La proposition de loi « visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux » va être examinée en séance plénière ce 28 mars 2023 à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une séance plénière. L’occasion de revenir en détail sur les différents articles qu’elle contient, fruit d’un mois de travail et de six réunions de concertations avec une trentaine de députés pleinement investis dans le projet.


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Définir les contours du métier d’influenceur et limiter les pratiques douteuses

Le premier chapitre de cette proposition de loi vise à expliquer ce qu’encadrera ce nouveau cadre législatif s’il venait à être voté par le parlement. Comme le précisent Arthur Delaporte, député socialiste du Calvados, et Stéphane Vojetta, député Renaissance des Français de l’étranger, ce texte « répond à une réelle nécessité de structuration et d’encadrement d’un secteur qui prend chaque jour une place de plus en plus importante dans la société de consommation ».

En janvier dernier, le gouvernement sous l’impulsion de Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, avait lancé une consultation publique. Son objectif était de recueillir un maximum de témoignages sur la profession d’influenceurs afin de poser « un cadre de référence pour protéger influenceurs comme consommateurs », comme l’explique Arthur Delaporte. En effet, même si le gouvernement sait que tous les influenceurs ne sont pas engagés dans des pratiques douteuses, certains profitent du flou juridique pour dégager plus de bénéfices ou une meilleure visibilité.

Dans un premier temps, les députés ont pris le temps de créer un statut légal d’influenceur commercial. Celui-ci sera inscrit dans le code de la consommation et du commerce et constitue l’article premier de cette loi. Une définition juridique des agences d’influenceurs est également proposée par la suite. Enfin, puisque de nombreux influenceurs font appel à des agents, ce cadre législatif permettra de définir leur statut, les obligeant notamment « à prendre toutes mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des créateurs de contenu qu’ils représentent et éviter les situations de conflits d’intérêts ».

Encadrement du contenu proposé par les influenceurs

Avec cette proposition de loi, les influenceurs n’auront pas la possibilité de créer du contenu sur n’importe quel produit ou service qu’ils souhaitent mettre en avant contre rémunération. Le chapitre 2 revient sur l’ensemble de ces interdictions et de ces encadrements. Ainsi, il sera interdit pour les influenceurs de promouvoir des actes en lien avec la chirurgie esthétique sur les réseaux sociaux.

Pour tout ce qui se rapporte aux produits et services financiers tels que les placements ou investissements entraînant des risques de pertes pour le consommateur, alcool et tabac, produits et actes médicaux, les règles de la publicité traditionnelle s’appliqueront. Par exemple, pour toute promotion de jeux d’argent, les influenceurs seront obligés d’afficher le bandeau informatif sur la dangerosité de ces jeux. Si plusieurs députés étaient contre la promotion globale des jeux d’argent sur les réseaux sociaux, seul ce consensus a pu être trouvé afin de mettre tout le monde d’accord.

Lorsqu’ils feront la promotion d’un service ou d’un produit, les influenceurs seront obligés d’afficher sur l’écran qu’il s’agit d’une publicité, comme ce qu’il se fait actuellement sur la plupart des plateformes. Par ailleurs, si les images promotionnelles sont modifiées, à l’aide d’un filtre par exemple ou directement à l’aide d’un logiciel de type Photoshop, les créateurs de contenus devront apposer la mention « retouchée ».

Les plateformes travailleront de concert avec les créateurs de contenus

Cette proposition de loi vise également à responsabiliser les plateformes, notamment celles où les influenceurs sont les plus présents, à savoir Instagram et TikTok. Elle leur demande de mettre en place des outils permettant aux utilisateurs de signaler les contenus illicites. Le gouvernement leur demandera, si la loi venait à passer, de s’engager à retirer au plus vite les publications illégales dans les meilleurs délais et de les référencer dans un document qui pourrait être consulté par les autorités en cas de récidive. Ces mesures sont en lien avec le Digital Services Act, la loi européenne sur les services numériques déjà adoptée et qui sera mise en vigueur dès l’année prochaine.

Pour que les influenceurs suivent à la lettre ces nouvelles obligations, Bercy va compléter ce cadre législatif avec la création d’une équipe d’une quinzaine de personnes au sein de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF). Cette cellule traitera l’ensemble des signalements des consommateurs. En parallèle, un label Relation influenceurs responsables pourrait être mis en place. Il serait attribué à toute personne qui, dans le cadre de ses activités, réalise des actes de prévention vis-à-vis des arnaques et des dérives des influenceurs.

Comment les influenceurs ont-ils accueilli cette proposition de loi ?

Avec cette nouvelle réglementation, tous les créateurs de contenus seront soumis aux mêmes règles, peu importe leur nombre d’abonnées ou les revenus qu’ils touchent. Lorsque cette proposition de loi a été dévoilée par les députés de l’Assemblée nationale, une tribune a été publiée dans Le Journal du Dimanche le 25 mars dernier et a été signée par 150 grands influenceurs. Les signataires faisaient part de leurs inquiétudes quant aux effets de cette loi sur leurs activités. Cet article a beaucoup fait parler de lui sur les réseaux sociaux où de nombreux internautes se sont étonnés de la position de créateurs de contenus qui ont pourtant pour habitude d’être contre les pratiques frauduleuses sur le Net.

Entre-temps, plusieurs créateurs de contenus, dont Squeezie, Seb la Frite ou Dr Nozman, ont retiré leurs signatures en affirmant avoir mal lu le texte qu’ils avaient initialement signé. Dans le cas de Lucas Hauchard, alias Squeezie, le premier YouTuber de France a même publié un message sur Twitter affirmant s’être trompé et assurant qu’ils sont déjà dans la conformité vis-à-vis des règles proposées par les députés de l’Assemblée nationale.

De son côté, l’Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu (UMICC) à l’origine de la tribune publiée dans Le Journal du Dimanche a précisé qu’elle était « en faveur de la proposition de loi », favorable à une régulation du secteur. La fédération d’agences d’influence affirme qu’elle « a toujours eu une méfiance vis-à-vis du gouvernement, par peur de voir le secteur surréglementé ».

Ce 28 mars, une première séance plénière va permettre aux députés de débattre autour de cette proposition de loi. l’UMICC appelle les députés à appliquer quelques modifications, notamment pour faire en sorte que ce cadre législatif soit intemporel. En effet, si les produits et publicités ciblés par la loi aujourd’hui sont celles qui sont le plus sujettes aux escroqueries, rien ne permet de lutter contre celles qui seront utilisées par les arnaqueurs de demain…