Pour décrypter cette étude récente et plus largement comprendre les logiques sous-jacentes à l’engagement des organisations dans le contexte actuel, nous avons échangé avec Cyndie Bettant Marketing & Influence Manager Cision.

Cision a sorti une étude au mois de septembre sur l’engagement des marques: alors ? Bullshit ou vraie transformation ?

Il faut préciser tout d’abord que l’étude a été menée par Cision auprès de plus de 400 directeurs marketing et communication. Elle a été lancée en février avant le confinement et la crise sanitaire. Nous avons reposé les questions au panel en juin pour analyser l’impact entre ces deux périodes.

Ce qui ressort, c’est que 90% des répondants ont avancé que l’entreprise devait avoir un rôle sociétal et/ou environnemental. C’est une vraie tendance de fond ! Les professionnels du marketing et de la communication veulent faire de leur entreprise une marque engagée. Et ils vont plus loin : 80% d’entres eux nous ont dit que c’était une question de survie de la marque. C’est très intéressant car effectivement, les marques meurt. Plus de 80% des marques du XXe siècle sont mortes. Pour les professionnels, l’engagement de la marque serait un élément fort de la résilience des organisations. La volonté est donc réelle de la part des professionnels du marketing et de la communication.

TÉLÉCHARGER L’ÉTUDE

La crise sanitaire a-t-elle eu un impact sur le phénomène ?

La crise sanitaire que nous vivons a accéléré le phénomène. Le gros boom a été en 2018, à l’exemple de l’annonce de Carrefour sur la transition alimentaire, ou quand Nike s’est engagé contre les violences policières et le racisme, mais également Danone sur la santé quand l’entreprise s’est séparée de son “aile biscuits”. On se rend compte qu’actuellement, toutes les sociétés y réfléchissent. D’après l’étude, plus de 40% des communicants expliquent que leur direction générale leur a demandé d’axer leur communication sur l’engagement.

La crise a englobé ce phénomène, des centaines d’entreprises ont répondu par des initiatives, en produisant des masques par exemple. Même si ces actions n’en font pas des marques engagées, cela a eu au moins l’effet de mettre le sujet sur la table, de soulever le débat en interne. Ainsi, l’étude souligne qu’il n’y a que 11% des sociétés qui ne parlent pas d’engagement dans leur entreprise.

En interrogeant les professionnels sur leur engagement, on a observé un avant et un après-confinement. La majorité des entreprises se dirigent vers l’achat et la production responsable et durable. En trois mois d’intervalle, la démarche a gagné 21 points. Il faut cependant que l’engagement corresponde au besoin du marché. Nike a choisi la lutte contre le racisme, car leur cible ce sont les jeunes urbains. Le racisme les touche profondément. Il ne faut donc pas confondre cette vague verte dans la société et l’engagement au sein de l’entreprise en terme marketing.

D’après cette étude, 41% des professionnels marketing pensent que le bashing est inévitable quand on mène une campagne d’engagement ? Alors pourquoi le faire ? Comment s’en prémunir ?

Le bashing est un vrai frein au marketing de l’engagement. Par nature, quand on s’engage, on est clivant. Quand on va au bout de ses idées, c’est obligatoire d’avoir des détracteurs. Avant de commencer à énoncer des grands principes et de grandes valeurs, il faut surtout nettoyer devant sa porte. Si jamais on s’engage pour l’écologie, il ne s’agit pas de se limiter à reverser de petites sommes à des associations. Il faut aller au bout des choses, car les consommateurs ne sont pas dupes. Ils feront la différence entre le cosmétique et la transformation profonde. Le marketing de l’engagement est un marketing de la preuve qui se résume par cette phrase : Don’t talk, act. Don’t say, show. Don’t promise, prove.

Il faut communiquer avec beaucoup d’humilité. Le bashing est inévitable, mais il y a deux éléments qui permettent de s’en prémunir autant que faire se peut. La première est de vraiment se connaître en tant qu’organisation, connaître sa raison d’être, savoir pourquoi on se bat, pour que l’engagement entre en résonance avec l’entreprise. La seconde est de mettre en place une véritable veille autour de ses actions, autour de sa marque. L’idée est d’anticiper et de comprendre le bashing inhérent à l’engagement, pour faire le tri entre les retours légitimes des consommateurs et les attaques gratuites.

TÉLÉCHARGER L’ÉTUDE

Justement à propos de raison d’être, Cision a redéfini son identité. Cision est un Éclaireur de Marques. Ca sert à quoi un éclaireur de marques ?

Nous menons depuis 2 ans un travail en interne pour nous connaître, redéfinir notre valeur ajoutée, ce que l’on offre au marché. Le travail a été long car l’histoire de Cision est le fruit de multiples rachats, la fusion de sociétés comme l’Argus de la presse, Datapresse, Hors Antenne, Europresse.. Il a donc fallu se questionner sur une mission commune.

C’est à travers un groupe de travail qu’a émergé la notion d’Éclaireur de Marques, parce que nous voulons aider les communicants à mener des campagnes courageuses, des campagnes d’engagements. Pour ce faire, il faut que le communicant monte d’un cran, qu’il soit aidé, qu’il ait le bon accompagnement, les bons outils médias, ainsi qu’une information éclairée sur sa marque et son marché afin d’occuper une place centrale au sein de l’entreprise, car comme je le disais, le marketing de l’engagement est un marketing de l’acte. Il faut faire bouger les lignes, ce qui peut aller jusqu’à faire changer la stratégie de la société. Par exemple, Carrefour se positionne dans la transition alimentaire et annonçe que bientôt, on ne pourra plus acheter de machines à laver, d’appareils photo ou de bijoux dans leurs enseignes, parce que ce n’est plus en lien avec leur raison d’être. Il faut avoir de la légitimité et l’écoute des personnes les plus haut placées pour opérer de tels changements.

Nous croyons donc vraiment à la vision d’une communication stratégique. Notre combat c’est de mettre la communication au coeur des enjeux stratégiques au lieu d’en faire une petite boite à outil. Nous sommes éclaireurs de marques car notre objectif est de mettre les marques en lumière à travers tous nos outils RP mais aussi mettre l’éclairage sur tout ce qu’il se passe autour de leur marché, du conversationnel que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux et d’aider les entreprises à s’y retrouver dans cet océan d’informations.

Si le marketing de l’engagement est un marketing de la preuve et des actes, les communicants et marketeurs sont-ils bien armés aujourd’hui pour faire bouger les lignes ?

D’après l’étude, les professionnels du marketing et de la communication ont vraiment des atouts pour mener ce type de campagne. Ils ont de très bonnes relations interservices. C’est crucial, car le marketing de l’engagement se passe avant tout en interne. Ca ne s’impose pas directement à l’externe. Dans le top 20 des marques engagées, la première est Patagonia. Depuis sa naissance, la marque a été conçue pour produire des vêtements avec le moins d’empreintes carbone possible. Dès le recrutement, les convictions sur l’environnement sont importantes. Les valeurs et l’engagement en interne sont donc cruciaux avant ne serait ce que de penser à l’externe.

Le marketing de l’engagement a donc rendu les métiers de la communication et du marketing bien plus transverses en les mettant en relation avec la production, les RH, les achats, les départements commerciaux, etc. Ils sont sont 79% à le penser et 65% qu’il a changé leur métier en profondeur.

En revanche, près de la moitié estime manquer de légitimité, et c’est un gros problème, car comme on en parlait, l’engagement est un marketing de la preuve, un marketing qui fait bouger les lignes. Quand ce n’est pas le cas, ça donne des situations comme le bashing de L’Oreal qui a annoncé retirer les mots blanc/blanchissant de ses produits en lien avec le mouvement Black Live Matter, ce qui n’a pas été jugé authentique. Cela souligne la nécessité pour les départements marketing et communication de prendre du poids au sein de l’entreprise. Dans une autre étude, nous avons montré que seulement 37% des dircom ont une place au comité de direction. Notre combat chez Cision est d’arriver à les accompagner, de leur donner les meilleurs outils et l’accès aux informations cruciales, pour qu’ils prennent la place qui leur ait due dans leur organisation et puissent mener à bien la transformation vers une marque engagée.