Jean-Noël Barrot, ministre délégué en charge de la Transition numérique et des Télécommunications, a été auditionné au Sénat le 8 mars, par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la fracture numérique et notamment la fibre optique. Pour atteindre un déploiement couvrant 100 % du territoire, le ministre a proposé un accord aux opérateurs, non sans susciter quelques remous.

Le déploiement de la fibre optique en bonne voie

En 2013 le gouvernement de l’époque, sous la présidence de François Hollande, avait lancé le Plan France Très Haut Débit, dont l’objectif était d’assurer aux Français une connexion très haut débit, entre autres via le déploiement de la fibre optique. Emmanuel Macron a repris à son compte cet objectif en visant une couverture de 80 % du territoire en 2022 et 100 % en 2025.

La première partie du contrat a été remplie comme en atteste un rapport de France Stratégie publié en janvier. Selon les données de l’Arcep(PDF), 33,1 millions de locaux, logements et établissements professionnels, étaient éligibles à la fibre au 30 septembre 2022, soit près de 78 % du total. L’étape suivante s’annonce plus compliquée.

Les 20 % restant concernent les raccordements les plus complexes et souvent les plus coûteux à mettre en œuvre. Si le gouvernement peut sanctionner les opérateurs lorsque ces derniers ne pas remplissent leurs engagements, Jean-Noël Barrot a suggéré d’activer d’autres moyens d’action.

Le ministre des Télécommunications rapporte, pour le premier semestre 2023, être à la recherche d’un « accord global » avec les opérateurs, visant à « garantir la promesse présidentielle d’une généralisation de la fibre ». Le but du ministre avec cette négociation est d’arriver à la complétude du raccordement, notamment dans les zones très denses et complexes, à maintenir un tarif abordable pour les ménages, similaire à ceux de l’ADSL et enfin à assurer une résilience des réseaux pour la sécurité des communications.

Avec la fin du réseau cuivre à partir de 2026, le raccordement des 20 % restant est devenu incontournable. Pour mener à bien « la partie la plus complexe et la bascule du cuivre vers la fibre », le ministre reconnaît que les opérateurs vont devoir « porter une grande partie de l’effort comme ils l’ont fait depuis le début du plan ».

Les opérateurs dubitatifs devant les incitations agitées par le ministre

Jean-Noël Barrot estime que pour inciter les opérateurs à tenir ses engagements, des leviers peuvent être utilisés. Le ministre en a évoqué un en particulier « parmi d’autres », celui d’une réforme de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER).

L’IFER est une taxe, entre autres, sur les antennes 2G, 3G, 4G, 5G. Il est contesté, car jugé contre-productif par les opérateurs : déployer la 5G, donc de nouvelles antennes, rime avec plus d’impôt à payer. À l’inverse, les collectivités territoriales, les bénéficiaires de cette taxe, redoutent un manque à gagner avec la fin déjà annoncée des antennes 2G et 3G. Devant les sénateurs, Jean-Noël Barrot a consenti que la réforme de l’IFER est « nécessaire et indispensable » afin de « stabiliser [les ressources pour les collectivités] et leur garantir une prévisibilité dans les années à venir ».

D’après Les Échos la piste évoquée par le ministre est similaire à un accord précédent sur l’attribution de fréquences. D’une valeur de 3 milliards d’euros, elles avaient été cédées gratuitement contre une amélioration de la couverture 4G des zones rurales.

Du côté des opérateurs, la proposition du ministre sur l’IFER ne passe pas. Créée en 2010 pour compenser les pertes de recettes des collectivités avec la suppression de la taxe professionnelle, elle rapporte désormais beaucoup plus. Selon un opérateur contacté par Siècle Digital, « La réforme de l’IFER radio n’est pas une option, mais une nécessité », amender la taxe ne serait donc « pas faire un « cadeau » en face duquel il faudrait des contreparties ». Un espace est toutefois ouvert pour approfondir la réflexion sur la généralisation de la fibre optique et plus largement l’aménagement numérique des territoires.