Depuis plusieurs semaines déjà, la rumeur d’une grève courait à Hollywood. Le 2 mai, elle a dépassé le stade de simples bruits de couloirs. La Writers Guild of America (WGA) a lancé un mouvement de grève, faute d’un accord avec les producteurs sur leurs conditions de rémunération. C’est la première fois en quinze ans que les scénaristes du cinéma et de la télévision désertent les salles d’écriture.

Des revendications et des inquiétudes liées au streaming

« En vertu de l’autorité qui leur a été confiée par leurs membres, les WGA Est et Ouest ont voté à l’unanimité en faveur d’un appel à la grève », a tweeté le syndicat, qui représente plus de 11 500 auteurs. Depuis, les photos de profils arborant le message “Writers Guild on strike”, ou “les scénaristes de la Writers Guild of America West en grève” en français, ont inondé les réseaux sociaux. Les auteurs se sont également déplacés devant les studios de cinéma, à Los Angeles comme à New York.

La WGA estime que l’avènement du streaming a précarisé la situation des scénaristes, même si le métier était déjà « sous-évalué » depuis plusieurs années, souligne Chris Keyser, auteur et membre du comité de négociation de la WGA. Selon un rapport publié par le syndicat, près de 50 % des scénaristes de séries télévisées sont actuellement payés au taux minimum, contre 33 % en 2013 et 2014.

Ils peinent également à dégager un revenu convenable, car ils travaillent moins de six mois dans l’année. Plus précisément, ils exercent en moyenne 20 à 24 semaines par an, précise la WGA dans un communiqué. Cela est principalement dû au format des contenus, qui est bien plus court qu’auparavant. Aujourd’hui, les séries se composent généralement d’une dizaine d’épisodes par saison, contre vingt à l’époque.

Les auteurs souhaitent que leurs salaires soient revalorisés. Ils veulent également pouvoir bénéficier plus amplement des recettes générées par leurs créations, qui contribuent au succès des grandes plateformes de streaming. Ces dernières restent particulièrement discrètes sur leurs audiences. Elles se contentent de verser aux scénaristes un montant fixe, même si un titre devient un succès mondial. Les auteurs déplorent ce manque de transparence.

Dans leur billet de blog, les membres de la WGA ont également partagé leurs inquiétudes quant à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans les salles d’écriture. Ils demandent des mesures de protection pour réglementer l’usage de cette technologie dans leur secteur, et ainsi protéger leur métier.

L’Alliance of Motion Picture and Television Producers (AMPTP), avec qui les contrats sont révisés tous les trois ans, a accepté d’étudier la question de l’IA. Pour les autres points d’achoppement, l’organisation a déclaré être prête à améliorer la rémunération et les droits résiduels, mais qu’elle n’était, pour le moment, pas disposée à le faire « en raison de l’ampleur des propositions encore sur la table sur lesquelles le syndicat continue d’insister ».

Une grève qui pourrait paralyser Hollywood

Les répercussions de cette grève sur la production des contenus audiovisuels se font déjà ressentir. De nombreuses émissions de télévision américaines comme le Saturday Night Live ou le Tonight Show avec Jimmy Fallon sont mises à l’arrêt. Certaines séries, comme les soap operas et les drames, devraient aussi être touchées. L’impact devrait être moindre sur les films, dont les productions sont préparées bien en amont. Côté streaming, quelques scénaristes ont déjà cessé l’écriture de leurs programmes, dont Big Mouth et Cobra Kai.

En cas de prolongement de la grève, les conséquences économiques pourraient être importantes pour le secteur, dont les recettes ont déjà été lourdement impactées par la pandémie. Le précédent conflit, en 2007-2008, avait duré 101 jours et coûté 2 milliards de dollars à l’industrie cinématographique.