Dans un contexte géopolitique tendu, l’Inde parvient à sortir son épingle du jeu dans le secteur spatial. La cinquième économie mondiale attire de plus en plus de clients pour des lancements de satellites, alors que les opérateurs tentent désormais d’éviter la Chine et la Russie.

Une alternative attrayante pour les opérateurs

Si ces deux pays possèdent chacun un programme et une expérience robustes dans le spatial, la guerre en Ukraine ainsi que les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis les rendent moins attrayants auprès des opérateurs. En parallèle, les difficultés rencontrées par Arianespace, qui a été contrainte de reporter à nouveau les activités de son lanceur lourd Ariane 6, laissent les clients sans beaucoup de choix outre SpaceX.

« Si SpaceX est complète, occupée ou chère, il faut chercher ailleurs, et pas en Chine. La Chine ne peut pas travailler avec l’Amérique du Nord et les États-Unis sont à l’origine de la majorité de la demande », explique à Bloomberg Dallas Kasaboski, analyste principal chez Northern Sky Research, une société de recherche et de conseil dans le domaine de l’espace.

L’Inde, au travers de NewSpace, la branche commerciale de son agence spatiale, représente une alternative intéressante pour les opérateurs. Le pays propose un lanceur de grande capacité et bon marché, un élément très rare à trouver en dehors de la Chine et de la Russie. Le 26 mars dernier, le lanceur indien avec la plus haute capacité de charge utile, LVM3, opéré par NewSpace, a ainsi lancé 36 satellites pour le compte de OneWeb. Un autre lancement avait déjà été opéré par la fusée en octobre 2022.

L’opérateur britannique souhaite bâtir une constellation en orbite basse pour apporter un Internet haut débit aux zones reculées, mais son partenariat avec la Russie a échoué à cause du conflit avec l’Ukraine. Il s’est alors tourné vers l’Inde ; son directeur général, Neil Masterson, estime que NewSpace possède « une réelle opportunité de devenir un fournisseur de lancements commerciaux grand public ».

La demande pour les lanceurs lourds est en hausse

L’entreprise publique a été lancée en 2019 et désormais, elle accélère sur la production de LVM3. Le développement du secteur spatial est un élément clé du programme du Premier ministre Narendra Modi. Ce dernier vise à faire de l’Inde une destination de choix pour l’innovation technologique, et son administration multiplie les efforts pour rendre l’agence spatiale indienne plus attrayante pour les entreprises en encourageant la croissance des startups.

Le contexte est favorable au pays sud-asiatique : en plus de la situation géopolitique, la demande dans le secteur est de plus en plus élevée avec des acteurs toujours plus nombreux souhaitant développer des constellations de satellites. « Il y aura une forte pénurie de lanceurs lourds », commente Radhakrishnan Durairaj, président et directeur général de NewSpace.

L’économie spatiale devrait passer de 447 milliards de dollars en 2020 à 600 milliards de dollars en 2025, selon des estimations du cabinet d’audit financier Ernst & Young. Un secteur très prolifique sur lequel l’Inde espère capitaliser, d’autant plus que récemment, elle s’est rapprochée des États-Unis sur un plan technologique. D’ici à 2025, la valeur des services de lancement de satellites de l’Inde pourrait presque doubler pour atteindre 1 milliard de dollars.

Le pays a encore du chemin à parcourir s’il veut venir concurrencer la Chine. En 2022, l’Empire du Milieu a effectué 64 lancements, contre 5 pour l’Inde. En outre, elle doit encore faire des progrès au niveau de la fiabilité. Son taux de réussite lors de lancements est à environ 70 %, contre plus de 90 % pour les fusées américaines, russes, européennes et chinoises.