Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, a été entendu, le 12 avril, par la Commission des affaires économiques du Sénat. Il était interrogé sur l’actualité du numérique en France, et notamment sur les dernières étapes du remplacement du réseau cuivre, prévu pour 2026, par le réseau de fibre optique. Son audition fait suite à celle de Christel Heydemann, directrice générale d’Orange ; de Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep ; et de Xavier Niel, fondateur du groupe Iliad.

Où en est le raccordement de la fibre optique en France ?

« Nous arrivons au dixième anniversaire du plan France Très Haut Débit (PTHD) et au cinquième anniversaire du New Deal Mobile », rappelait Jean-Noël Barrot au début de sa prise de parole. Lancé sous François Hollande, en 2013, le PTHD, a pour objectif d’offrir à l’ensemble des Français une connexion très haut débit. En complément, pour assurer une couverture mobile de qualité sur l’ensemble de l’Hexagone, l’Arcep et le gouvernement dévoilaient, en janvier 2018, des engagements avec les opérateurs français pour généraliser le développement de la 4G sur l’ensemble des réseaux mobiles.

Le ministre se félicite que les deux plans aient « produit leurs effets en termes de calendrier », à savoir rendre 80 % des locaux raccordables à la fibre en 2022 en fonction des territoires et effacer des milliers de zones blanches. Il a attribué la réussite de ces résultats au travail conjoint de l’État, des élus locaux et des opérateurs de télécommunications pour « trouver le bon équilibre des responsabilités et des efforts que chacun devait consentir ».

Néanmoins, il a souligné que « ces succès s’accompagnent de dysfonctionnements importants ». Afin de justifier ces complications, il évoquait l’existence de réseaux mal dimensionnés ou atypiques, ayant été construits avant le PTHD « qui ne répondent pas au cahier des charges qui a ensuite été fixé » ; la vitesse de déploiement de la fibre, « nous avons mis 10 ans là où le réseau cuivre s’est déployé en plusieurs décennies » ; et la répartition inégale des responsabilités entre les différents acteurs de la chaîne liant les opérateurs d’infrastructure et les opérateurs commerciaux. Jean-Noël Barrot affirme avoir fait de ce sujet, depuis l’été dernier, sa priorité.

Les engagements de Jean-Noël Barrot

Pour améliorer l’expérience des usagers du réseau de fibre optique en France, plusieurs engagements ont été pris. La qualité des interventions a été renforcée, « les opérateurs se sont engagés à établir un cahier des charges définissant une certification et les compétences minimales requises sur les raccordements finaux ». Il estimait que ces mesures, appliquées dès fin avril, permettraient de mettre un terme aux situations où les techniciens ne semblent pas avoir les connaissances requises pour opérer un raccordement.

Dans un second temps, le renforcement des contrôles, par la transmission des plannings d’intervention des opérateurs commerciaux et la mise en place de compte rendu, devrait permettre d’établir « un contrôle mutuel entre les opérateurs ». Jean-Noël Barrot a précisé que ces dispositifs devraient faciliter l’attribution de la responsabilité lorsqu’un problème survient, là où, auparavant, les acteurs « étaient tentés de se renvoyer la faute ».

Enfin, les infrastructures dégradées seront reprises pour que les réseaux vieillissants ou mal dimensionnés soient rétablis. « Plusieurs opérateurs ont notifié, à ma demande, un plan de reprise de 1 000 points de mutualisation à l’Arcep, correspondant à 450 000 locaux », confiait le ministre.

Une proposition de loi est en chemin

Alors qu’en fonction des territoires, 80 % des Français sont désormais raccordables à la fibre optique, les derniers raccordements s’avèrent les plus complexes et les plus coûteux. S’ajoutent « des difficultés d’exploitation constatées sur les réseaux en fibre optique » tels que les branchements sauvages, les malfaçons dans les armoires ou la dégradation des équipements.

Afin de favoriser la pérennité des réseaux très haut débit en France, Patrick Chaize, sénateur Les républicains, a émis une proposition de loi « visant à assurer la qualité de ces réseaux de communications électroniques ». L’objectif de cette dernière est de normaliser les conditions de raccordement, de renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep et de garantir les droits des consommateurs en cas d’interruption prolongée d’un service d’accès à Internet.

Lors de son discours, Jean-Noël Barrot a tenu à remercier Patrick Chaize d’avoir réussi « à obtenir un certain nombre de concessions et engagements de la part des opérateurs » grâce à cette proposition de loi. Il appelait cependant à être « vigilant sur une potentielle remise en cause du mode STOC », le mode opératoire généralisé lors des raccordements aux réseaux de fibre optique. « Le changement de responsabilité de l’opérateur d’infrastructures à l’opérateur commercial ne changerait en rien la qualité des raccordements puisque les sous-traitants seraient exactement les mêmes », signalait-il, « il risquerait de créer cependant des problèmes de concurrence ».

Le ministre a toutefois déclaré que « l’idée de renforcer les pouvoirs de l’autorité de régulation et notamment d’audits est pertinente ». De même, l’article 5 « permettant de sécuriser le droit des consommateurs est lui aussi très utile en prévision du droit au très haut débit pour tous ». Le texte doit être présenté devant le Sénat en séance publique le 2 mai prochain.

Les derniers obstacles vers le 100 % fibre en France

Interpellé sur le prochain chantier essentiel et prioritaire du gouvernement en matière de numérique, Jean-Noël Barrot a mis en avant « la dernière marche à franchir pour passer du raccordable au raccordé ». Il mentionne un moment charnière pour le PTHD qui doit trouver de nouveaux accords avec les parties prenantes pour faire face à de nouveaux éléments venant bouleverser le déploiement du réseau de fibre optique.

Début mars, Jean-Noël Barrot certifiait à la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable être à la recherche d’un accord global avec les opérateurs. Le but premier étant d’obtenir la complétion du 100 % raccordement en France, en passant par une négociation de tarifs abordables pour les Français.