombre d’entreprises, la Digital Factory est devenue la solution idéale pour se réinventer avec succès. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Elle est définie comme une entité autonome au sein d’une entreprise dédiée à la conception de produits numériques.

Au sein de cette entité, des équipes dotées de différentes compétences métiers travaillent ensemble. Le but est de tirer parti de l’intelligence collective pour gagner en efficacité. Elle suggère par ailleurs un passage à l’agilité à l’échelle de l’organisation : le produit et sa valeur sont au cœur de toutes les préoccupations.

Elle s’appuie principalement sur des architectures composables, permettant de sélectionner et de gérer indépendamment les technologies nécessaires pour développer une activité, comme un CMS ou une brique e-commerce. Cette structure utilise également la force des API, donc la capacité de faire échanger des applications entre elles. Les entreprises peuvent ainsi adapter leurs produits plus facilement et rapidement, leur permettant de gagner en agilité, face aux besoins sans cesse renouvelés de leurs clients.

Pour Kaliop, qui a l’habitude d’accompagner les entreprises dans leur transformation digitale, cela implique aussi un nouveau mode de travail. Traditionnellement, la collaboration entre agence et société était plus ponctuelle et reposait sur un principe de forfait, de livraison ou de réalisation d’un projet. « La Digital Factory, c’est une équipe cohérente qui est mise à disposition des clients sur le long terme et qui permet de réaliser des produits au fur et à mesure de la collaboration », explique Emmanuel Valluche.

Un travail que Kaliop a entamé avec Accor, main dans la main il y a un an et demi. « L’objectif est d’accélérer la transformation digitale de l’entreprise, justement en étroite collaboration avec nos métiers, les équipes techniques IT et les différentes régions, puisque Accor est répartie dans différents endroits du monde », rappelle Benoît Salmon. La Digital Factory s’aligne sur ces ambitions : elle permet au leader mondial de l’hôtellerie d’optimiser ses produits et d’accélérer la création de nouveaux.

Un levier de croissance et d’innovation au sein des entreprises

Depuis la crise sanitaire, la plupart des entreprises ont passé leur plan de digitalisation à la vitesse supérieure. Transformer toutes les opérations et processus métiers d’une organisation est toutefois loin d’être une tâche évidente.

La volonté de changement peut être bien ancrée dans le développement de l’organisation, son impact restera limité si tous les départements ne sont pas impliqués. La transformation digitale doit être pensée à l’échelle de la société, en transformant l’infrastructure technologique et les méthodes de travail. La Digital Factory va justement permettre de briser ces silos pour créer un lieu de collaboration entre les différents services et optimiser les processus internes. Comme le rappelle Emmanuel Valluche, désiloter est une nécessité pour toute entreprise qui cherche à être agile.

En outre, une Digital Factory aide à répondre à un enjeu de taille : accélérer le time-to-market de la société. « Nous sommes sur des marchés qui vont de plus en plus vite, où les opportunités business se trouvent principalement dans le digital », souligne le Directeur conseil chez Kaliop. Dans un tel contexte, sortir des produits plus rapidement est vital pour assurer sa pérennité. Pour Accor, là réside l’avantage principal d’une “usine numérique” : délivrer de la valeur digitale plus souvent et surtout, plus vite.

« L’intérêt est aussi que la Digital Factory s’adapte aux mouvances et fluctuations d’un environnement, et donc, à nos clients. Ils sont toujours en recherche de personnalisation, de parcours fluide et d’émotion », précise Benoît Salmon. Cette usine numérique, grâce à ses produits, ses processus itératifs et ses méthodes agiles, permet de répondre et d’anticiper ces sollicitations pour rester en phase avec les tendances du marché.

Pour ce faire, la Digital Factory du groupe hôtelier est composée de plusieurs pôles opérant à des étapes bien différentes de la livraison du produit. « Nous avons une vision sur le court et moyen terme où nous délivrerons une roadmap. Dans une démarche d’innovation, nous avons ensuite une équipe qui travaille sur une vision lointaine, avec des nouvelles technologies et des start-up qui viennent taper à la porte d’Accor pour proposer des produits innovants puis faire des proof of concept », dévoile-t-il.

Un véritable virage culturel et technologique pour toute la société

Comme toute transformation organisationnelle majeure,la transformation digitale peut apporter son lot de résistance. La mise en place d’une Digital Factory peut servir de catalyseur pour y faire face. Mais pour réussir cette dernière, il n’y a pas de secret : il faut aider les collaborateurs à comprendre pourquoi l’entreprise opère ce changement et les résultats qu’il permettra d’obtenir. La Digital Factory est ainsi un moyen pour réussir cet important virage culturel, mais il est indispensable d’accompagner ses équipes à chaque étape. « C’est une co-construction avec les départements business, produit et tech. Nous devons y aller progressivement et se donner des objectifs cohérents pour y arriver. C’est une transformation humaine », signale le Tribe Lead de chez Accor.

Un point de vue partagé par Emmanuel Valluche : « L’idée, c’est vraiment d’être une seule équipe. C’est là que nous retrouvons les principes de l’agilité : se dire que nous travaillons tous ensemble dans le même sens, avec la même vision, pour réaliser des produits qui soient exemplaires ».

La Digital Factory implique aussi une évolution technologique fondamentale des outils existants dans l’entreprise. Cela peut être particulièrement complexe, surtout pour des groupes historiques comme Accor, qui a des API de 12 ans d’existence. Toutefois, il est important de moderniser ces solutions en continu pour qu’elles apportent davantage de valeur aux équipes, comme aux clients finaux. Pour cela, les architectures MACH (pour Microservices, API First, Cloud-native et Headless) sont privilégiées.

« Nous voulons que les outils créés pour nos clients ou nos hôteliers soient le plus “seamless” et accessibles possible, avec des parcours optimisés et simples. C’est complémentaire : l’accueil de nos clients et celui des utilisateurs de nos produits doivent être exemplaires. En tant que Digital Factory, nous devons donc aller dans ce sens », insiste Benoît Salmon.

À l’heure où la digitalisation est le défi de toute entreprise, la Digital Factory apparaît ainsi comme un bouclier indispensable pour faire face aux grands enjeux organisationnels, technologiques et culturels qui l’accompagnent. En faisant rimer agilité, collaboration et modernité, elle montre qu’il est possible de ne pas aborder sa transformation digitale en ordre dispersé.