Voilà une situation plus qu’inattendue. Le fabricant norvégien de munitions Nammo accuse TikTok de l’empêcher de produire plus dans sa plus grande usine. Explications.

La demande en munition en nette hausse

La demande en artillerie est quinze fois plus élevée que la normale en raison de la guerre en Ukraine. Le pays tire environ 6 000 à 7 000 obus par jour, ce qui entraîne des pénuries après plus d’un an de conflit. En conséquence, l’industrie européenne doit investir 2 milliards d’euros dans de nouvelles usines pour tenir le rythme.

Les dirigeants de l’Union européenne ont ainsi annoncé un programme pour rembourser les pays offrant des munitions d’artillerie à l’Ukraine à partir d’un fonds d’1 milliard d’euros, tout en dépensant 1 milliard d’euros supplémentaire pour augmenter la capacité de fabrication de munitions dans l’ensemble du bloc. Nammo (Nordic Ammunition Company) souhaite profiter de cette opportunité pour intensifier sa production. « Nous constatons une demande extraordinaire pour nos produits que nous n’avons jamais vue auparavant dans notre histoire », explique Morten Brandtzæg, PDG du constructeur.

Seulement, la société norvégienne se trouve confrontée à un problème qu’elle n’avait sûrement pas vu venir. Sa plus grande usine, située dans son pays natal, ne peut pas bénéficier de l’énergie nécessaire à l’augmentation de sa production. Elvia, le fournisseur d’énergie local, affirme que le réseau électrique ne dispose pas de capacité supplémentaire car un centre de données dont le principal client est TikTok l’obtient déjà. Celle-ci lui a été attribuée par Elvia selon le principe du « premier arrivé, premier servi ».

Le PDG de Nammo fustige TikTok

« Nous sommes inquiets car nous voyons que notre croissance future est remise en cause par le stockage de vidéos de chats », a dénoncé, apparemment très sérieusement, Morten Brandtzæg au Financial Times. Le PDG a même été plus loin, et n’a pas écarté l’idée selon laquelle il s’agissait d’un stratège établi par la Chine pour empêcher l’apport de munitions à l’Ukraine. « Je n’exclus pas que ce ne soit pas par pure coïncidence que cette activité soit proche d’une entreprise de défense. Je ne peux pas l’exclure », a-t-il déclaré.

TikTok souhaite étendre sa présence en Europe en y ouvrant de nouveaux centres de données. L’application doit faire face aux remontrances des pays occidentaux, qui accusent sa maison mère ByteDance d’être de mèche avec le gouvernement chinois. Afin d’apaiser les tensions, le réseau social a présenté un projet visant à stocker localement les données des utilisateurs européens, et cela passe par l’implémentation de nouveaux datacenters en Irlande et en Norvège.

Le pays scandinave s’est engagé à garantir l’approvisionnement dont Nammo a besoin pour poursuivre ses projets et être en mesure d’agrandir son usine.

Le coût énergétique des centres de données

Si cette situation paraît inédite, il y a des chances qu’elle se produise à nouveau. Comme l’explique le Financial Times, les pays nordiques ont longtemps été prisés pour la construction de nouveaux centres de données. En plus d’offrir une électricité bon marché, ils disposent d’un climat permettant d’économiser sur les coûts de refroidissement.

Néanmoins, la transition énergétique incite également les entreprises du secteur des batteries et de l’industrie sidérurgique à affluer dans ces zones, provoquant une concurrence sur l’accès à l’électricité.

De manière globale, les centres de données sont loin de faire l’unanimité en Europe à cause de leur impact énergétique. La situation ne devrait pas s’arranger ; selon la Commission européenne, ils représenteront 3,2 % de la demande d’électricité au sein du bloc d’ici à 2030, soit une augmentation de 18,5 % par rapport à 2018.