ASML Holding MV, l’entreprise néerlandaise qui détient le monopole sur les outils de fabrications des semi-conducteurs les plus avancés, a dévoilé ses résultats annuels ce 15 février. Les performances financières de la société ont toutefois été reléguées au second plan par la révélation d’un vol de données récent par un ancien employé basé en Chine. Les États-Unis se disent préoccupés par l'affaire, ASML enquête.
ASML confronté pour la 2e fois à une affaire de vol en lien avec la Chine
Avec 21,2 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2022, en augmentation de 14 % par rapport à l’année précédente et des perspectives de croissance de l’ordre de 25 % pour 2023, les résultats annuels d’ASML sont honorables. C’est pourtant une dizaine de lignes à la 66e page d’un rapport qui en comporte plus de 300 qui ont attiré l’attention.
Dans la catégorie « facteurs de risques », ASML rapporte « un détournement non autorisé de données relatives à une technologie propriétaire par un (désormais) ancien employé en Chine ». Lors de son rapport précédent, ASML rapportait déjà avoir lancé une procédure contre une société basée à Pékin, Dongfang Jingyuan Electron, pour vol de propriété intellectuelle en 2015.
1 500 personnes travaillent pour la société néerlandaise dans le pays. L’entreprise précise qu’elle n’estime pas « que le détournement soit important » pour son activité, mais prévient que « certaines réglementations de contrôle des exportations pourraient avoir été violées ». D'après Bloomberg, les données auraient été dérobées dans un système logiciel pour la gestion du cycle de vie des produits, fourni par Siemens. Il contient des informations techniques sur les machines d'ASML, notamment les systèmes de lithographies utilisés pour développer les puces les plus avancées.
Toujours selon Bloomberg sur l’enquête interne en cours, le vol d’information daterait de ces deux derniers mois. Toujours selon le média américain « les autorités compétentes » auxquelles a été signalé l’événement seraient les Pays-Bas, ASML est basé à Veldhoven, dans la banlieue d’Eindhoven, mais aussi les États-Unis. Thea Kendler, Secrétaire adjointe au Commerce pour l'administration des exportations américaines s'est dite « profondément préoccupée » lors d'une visite à Tokyo, ce jeudi.
La géopolitique malmène l’activité de l’entreprise
Depuis 2019 l’entreprise se trouve au centre de la rivalité technologique entre Pékin et Washington. Sous la pression des États-Unis, les Pays-Bas ont décidé, cette année-là, d’interdire à sa pépite de vendre des outils, des machines de lithographie pour être précis, permettant de fabriquer des puces de moins de 14nm, les plus perfectionnés.
Ces derniers mois, Joe Biden a négocié avec le Premier ministre néerlandais Mark Rutte et son homologue japonais Fumio Kishida une extension du contrôle des exportations d’outils vers la Chine. ASML signale que « Les termes de cet accord n'ont pas été divulgués publiquement et restent confidentiels pour le moment ». L’entreprise s’attend « à ce qu'il faille de nombreux mois aux gouvernements pour rédiger et promulguer de nouvelles règles ».
Depuis octobre 2022 l’administration du président démocrate a mis en œuvre des mesures très strictes de contrôle des exportations de technologies, matériel à destination de la Chine. Les puces représentent le plus gros point faible du développement technologique de l’Empire du Milieu, contraint d’en importer davantage que du pétrole. Un point faible parfaitement identifié par les États-Unis.
La mesure américaine comportait cependant une limite importante, celle de ne pas s’appliquer aux sociétés étrangères. Applied Materials, Lam Research Corp ou encore KLA Corp, qui fournissent également des machines de fabrications de puces ont exprimé leur crainte sur l’avantage ainsi donné à leurs deux concurrents ASML et Tokyo Electron. D’où les négociations récentes entre les États-Unis et les Pays-Bas et le Japon. Elles ont abouti ces deux derniers mois.