Siècle digital : La Russie, surtout connue pour son industrie des hydrocarbures, peut-elle exceller dans l’écosystème des nouvelles technologies et dans le digital ?

Sevak Mkrtchyan : Oui, bien sûr. Chez Michelle Robotics, nous fabriquons des robots. Par ailleurs, il y a beaucoup d’entreprises russes spécialisées dans les technologies de l’information, connues dans le monde entier, comme Yandex ou Kaspersky.

Denis Kirikov : Absolument ! Il existe deux grands moteurs concernant le développement de nouveaux types d’équipements et de transports, notamment les voitures sans conducteur : l’utilisation de l’hydrogène comme carburant et l’utilisation à grande échelle de moteurs électriques. L’expertise et l’expérience de la Russie dans ces domaines ne sont plus à démontrer et sont parmi les plus importantes au monde.

Denis Miganov : La Russie a un énorme potentiel, humain et technologique, ainsi que des institutions scientifiques et de nombreuses entreprises qui portent ces changements. La Russie devrait se distinguer bientôt par son écosystème technologique, car la responsabilité d’une meilleure écologie et d’un meilleur cadre de vie ne cesse de croître.

Stanislav Karasev : Nous avons des entreprises technologiques de pointe, en particulier dans le domaine de la Tech, aussi bien des géants que des startups. Dans certains secteurs, comme la Fintech, le secteur du Food Delivery ou l’AdTech, les startups russes sont à la pointe. Chez First Data, nous nous concentrons sur les AdTech et Martech qui sont des technologies basées sur l’achat. Des algorithmes puissants nous permettent d’atteindre les objectifs de nos clients, de mesurer les résultats d’une campagne et d’accroître l’efficacité de notre marketing.

Siècle digital : Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ont lancé en 2017 le Dialogue du Trianon pour renforcer les échanges, et notamment les opportunités commerciales, entre les populations française et russe. Que pensez-vous de ce dialogue ?

Sevak Mkrtchyan : Tout dialogue vaut mieux que l’absence de dialogue. Les entreprises doivent essayer de fonctionner de manière apolitique. Il y a beaucoup d’entreprises françaises puissante qui opèrent en Russie : nous travaillons avec certaines d’entre elles et nous n’avons pas de différends politiques.

Stanislav Karasev : C’est une bonne façon de construire une relation de qualité entre la France et la Russie, a fortiori à l’heure d’une pandémie mondiale et de tensions politiques. C’est un format qui permet de contourner certaines positions officielles ainsi que la bureaucratie gouvernementale.

Denis Miganov : Ce dialogue est devenu une plateforme fructueuse pour des discussions internationales. Il s’agit d’une initiative brillante qui comble les fossés entre nos cultures et crée la base de projets communs, notamment dans les secteurs industriels et technologiques de l’économie. L’un des sujets à l’ordre du jour est le domaine de l’industrie durable.

Denis Kirikov : Le Dialogue du Trianon a organisé et parrainé plus de 100 projets franco-russes. Les communautés Tech expriment un vif intérêt pour la coopération bilatérale. La nouvelle édition de Trianon Startups, qui aura lieu à Moscou au printemps 2022, et sa deuxième édition régionale en France y contribueront certainement.

Siècle digital : Vous vous êtes rendu au Château de Versailles pour la 3ème édition de Trianon Startups afin de rencontrer des grands groupes français. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Stanislav Karasev : L’événement du Trianon Startups au Château de Versailles a été très utile pour notre entreprise. En tant que société spécialisée dans les projets AdTech, Martech et data, nous avons découvert un paysage du marché français qui nous a aidé à clarifier notre stratégie d’entrée sur le marché européen. Nous avons également communiqué avec Orange et Auchan.

Denis Kirikov : La 3ème édition de Trianon Startups a été l’un des premiers événements en présentiel en France après la levée des restrictions sanitaires, offrant des opportunités pour les entrepreneurs russes et français de se rencontrer pour la première fois depuis presque deux ans. Si les outils de communication en ligne permettent de rester en contact, les véritables partenariats s’établissent lors d’une communication en face à face.

Denis Miganov : Le voyage a été parfaitement organisé par la partie française, un grand merci à Euryale Chatelard, la présidente de Trianon Startups. Nous avions l’endroit idéal pour rencontrer et présenter nos startups et nos technologies aux grandes entreprises françaises. Nous avons eu des réunions avec des cadres supérieurs de ces entreprises : les vice-présidents de Total, Auchan ou Air France. Cela n’est guère possible dans la vie normale.

Sevak Mkrtchyan : Notre entreprise fabrique des robots pour le comptage des stocks et nous travaillons avec Decathlon SA. Cette réunion a été très utile pour nous. Nous aimerions poursuivre la discussion que nous avons entamée avec Auchan et Total en Russie.

Siècle digital : Quelles sont les opportunités offertes par ce type d’événement dans le domaine digital ou de la data ?

Stanislav Karasev : Ce type d’événement abaisse les barrières entre les marchés et permet aux entreprises françaises et russes de discuter des opportunités commerciales de manière rapide et efficace. C’est encore plus important pour les startups qui n’ont pas beaucoup de ressources à consacrer aux études de marché. Notre entreprise, First Data, est jeune et le marché européen est nouveau pour nous. Nous avons mieux compris comment notre technologie peut permettre à nos clients européens de communiquer avec leur public en utilisant des données basées sur les achats.

Denis Kirikov : Trianon Startups permet des contacts directs entre les grandes entreprises et les startups, sans aucun médiateur. Pour les entreprises, il s’agit de rencontrer des entrepreneurs talentueux proposant des technologies uniques et d’être les premiers à les repérer. Pour les startups, c’est une possibilité de trouver des investisseurs et de pénétrer les marchés internationaux.

Denis Miganov : Cela offre une grande opportunité de se rencontrer à la fois en Russie et en France. Peu importe ce que vous êtes -une petite entreprise en démarrage ou une grande société- cet événement vous permettra de rencontrer personnellement et individuellement l’entreprise dont vous avez besoin.

Siècle digital : Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs français qui souhaiteraient créer leur entreprise ou faire des affaires en Russie ?

Denis Kirikov : Visiter l’école de commerce MGIMO est la première étape pour être introduit à l’environnement des affaires et aux différents secteurs de l’économie. Des experts vous aideront à comprendre à la fois les spécificités des normes internes et à mener une étude approfondie du secteur.

Denis Miganov : Le premier conseil est de venir en Russie, de parler aux revendeurs potentiels de votre produit, de parler aux clients potentiels pour comprendre comment s’adapter au marché. Nous avons beaucoup d’entreprises françaises qui opèrent en Russie (Orange, Auchan, Total, etc.) ainsi que des startups de petite et moyenne taille, comme Sigfox.

Stanislav Karasev : Les opportunités réelles d’affaires et d’investissement en Russie sont très prometteuses et le marché russe est très riche en termes d’innovations. Le moyen le plus approprié pour commencer à vendre des produits ou des services en Russie est un partenariat avec des acteurs russes existants. Cela permet aux entreprises étrangères d’accéder facilement aux clients et de niveler la différence culturelle.

Michelle Robotics : En effet, il faut idéalement trouver un partenaire local.

Siècle digital : Existe-t-il des aides en France pour aider les startups russes à s’implanter en France? Y a-t-il un écosystème d’entreprises russes spécialisées dans la Tech en France, un peu comme la French Tech en Russie ?

Michelle Robotics : il existe une aide pour l’obtention de visas à long terme, une facilitation pour entrer dans les hubs d’accélération et des investissements dans la phase de démarrage.

Denis Kirikov : Je ne peux pas me prononcer sur la disponibilité de l’assistance dans le développement commercial de mon projet en France, mais je peux dire avec confiance que les projets EdTech en France sont ouverts et amicaux.

Stanislav Karasev : Je ne connais pas d’acteur de cet écosystème, mais j’y participerai s’il est construit par les entreprises ou le gouvernement. Je pense que le centre de recherche et développement russe Skolkovo Innovation Center a une relation forte avec les entreprises françaises, comme Orange, donc il pourrait être construit sur cette base.

Denis Miganov : Nous avons visité des hubs d’accélération en France qui aident les startups russes à se développer plus rapidement dans la région, et pas seulement en France. La France est un bon endroit pour faire des affaires dans l’Union européenne. Nous voyons de nombreux exemples de réussite d’entreprises russes dans l’Hexagone.