L’ombre de Micron, la plus grande entreprise de puces mémoire américaine, a plané sur la 29e rencontre des ministres du Commerce des pays du forum pour la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC), organisé aux États-Unis, la semaine passée. Alors que Pékin vient de sanctionner le groupe, Washington se scandalise, tandis que Séoul s’interroge sur les opportunités et risques de laisser ses propres industriels profiter de la situation.
Une spirale de sanctions entre Chine et États-Unis ?
Lors d’une conférence de presse en marge d’une rencontre de l’APEC, le 27 mai, à Détroit, Gina Raimondo, Secrétaire au Commerce américaine, a fermement critiqué les mesures prises par la Chine contre Micron. Elle a rejeté une sanction ciblant « une seule entreprise américaine sans aucune base factuelle » et a affirmé « nous ne le tolérerons pas ».
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Le 21 mai, la Cyberspace Administration of China (CAC), chargé de la sécurité sur l’Internet chinois, a rendu les conclusions d’une enquête lancée contre Micron fin mars. L’entreprise américaine, qui a tiré 11 % de ses revenus de Chine l’année passée, est accusée de représenter une menace pour la sécurité intérieure. Le CAC a prévenu que « les opérateurs d’infrastructures travaillant avec des données sensibles en Chine devront arrêter d’acheter les produits de Micron Technology ». La société basée dans l’Idaho a averti ses investisseurs d’une potentielle baisse de revenus.
Gina Raimondo a rapporté avoir abordé le sujet lors d’une rencontre avec son homologue Wang Wentao le 25 mai. Selon Bloomberg, l’Administration Biden tente de retrouver le chemin de la discussion avec Pékin après de long mois de tension. L’enquête de la CAC et ses résultats ressemblent eux-mêmes à une réponse de la Chine. En octobre 2022, les États-Unis ont lourdement limité l’export de puces avancées, d’outils de fabrications, vers la Chine.
Les entreprises coréennes ont-elles intérêt à récupérer les parts de marché de Micron ?
Au milieu du jeu de puissances entre les États-Unis et la Chine se trouve la Corée du Sud. Grand allié du premier dans la région, partenaire commerciale clé du second. Avec Samsung et SK Hynix, Séoul dispose de deux groupes spécialisés dans les puces mémoires, à même de reprendre les parts de marché de Micron. Déjà bien implantée en Chine, où ils vendent une grande partie de leur production et disposent d’usines, l’opportunité est intéressante. D’autant que les résultats financiers récents des deux entreprises ont été décevants.
Profitant de l’APEC, le ministre Wang Wentao, a rencontré Ahn Duk-geun, ministre du Commerce coréen. Au terme de l’entrevue, le ministère chinois a rapporté que les deux partis ont échangé sur « sur le maintien de la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement et le renforcement de la coopération bilatérale, régionale et multilatérale ». Ajoutant qu’ils ont convenu « de renforcer le dialogue et la coopération dans la chaîne d’approvisionnement de la chaîne de l’industrie des semi-conducteurs ».
Le ministère sud-coréen n’est pas allé aussi loin, évoquant simplement des discussions sur « la stabilisation de l’offre et de la demande de matières premières et de composants clés ». Sans mention des semi-conducteurs dans son communiqué.
Bloomberg rapporte que des officiels sud-coréens redoutent une tentative de Pékin d’éloigner Séoul et Washington. Aussi la Corée n’envisagerait pas de profiter de la situation de Micron, bien que la question ne soit pas définitivement tranchée. Les États-Unis font pression en ce sens. Ils disposent d’un levier commercial puissant, Samsung et SK Hynix bénéficient d’une exemption aux sanctions américaines d’octobre, pour leurs usines chinoises. Un avantage qu’il s’agit de conserver pour les deux groupes et Séoul. Par exemple en s’abstenant de récupérer les marchés de Micron.