10 900, c’est le nombre de brevets déposés par la France auprès de l’Office européen des brevets en 2022. L’OEB dévoile dans son dernier rapport que le pays occupe, comme l’année dernière, la cinquième place du classement mondial, derrière les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et la Chine. Un top 5 similaire à celui de l’an dernier, dans lequel tous les pays ont connu une légère augmentation, +1,9 % pour la France.
« La France suit la tendance globale qui est à la hausse, » résume le chef économiste de l’OEB, Yann Ménière. « Nous voyons que partout, l’innovation va plus vite que l’économie, ce qui montre sa vitalité. »
Un classement qui arrive deux ans après le léger recul observé en 2020 lors de la crise du Covid. Les observateurs craignaient que les années suivantes ne soient pas de tout repos pour l’innovation, et ce ne sont pas les bons résultats de 2021 qui ont fait disparaître les craintes. Mais force est de constater que les chiffres de 2022 semblent prouver que ce bouleversement n’a pas freiné l’innovation française ou mondiale.
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Voiture avec assistance automatique présentée par Valeo. Source : Flickr
Les transports, portés par l’écologie et le numérique
Qui dépose des brevets en France ? Le champion cette année est Valeo. L’équipementier automobile a connu une hausse de 17,6 % et passe en première place, devant Safran et le CEA. L’an dernier déjà, Valeo avait connu une croissance impressionnante, à 28 %, qui lui avait offert la troisième marche du podium, et il continue sur sa lancée. Désormais, il est 31ème au niveau mondial, soit 10 places au-dessus de l’an dernier !
Une progression qui illustre la grande tendance de cette année : les transports. Déjà en 2021, c’était le secteur où la France déposait le plus de brevets. Il y a tout de même une baisse tendancielle de 1,6 %, mais un score global qui permet à la France de passer devant la Chine au niveau mondial et d’arriver à la 4ème place. « Le secteur des transports est en pleine transition depuis quelques années, » précise Yann Ménière. « Les brevets autour des moteurs thermiques traditionnels ont tendance à diminuer, mais ce qui accélère, ce sont les innovations dédiées à l’électrification et à l’électronique. »
En clair, les transports actuels ont tendance à être plus vertueux écologiquement, mais aussi plus connectés. Ce qui explique pourquoi les brevets autour des batteries et des semi-conducteurs sont de plus en plus nombreux. Des innovations qui tirent le secteur vers le haut et le placent au sommet du classement.
Le Covid, vecteur d’innovation pour la santé et l’électronique
Valeo illustre bien cette tendance à vouloir transformer en profondeur le secteur des transports dans un monde de plus en plus numérique et en recherche de solutions écologiques, il n’est pas le seul. Le monde de la recherche également, est particulièrement vivace en France.
Le CEA tombe de la deuxième à la troisième place, mais reste une référence au niveau mondial, en tant que 37ème demandeur de brevet, et seul organisme public européen dans le top 50, à l’exception du Fraunhofer-Gesellschaft, institut allemand dédié à la recherche en sciences appliquées. Le Commissariat à l’énergie atomique est notamment un des leaders sur les matériaux semi-conducteurs qui ont connu une croissance mondiale de 19 % et qui sont utilisés dans de nombreux domaines.
Une croissance rapide due au fait que les brevets étaient jusqu’à récemment assez peu nombreux dans le secteur. La crise du Covid et le risque de pénurie de ces matériaux semblent avoir encouragé les industriels à se poser la question de comment faire pour continuer à produire du matériel électronique dans ce contexte. « Il y a une volonté des industriels de toujours être à la pointe, » considère Yann Ménière, « mais aussi un besoin de maîtriser la technologie, pour pouvoir produire ces matériaux directement en cas de souci. Il y a donc cette tendance de fond, à laquelle s’ajoutent les nouveaux besoins liés à la crise. »
Le Covid qui a aussi entraîné d’importants bouleversements dans le milieu de la santé. En France, l’Inserm occupe la 7ème place dans le classement, et 2ème du secteur au niveau mondial pour ce qui est des produits pharmaceutiques et des biotechnologies. Une tendance qui s’inscrit dans la durée, où la pandémie a eu un impact qui pourrait être tenace selon Yann Ménière : « Pour les vaccins ARN, comme il y a eu les premiers succès, tout le monde s’est engouffré dans la brèche et il y a désormais une vague de brevets dessus. »
L’économiste ajoute : « Il y a trois tendances qui s’observent depuis quelques années, mais qui se confirment ici : plus de numérique, plus d’écologie, et des progrès dans la santé. » Des secteurs qui se voient même accélérés avec la crise du Covid.
La Bretagne, boostée par le confinement
La pandémie et les confinements successifs ont aussi provoqué une montée en puissance de certains types d’innovations, notamment ceux liés aux vidéoconférences devenues incontournables. Ainsi, le leader français dans le secteur, InterDigital, basé près de Rennes, a déposé de nombreux brevets, ce qui a eu pour effet de booster la croissance de la Bretagne au classement. Elle connaît une augmentation spectaculaire de 65 % et se place juste derrière la région PACA, tandis que Rennes (+84 %) devient la quatrième ville la plus innovante après le podium formé de Paris, Lyon et Toulouse.
« La France reste un pays très centralisé, » tempère Yann Ménière, « et l’immense majorité des brevets viennent d’Île-de-France. Mais nous avons été surpris de voir les grands pôles traditionnels comme la région Auvergne-Rhône-Alpes reculer face à l’émergence de la Bretagne, mais aussi de l’Occitanie tirée vers le haut par la croissance de l’aéronautique. »
Une décentralisation timide, dont il est encore trop tôt pour dire si elle se poursuivra au-delà de ces effets très précis.