Le rachat d’Activision Blizzard par Microsoft pour 68,7 milliards de dollars pourra-t-il être complété ce mois de juin comme prévu ? Rien n’est si sûr. Tandis que la firme de Redmond a annoncé un accord sur 10 ans avec Nintendo et Nvidia pour leur garantir la présence de Call of Duty sur leurs plateformes respectives, les dirigeants de plusieurs entreprises impliquées ou concernées par l’acquisition ont rencontré des représentants de l’Union européenne (UE) pour en discuter.

Une audience avec les dirigeants de l’UE

Depuis son annonce en janvier 2022, ce rachat est contesté par de nombreuses voix au sein de l’industrie du jeu vidéo et au-delà. En mettant la main sur des franchises ultra populaires comme Call of Duty, World of Warcraft ou Candy Crush, Microsoft obtiendrait un monopole écrasant au sein de l’industrie du jeu vidéo, des consoles et du cloud gaming, affirment les opposants à la transaction.

Les régulateurs s’inquiètent également des répercussions d’une telle opération. La Federal Trade Commission (FTC), agence américaine chargée de surveiller les pratiques anticoncurrentielles, a entamé une procédure pour la bloquer. L’Union européenne, elle, a envoyé une liste d’objections à Microsoft, celle-ci permet aux autorités du Vieux Continent d’exposer les motifs potentiels de blocage de l’opération si aucune mesure corrective n’est prise.

Enfin, la Competition and Markets Authority (CMA), le régulateur britannique, suggère à Microsoft de vendre les activités d’Activision Blizzard liées à Call of Duty afin de ne pas obtenir un avantage déloyal sur le marché. Ce 21 février, des représentants de l’UE ont organisé une audience avec plus de 100 avocats ainsi que les dirigeants de Microsoft, d’Activision Blizzard, de Sony, de Google ou encore de Nvidia, pour parler du rachat et des solutions possibles qui satisferaient toutes les parties, rapporte Bloomberg. Durant celle-ci, Brad Smith, président de Microsoft, a tenu à rappeler qu’aucune vente des activités de Call of Duty n’était envisageable.

Des accords pour changer la donne pour Microsoft

Afin de rassurer les régulateurs et les acteurs de l’industrie, Microsoft vient justement de passer un accord avec Nintendo : pendant 10 ans, la firme nippone aura le même accès à Call of Duty sur ses consoles que Xbox. Smith a indiqué que Microsoft apportera d’autres jeux Xbox sur les plateformes Nintendo dans le cadre de l’accord.

Un accord similaire avec Nvidia, qui avait pourtant émis des inquiétudes à propos du rachat, a été passé. Le service GeForce Now va également proposer les titres du catalogue de jeux de Microsoft grâce à un deal obtenu sur 10 ans, qui devrait complètement changer la donne. Désormais, Nvidia se montre en faveur de l’acquisition d’Activision Blizzard par Microsoft.

« Nous étions un peu inquiets au début. Mais nous avons ensuite contacté Microsoft, qui s’est montré très ouvert sur sa volonté de permettre le cloud gaming et de travailler avec nous sur un accord de licence de 10 ans. Ainsi, au fil du temps, ils nous ont mis de plus en plus à l’aise avec ce projet », explique Phil Eisler, vice-président et directeur général de la division GeForce Now de Nvidia.

En s’ouvrant ainsi à deux nouveaux canaux, Microsoft prouve aux régulateurs qu’elle n’envisage pas de rendre les titres d’Activision Blizzard exclusifs à son offre Game Pass (du moins sur 10 ans), ce qui était l’une de leurs principales préoccupations.

Sony, pas encore convaincue

Toutefois, Microsoft n’a pas encore convaincu tout le monde. Sony, le fabricant de la PlayStation, est le plus grand opposant à l’acquisition d’Activision Blizzard par son rival. D’ailleurs, le géant japonais s’est vu offrir un accord similaire à ceux obtenus par Nvidia et Nintendo, mais ne l’a pas encore accepté. L’entreprise explique que l’opération offrira un avantage déloyal à Microsoft, tandis que la firme de Redmond se défend en arguant que Sony s’y oppose afin de préserver son propre monopole dans le secteur des consoles, qu’elle domine largement. Microsoft espère que Sony va changer d’avis et accepter son offre.

Grâce aux nouveaux accords, Brad Smith s’est montré confiant quant à la complétion de l’acquisition lors d’une conférence de presse faisant suite à l’audience avec les dirigeants de l’UE. En effet, de plus en plus d’entreprises évoluant dans le secteur voient désormais l’opération d’un bon œil. Il envisage désormais d’en discuter à Londres avec la CMA pour convaincre les autorités britanniques, et espère pouvoir s’exprimer également à Washington D.C., auprès de la FTC.

L’UE prévoit de finaliser son examen de l’opération d’ici au 11 avril, mais cette date pourrait encore être repoussée. L’enquête britannique devrait se terminer le 26 avril, tandis qu’aux États-Unis, la Federal Trade Commission s’est engagée dans un processus potentiellement beaucoup plus long après avoir intenté une action en justice pour s’opposer à la transaction.

Si ce rachat suscite tant d’intérêt, c’est parce qu’il est d’une ampleur inédite. Il s’agit de la plus grande acquisition du secteur du jeu vidéo, et elle compte aussi parmi les plus importantes de l’Histoire.