Le groupe qui abrite Vice News, Motherboard, Refinery29 et Vice TV, figurait autrefois parmi les médias numériques les plus en vogue. Deux mois après avoir fermé l’antenne française, l’ancien magazine de culture Punk canadien dépose le bilan et débute un processus de vente ce lundi 15 mai, sous la surveillance du tribunal américain des faillites de New York.

La société dispose de 55 jours pour conclure une vente

Valorisé à 5,7 milliards de dollars en 2017, le célèbre média alternatif n’en vaudrait plus que 225 millions aujourd’hui. Des ambitions anéanties pour des dirigeants qui ont, un temps, envisagé une entrée sur le marché. Cette situation est le résultat de plusieurs années de difficultés financières et d’un modèle économique bancal. Après presque 30 ans d’activité, le pureplayer qui avait séduit toute une jeune génération dans le monde entier a déposé une demande de mise en faillite auprès du tribunal américain de New York.

À ce jour, une offre de consortium de plusieurs prêteurs, dont Fortress Investment, a été acceptée pour la modique somme de 225 millions de dollars. Une broutille au vu des 834 millions de dollars de dette impayée indiquée dans les dossiers de faillite déposés lundi. Ils mentionnent également que la société dispose de 55 jours pour conclure une vente, durant lesquels elle sera mise aux enchères. Les prêteurs mentionnés fourniront également plus de 20 millions de dollars et autres financements pour pérenniser les activités de Vice.

Malgré une situation manifestement critique pour Vice Media, ses co-fondateurs Bruce Dixon et Hozefa Lokhandwala affichent un ton plein d’espoir dans leur communiqué, « Nous sommes impatients de terminer le processus de vente dans les deux à trois prochains mois et de tracer un prochain chapitre sain et réussi chez Vice ». Pour l’instant la faillite n’interrompt pas les activités quotidiennes de Vice, bien que le groupe ait déjà fermé l’antenne française à la fin du mois de mars dernier.

Paul Douard, le rédacteur en chef, partageait sur son compte Twitter toute sa tristesse de « perdre un média avec un ton, une liberté et des choix audacieux ». Un sentiment partagé par les millions de lecteurs de Vice, le mentionnant comme « une légende » en réponse à son tweet.

Un média qui laisse derrière lui des années de gloire

Si aujourd’hui le groupe tire sa révérence, il laisse derrière lui de belles années de gloire. Aux côtés de Konbini, Brut, Melty ou encore Buzzfeed, il fut l’un des premiers médias influents sur la cible dite “digital native”. Un journalisme en ligne bousculant les règles de la profession. Il s’est d’ailleurs diversifié par la suite en chaîne de télévision, en agence de publicité et différentes verticales. En 2018, il affichait un chiffre d’affaires compris entre 600 et 650 millions de dollars.

À partir de 2013, ce succès a motivé des titans des médias comme Disney, Fox et d’autres investisseurs financiers ont dépensé des centaines de millions de dollars dans le groupe, accompagnant Vice au rang d’important groupe médiatique. Un pari qui ne fut visiblement pas gagnant ni pour les investisseurs ni pour le média, qui lui subissait la pression d’une rentabilité à court terme et des crédits impossibles à solder.

Aujourd’hui, Vice Media subit cette dépendance aux investisseurs externes et un modèle économique défavorable. Si le groupe en est là aujourd’hui, c’est probablement le résultat de plusieurs années de difficultés financières, ne lui permettant pas de réaliser des bénéfices. En dépendant uniquement de la publicité pour conserver un accès gratuit à ses lecteurs, Vice n’a pas pu rivaliser avec les géants Facebook (Meta), Amazon et Google, qui captent actuellement plus de 50% du marché.

Par ailleurs, le groupe médiatique a dû faire face à plusieurs restructurations financières et des vagues de licenciements consécutives. Pire encore, des affaires de harcèlement sexuel poussant des cadres haut placés vers la sortie et un dédommagement de 135 000 dollars à une ancienne salariée. Bien que Vice ait tenté de redorer son image les années suivantes en nominant une femme à la tête du groupe ou en rachetant le média 100 % féminin Refinery29, les conséquences furent désastreuses pour sa réputation.

La situation actuelle du groupe Vice Media traduit les difficultés de tout un spectre du paysage médiatique. Ses pairs dans l’industrie des médias numériques tels que BuzzFeed News ou encore MTV News sont confrontés aux mêmes problématiques.