L’heure de gloire est-elle arrivée pour Microsoft ? La firme de Redmond a fait de très importantes annonces suite à son nouvel investissement de 10 milliards de dollars dans OpenAI. En intégrant l’intelligence artificielle (IA) à son moteur de recherche Bing et à son navigateur Edge, elle veut directement concurrencer Google dans son domaine de prédilection.

Microsoft capitalise sur son investissement dans OpenAI

Il y a deux mois, OpenAI lançait gratuitement son IA conversationnelle ChatGPT. Son succès a été fulgurant : l’outil a battu le record de la croissance la plus rapide du nombre d’utilisateurs, et son impact sur l’industrie de la tech a été comparé avec la sortie du premier iPhone en 2007. Microsoft, qui avait déjà investi dans OpenAI, n’a pas voulu manqué le coche. Elle a donc réitéré et étendu sa collaboration avec la société.

La semaine dernière, le géant américain annonçait ainsi l’intégration de GPT-3.5 (modèle sur lequel est basé ChatGPT) à la nouvelle offre payante de Microsoft Teams, ainsi qu’à son application dédiée aux commerciaux Viva Sales. Désormais, elle va beaucoup plus loin : « Cette technologie va remodeler à peu près toutes les catégories de logiciels que nous connaissons » s’est enthousiasmé Satya Nadella, le PDG de Microsoft lors d’une conférence.

Bing s’équipe de l’intelligence artificielle

Comme l’on pouvait s’y attendre, l’entreprise a annoncé l’arrivée d’un modèle de langage étendu d’OpenAI sur son moteur de recherche Bing. Celui-ci, qui ne possède actuellement que 3 % de parts de marché et ne fait pas le poids face au mastodonte Google Search, va ainsi devenir encore « plus puissant que ChatGPT ». Il est fort probable que le modèle intégré à Bing soit GPT-4, la prochaine itération de GPT-3.5, qui propose des capacités décuplées.

L’IA conversationnelle doit révolutionner la manière dont nous interagissons avec les moteurs de recherche : Bing est maintenant en mesure de répondre à des questions complexes, et de donner des résultats de recherche encore plus précis. Il passe en revue les résultats obtenus sur le Web pour trouver et résumer la réponse adéquate. « Par exemple, vous pouvez obtenir des instructions détaillées sur la façon de remplacer les œufs par un autre ingrédient dans un gâteau que vous êtes en train de préparer, sans avoir à parcourir plusieurs résultats », détaille Microsoft dans un billet de blog.

Pour les recherches plus complexes, l’entreprise intègre un agent conversationnel à son moteur de recherche. Celui-ci permet d’affiner la recherche jusqu’à obtenir une réponse complète et détaillée avec plusieurs liens disponibles. Yusuf Mehdi, vice-président chez Microsoft, a utilisé cette interface conversationnelle lors d’une démonstration pour rechercher un téléviseur de 65 pouces adapté aux jeux vidéo sur Bing. Au fur et à mesure que le service listait les téléviseurs, il lui a demandé de réduire la liste aux modèles les moins chers, ce qui a rapidement été fait, et de manière très limpide.

La nouvelle version de Bing est pour l’instant disponible à un nombre limité de personnes. Pour accéder à sa version complète, il faut s’inscrire sur liste d’attente : Microsoft prévoit d’étendre son accès à des millions de personnes supplémentaires dès la fin du mois.

Un chatbot intégré à Microsoft Edge

En plus du moteur de recherche, la firme de Redmond a présenté une nouvelle itération de son navigateur Edge, qui propose dans la barre latérale son propre chatbot, également basé sur la technologie d’OpenAI. Là aussi, il va proposer des fonctionnalités inédites dans le domaine des navigateurs Internet, car il sera possible de lui demander d’effectuer des actions précises sur une page donnée.

« Avec la barre latérale d’Edge, vous pouvez demander un résumé d’un long rapport financier afin d’en dégager les points essentiels, puis utiliser la fonction de chat pour demander une comparaison avec les données financières d’une entreprise concurrente et les intégrer automatiquement dans un tableau », explique Microsoft. Il est en outre possible de demander à Edge de rédiger un contenu à sa place en lui donnant des indications sur le format ou la taille de celui-ci par exemple.

Un chatbot intégré à Microsoft Edge.

Image : Microsoft.

Un chatbot payant et personnalisable à destination des professionnels

Selon CNBC, Microsoft ne compte pas s’arrêter là et souhaite monétiser l’IA d’OpenAI en la proposant aux professionnels sous forme de chatbot personnalisable, en permettant aux entreprises, aux écoles et aux gouvernements de créer leurs propres chatbots avec ChatGPT. Ainsi, elles auront la possibilité de suggérer des réponses aux agents de leurs centres d’appels lors des conversations auprès de leur service clientèle, par exemple. La société souhaite leur donner les moyens de télécharger leurs propres données et d’affiner la voix de leurs chatbots. Le service par ailleurs sera capable de pointer vers des sources spécifiques, contrairement à ChatGPT.

De même, il sera moins limité que le chatbot qui ne détient actuellement pas d’informations après 2021, Microsoft prévoyant de mettre à jour la version qui sera proposée dans son service pour les professionnels. La société envisage aussi de permettre aux clients de personnaliser l’outil, par exemple en enlevant les logos de Microsoft et d’OpenAI de celui-ci.

Cette fois, Microsoft ne veut pas louper le coche

Satya Nadella, le PDG de Microsoft, considère ces annonces comme la plus grande innovation de l’entreprise depuis le cloud il y a quinze ans. L’intégration de l’intelligence artificielle aux moteurs de recherche et navigateurs représente une révolution dans le domaine, et propulse directement la firme de Redmond aux côtés de Google, qui n’a pas hésité à déclarer l’alerte rouge en interne, et a annoncé la sortie de sa propre IA conversationnelle, Bard.

« Vous ne pouvez être pertinent dans la technologie que si vous êtes assez bon pour voir les vagues de changement et ensuite réorienter votre programme de technologie et d’innovation et le programme de modèle d’affaires. Nous en avons traversé des périodes très dures. La dernière que nous avons traversée était évidemment celle du mobile et du cloud. Nous en avons attrapé une, nous en avons manqué une », a déclaré Nadella sur la stratégie de Microsoft de ces dernières années. Si la société a manqué le coche dans le secteur du smartphone, elle semble bel et bien décidée à se refaire une santé dans celui des moteurs de recherche.

Dans le même temps, Brad Smith, président de Microsoft, a publié un billet de blog dans lequel il appelle à la prudence et au développement d’une intelligence artificielle « responsable ». En effet, les modèles de langage ne sont pas parfaits ; entraînés sur d’immenses quantités de texte issues d’Internet, il sont enclins à la désinformation en peinant parfois à différencier les faits de la fiction. Clairement, l’entreprise sait que ses innovations représentent un immense pas en avant technologique et souhaite, en amont, tout mettre en œuvre pour contrôler et réguler leur usage.