Les nombreux reports d’Ariane 6 pèsent fortement sur les ambitions spatiales de l’Union européenne. En manque de lanceurs capables d’acheminer ses satellites Galileo en orbite, la Commission européenne serait sur le point de se tourner vers les entreprises américaines, notamment un certain SpaceX…

Alors qu’Ariane 5 approche de la retraite, Ariane 6 n’est toujours pas opérationnelle

Les nations européennes souhaitent atteindre la souveraineté spatiale avec un accès indépendant à l’espace. La retraite prochaine d’Ariane 5 met à mal cet objectif, d’autant plus que la possibilité d’avoir recours au Soyouz russe et donc de lancer depuis le sol européen n’est plus d’actualité depuis le début de la guerre en Ukraine. Normalement, le successeur d’Ariane 5, le lanceur Ariane 6 devrait déjà être disponible, mais son développement a connu de très nombreux reports.

Annoncé en 2014, il devait effectuer son premier vol en 2020. À l’heure où nous écrivons ces lignes, son décollage inaugural est prévu pour la fin 2023, mais il y a de fortes chances pour que cette date soit finalement repoussée à 2024. Du fait de ces nombreux reports, son budget a doublé et atteint désormais les 4,4 milliards de dollars.

Qui pour lancer les satellites Galileo ?

En parallèle, l’Union européenne doit lancer ses satellites Galileo, qui composent le système européen de navigation par satellite (équivalent du GPS américain). Il s’agit d’une grande fierté pour le Vieux Continent et l’une des pierres angulaires dans ses ambitions de souveraineté spatiale. Problème, les satellites ne disposent actuellement d’aucune fusée pour les lancer dans l’espace. La Commission européenne avait réservé six lancements sur Ariane 6, trois devaient être réalisés cette année, mais le lanceur n’est pas encore en état d’opération.

La fusée Ariane 6 sur son pas de tir.

Le prototype de l’Ariane 6 sur son pas de tir à Kourou. Ce modèle ne sera pas celui qui sera utilisé pour le vol inaugural. Photographie : ESA.

Selon Politico, la Commission est agacée par ces nombreux retards. Dans un projet de requête adressé à l’Union européenne, elle prévoit de demander le feu vert pour négocier « un accord de sécurité ad hoc » avec les États-Unis afin que ses entreprises spatiales puissent « lancer exceptionnellement des satellites Galileo ». Actuellement, les deux seules entreprises disposant de lanceurs capables de transporter les satellites Galileo, d’un poids d’environ 700 kilos, sont SpaceX avec le Falcon 9 et la United Launch Alliance (ULA) avec la fusée Vulcan.

Or, cette dernière subit également des reports : son premier lancement est prévu au plus tôt cet été, et la société a des engagements envers le département américain de la Défense qui devraient l’empêcher d’accepter de nouveaux clients commerciaux pendant quelques années. La fusée privilégiée serait donc le Falcon 9 de SpaceX.

« Des analyses sont en cours pour déterminer si un lancement avec un autre fournisseur de services de lancement serait réalisable ou non », a déclaré Sonya Gospodinova, porte-parole de la Commission, à Politico.

Coup dur pour le spatial européen…

Si un accord est effectivement établi entre l’UE et SpaceX, il s’agirait d’un véritable échec pour le secteur spatial européen. La fusée en partie réutilisable de la firme d’Elon Musk est plus performante qu’Ariane 6 et coûte beaucoup moins cher. Par ailleurs, les satellites Galileo fournissent un service crypté top secret à l’usage des agences gouvernementales européennes. C’est notamment pour cette raison que la Commission privilégie un lancement depuis un territoire de l’UE ; si le lancement est réalisé par SpaceX, il le sera depuis les États-Unis.

Le Falcon 9 a effectué plus de 215 lancements, soit presque autant de fusées que le programme Ariane a lancées depuis 1979.