Le PDG de Google, Sundar Pichai, s’est longuement exprimé sur l’intelligence artificielle (IA) générative lors d’une interview sur la chaîne américaine CBS. Il est catégorique : les gouvernements doivent légiférer tout de suite pour éviter au maximum les nombreux risques posés par cette technologie.

Les possibles dérives dramatiques des IA génératives

Le lancement de ChatGPT par OpenAI a créé un véritable tournant dans l’industrie technologique, entraînant une course effrénée de la part de nombreux acteurs pour l’introduire dans leurs produits. En réponse, Google a par exemple lancé Bard, son propre agent conversationnel. Pichai admet lui-même que le modèle est enclin à l’erreur et à la désinformation, à l’instar des modèles similaires.

« Il y a un aspect de la question que nous appelons, tous ceux qui travaillent dans ce domaine, la « boîte noire ». Vous savez, vous ne comprenez pas tout. Et vous ne pouvez pas dire pourquoi il a dit ceci, ou pourquoi il s’est trompé », explique le PDG. Selon lui, c’est l’un des plus gros risques de l’IA générative, qui peut également consister en systèmes capables de générer des images ou des vidéos.

En plus des nombreux effets néfastes que pourraient engendrer les deepfakes, Sundar Pichai a également cité l’impact immense de l’IA générative sur le monde du travail. « Nous devons nous y adapter en tant que société », avertit-il, avant d’ajouter que les emplois qui seront chamboulés par cette technologie incluent les « travailleurs du savoir », notamment les écrivains, les comptables, les architectes ou les ingénieurs en logiciel.

Selon une étude réalisée par des chercheurs d’OpenAI, d’Open Research et de l’université de Pennsylvanie, 80 % des emplois risquent d’être affectés par l’IA générative. D’ailleurs, une entreprise chinoise spécialisée dans le marketing a déjà annoncé son intention de remplacer tous ses graphistes et rédacteurs externes par cette technologie.

L'outil ChatGPT.

Capture d’écran : OpenAI.

La société doit vite s’adapter

Pichai va même jusqu’à déclarer que certains aspects de l’IA l’empêchent de dormir, notamment « l’urgence de travailler et de la déployer de manière bénéfique, mais en même temps, sa nocivité si cela est mal fait ». Il explique, en outre, qu’il « semble y avoir un décalage » entre le rythme auquel la société pense et s’adapte au changement et le rythme auquel l’IA évolue.

En prenant ces nombreux risques en compte, Pichai appelle à une vaste réflexion sociétale sur l’IA, avec des réglementations et des lois pour sanctionner les abus et des règles qui « s’alignent sur les valeurs humaines, y compris la moralité ». Il estime que cette technologie doit être soumise à des traités similaires à ceux sur les armes nucléaires.

« Ce n’est pas à une entreprise de décider. C’est pourquoi je pense que le développement de cette technologie doit inclure non seulement des ingénieurs, mais aussi des spécialistes des sciences sociales, des éthiciens, des philosophes, etc. », assure le PDG de Google.

Dans ce sens, il rejoint Sam Altman, le dirigeant d’OpenAI. Ce dernier appelle également à une meilleure réglementation de l’IA générative, avec des mesures au niveau gouvernemental. D’autres éminents chercheurs dans le domaine, ainsi qu’Elon Musk, ont signé une lettre appelant à interrompre provisoirement la recherche dans le secteur, afin de mieux définir et gérer les risques posés par ces modèles.

Certains gouvernements réfléchissent déjà sur la question

Malgré ses nombreuses mises en garde, Pichai se veut rassurant car de nombreuses entités travaillent d’ores et déjà à l’encadrement de l’IA. « Par rapport à n’importe quelle autre technologie, j’ai vu plus de gens s’inquiéter de cette technologie à un stade précoce de son cycle de vie. Je suis donc optimiste », a-t-il déclaré.

Tandis que l’Union européenne prépare l’AI Act, une législation pour établir un cadre à l’utilisation de la technologie sur son territoire, les États-Unis réfléchissent également à la réglementer.

En attendant que des législations entrent en vigueur, les géants de la tech continuent de travailler sur le déploiement de l’IA générative. Google est par exemple en train de développer un nouveau moteur de recherche entièrement basé sur cette technologie. De son côté, Microsoft la déploie progressivement dans ses nombreux produits.

« Cela va avoir un impact sur tous les produits de toutes les entreprises. Par exemple, si vous êtes radiologue et que vous pensez à ce qui se passera dans cinq ou dix ans, vous aurez un collaborateur IA avec vous. Vous arrivez le matin, disons que vous avez une centaine de choses à examiner, et l’IA pourrait vous dire : « Voici les cas les plus graves que vous devez examiner en premier” », conclut le PDG.