« C’est certainement la machine la plus compliquée que l’homme ait construite », revendique au New York Times Darío Gil, directeur de la R&D chez IBM. Cette « machine la plus compliquée » pour fabriquer des puces est utilisée par des entreprises américaines et se trouve hors de portée de la Chine. Fabriqué par le constructeur néerlandais ASML, l’outil est vendu à 150 millions de dollars. Son atout principal réside dans la production de microprocesseurs dotés de circuits beaucoup plus petits. Un exemplaire de cette machine est situé dans l’État de New York dans une usine d’IBM.
L’avancée majeure de la machine d’ASML réside dans l’utilisation de rayonnements ultraviolets extrêmes (EUV) pour définir les circuits de la puce. Avec ce procédé, ils sont plus fins et les performances des tranches de silicium qui contiennent les puces sont ainsi améliorées. Cette maîtrise de l’utilisation de la lumière a incarné l’un des défis les plus importants de ce programme de recherche. L’EUV est utilisé depuis 2017 pour une production à grande échelle. Pour se rendre compte de ses dimensions, il suffit de s’intéresser à son transport. Une expédition de la machine à EUV nécessite 40 conteneurs, 20 camions et 3 Boeing 747.
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Une tranche de silicium contenant plusieurs microprocesseurs. Crédit : IBM
Cet outil de production est reconnu comme nécessaire à la fabrication des puces dernier cri. Pour protéger cette avance, en 2019, l’administration Trump a usé de ses lobbyistes auprès du gouvernement néerlandais afin de bloquer les exportations à destination de la Chine. L’administration Biden n’a pas montré de signe indiquant un inversement de cette tendance.
Le secteur stratégique des semi-conducteurs
« Du point de vue de la Chine, c’est une chose frustrante », estime Will Hunt, analyste au centre de recherche en sécurité et technologies émergentes de l’université américaine de Georgetown. Le développement ayant nécessité plusieurs décennies, Pékin a quelques longueurs à rattraper. Du point de vue de l’ASML, cela n’a pas eu d’impact majeur. L’entreprise néerlandaise s’est appuyée sur d’autres clients et continue de vendre des modèles plus anciens à la Chine. 15% de son chiffre d’affaires provient de l’Empire du Milieu.
Dans le contexte de guerre commerciale sino-américaine, le secteur des semi-conducteurs se trouve sous le feu des projecteurs. De fait, cette industrie est essentielle pour les appareils dotés de logiciels informatiques, comme les voitures à conduite autonome. Vulgairement, un microprocesseur est le cerveau de la machine. La chaîne de production des microprocesseurs se déploie à travers plusieurs pays et les tensions internationales ont entraîné une baisse de la production, puis une pénurie.
Il est alors peu étonnant que la machine d’ASML soit perçue par les États-Unis comme un levier. D’autant plus que la Chine présente un retard dans le secteur des semi-conducteurs et que les États-Unis ont des lacunes en matière d’unités de production. Les deux puissances travaillent actuellement sur leur indépendance dans cette industrie. Aux États-Unis un plan de 50 milliards de dollars est actuellement en débat au Congrès. Quant à la Chine, elle réunit les secteurs privé et public pour booster sa recherche.
ASML ou « la société la plus importante dont vous n’avez jamais entendu parler »
Mais, la route reste longue. Selon une étude du Boston Consulting Group et de la Semiconductor Industry Association rapportée par le New York Times, une chaîne de production autosuffisante nécessiterait a minima 1 000 milliards de dollars d’investissements. Par conséquent, les prix des puces, et donc des produits les nécessitant, augmenteraient fortement. Pour Willy Shih, professeur de gestion à Harvard, cette autonomie de production est tout simplement « complètement irréaliste ».
Depuis le lancement de la machine à EUV en 2017, une centaine d’exemplaires ont été vendus. Parmi les acheteurs se trouvent TSMC et Samsung. TSMC utilise la technologie pour produire les puces des derniers iPhone.
Créé en 1984 par l’entreprise néerlandaise Philips, ASML, ou l’Advanced Semiconductor Materials International, est aujourd’hui valorisé à 285 milliards de dollars. C’est « la société la plus importante dont vous n’avez jamais entendu parler », soutient CG Muse haut responsable pour la société d’investissement Evercore. Depuis la fin des années 90, l’ASML a investi 8 milliards de dollars pour développer sa machine. Par ailleurs, l’entreprise s’est appuyée sur des coopérations internationales avec des pays européens, les États-Unis et le Japon.