Qu’est ce qu’une interface numérique ?

Avec le multimédia, l’homme invente de nouvelles interfaces permettant des interactions toujours plus abouties avec la machine. L’interface homme-machine est la couche entre ces deux entités par laquelle ont lieu ces interactions. On peut trouver sans problèmes d’autres formes d’interfaces, mais la relation qui va nous intéresser ici est la relation homme-machine.

Le GUI – graphical user interface – est la première interface graphique. C’est une interface qui permet de sortir de l’IRC (écran noir) et d’apporter la possibilité d’une communication visuelle de la machine vers l’homme. Une autre couche d’interface va venir rendre le programme encore plus convivial : le « bureau », avant de devenir une icône, est la métaphore d’un univers de travail familier qui le rend acceptable comme interface numérique.

D’un point de vue philosophique, dire que ces interactions homme-machine augmentent les capacités de l’homme et celles de la machine n’est pas chose neutre. Chacun choisira d’y voir un cercle vertueux ou vicieux. Cette relation avec une forme d’intelligence artificielle qui pourrait nous dépasser, nous remplacer, est une angoisse ancienne. Kubrick l’exprimait déjà en 1968 dans le film 2001 : l’Odyssée de l’espace.

Cette expansion de la machine se vérifie en partie à travers le 20e siècle en ce qui concerne l’informatisation de certaines activités humaines, une révolution de l’innovation, silencieuse et fataliste. Cette dernière rend encore plus nécessaire le développement de la relation homme-machine et donne à l’interface, cette fine couche entre le réel et le virtuel, un rôle de plus en plus étendu.

Toutes ces interfaces prolongent l’être humain, elles augmentent l’être humain. Le mobile par exemple permet l’ubiquité, de rendre présente la voix humaine n’importe où et de n’importe où. Les interfaces numériques nous modifient à travers les interactions qu’elles provoquent et les comportements/habitudes qu’elles génèrent. Nous avons appris à taper à deux mains sur un clavier alors même que nous n’écrivons pas simultanément à deux mains.

Une interface, c’est avant tout une relation.

Une interface homme-machine, c’est une relation entre l’homme et la machine. Elle doit permettre le dialogue. Fournir un input, c’est donner la possibilité à l’utilisateur de manipuler le système et de donner des ordres (ou requêtes) à la machine. La souris et le clavier sont des interfaces d’acquisition. Recevoir un output, c’est quand le système répond et indique le résultat de cette manipulation avec des interfaces de restitution (écran, témoins).

Penser l’interface, c’est donc penser cette relation. Il faut savoir créer un dialogue et surtout éviter le monologue qui a pour sanction directe le désintérêt du coté de l’utilisateur. Parler à une machine ce n’est déjà pas toujours facile à accepter – pensons au film Her avec Joachim Phoenix qui traite d’une relation amoureuse homme-machine – autant rendre cette conversation agréable à l’humain et surtout la plus productive possible.

Ces interfaces modifient le cerveau humain par cette médiation entre deux systèmes, l’un humain, l’autre pas. Elles doivent parler ces deux langages et les faire dialoguer. Chez l’humain, les interactions homme –machine ont un impact sur la mémoire, l’apprentissage, la connaissance, l’organisation de la pensée, l’attention, la communication et la perception. C’est la raison pour laquelle on considère qu’elles nous modifient.

L’interface doit susciter l’affect (facteur émotionnel) et correspondre à un univers cognitif (facteur technique). Une interface peut être très propre techniquement mais peu relationnelle. Il faut alors créer les conditions d’une communication en agissant sur l’humain. On le fait en se souvenant toujours que l’humain connaît par les sens et comprend par l’esprit. Dans un pays cartésien comme la France, cette démarche rencontre des réticences.

La perception, c’est l’information donnée par nos sens au premier contact. Pour remplir son rôle, une interface doit faire ressentir la relation de manière agréable. On se méfie des sens, mais on les intègre inconsciemment. Les illusions d’optique montrent qu’en trompant l’œil, on peut faire des interfaces qui trompent et acclimatent le cerveau. La perception subjective du temps est celle qui est ressentie lorsqu’un site nous parle en « temps réel ».

Les interactions homme–machine ont un impact sur la mémoire. Une mémoire humaine fait le tri en mémorisant l’utile, par exemple un trajet quotidien ou des horaires de travail. Une chose mémorisée sur le long terme sera difficile à changer sans phénomènes de résistance. Il s’agit alors d’intégrer la mémoire humaine par le procédé de la métaphore qui fait référence à une chose déjà mémorisée (le bureau sous Windows et Mac)

L’ergonome a pour mission le design de cette relation.

L’expérience utilisateur (UX) devient une réflexion centrale. On se base de plus en plus sur les perceptions de l’utilisateur pour concevoir l’interface. Une interface est une relation, le design d’interface est le design de cette interaction. Le métier d’ergonome, c’est précisément le design de cette relation. Il met l’homme au cœur de sa démarche pour lui permettre de mieux produire en optimisant l’interaction entre l’homme et son milieu.

L’ergonomie a pour objectif d’adapter un produit multimédia (site, application, logiciel) à ses visiteurs, de sorte qu’ils ressentent son utilisation comme facile, confortable, et qu’ils aient envie d’y revenir. L’interface homme-machine doit provoquer quelque chose qui intéresse l’utilisateur (affect) et qui soit compréhensible (cognition) de manière à déclencher le dialogue.

L’ergonome a pour mission le design de l’expérience utilisateur. Il considère l’interface sous l’angle double de l’utilité et de l’utilisabilité (usability). L’utilité est liée aux besoins, l’utilisabilité est liée à la qualité d’utilisation. Attention, une interface n’est pas ergonomique parce qu’elle est utilisable par des personnes novices, mais parce qu’elle est adaptée à ses utilisateurs.

On repartira à chaque fois des utilisateurs pour optimiser l’expérience sur l’interface. Le métier d’ergonome est un métier d’empathie et de perception. La démarche doit (1) identifier, (2) comprendre et (3) prendre en compte les utilisateurs. Chaque projet est unique : les règles à appliquer dépendent donc du contexte, des objectifs stratégiques et surtout de vos utilisateurs !

L’ergonomie doit être la recherche d’un idéal. Devons-nous nous adapter à la machine ou est-ce seulement à la machine de s’adapter à nous ? Les sites sont aussi pensés pour des robots (notamment ceux du référencement). Il faut trouver le compromis entre deux langages. Concrètement, c’est un compromis entre l’utilité, l’esthétisme, la fonctionnalité et la simplicité.

L’objectif d’un site devrait toujours être de répondre aux attentes et aux problèmes de ses utilisateurs, de manière pratique et agréable (en flow). Les champs d’action sont l’acuité visuelle, la mémoire, la navigation, l’énergie, la dextérité. Le design d’interface ou design d’interaction doit paramétrer ces items de manière à optimiser l’expérience utilisateur : l’accessibilité, le design, la navigation, les contenus et les fonctionnalités.

L’outil canonique du design d’interface est le wireframe. Il permet à l’ergonome de modéliser l’interactivité. Tout est fusionné dans ce document proposé en validation qui reprend les décisions stratégiques, architecturales et interactionnelles. C’est une maquette, un story-board intervenant dès la conception du projet multimédia où sont placés les grands ensembles interactifs. On partira de la conception pour aller vers le design d’interface.