Un trio d’artistes a déposé le 13 janvier 2023 une plainte conjointe aux États-Unis contre Stability AI, Midjourney et DeviantArt. Depuis plusieurs mois, Sarah Andersen, Kelly McKernan et Karla Ortiz affirment que les organisations ayant développé des IA génératrices d’images à la demande exploitent leurs œuvres d’art pour leur développement, sans leur consentement, ce qui serait une atteinte aux droits d’auteurs.

Les IA génératrices d’images portent-elles atteinte au droit d’auteur ?

Les trois créatrices estiment que ces sociétés ont enfreint les droits de millions d’artistes en formant leurs outils d’intelligence artificielle grâce à cinq milliards d’images récupérées sur internet. Lorsqu’une personne développe un générateur d’images, elle exploite le machine learning, une branche de l’IA. Le développeur soumet un grand nombre de données à son modèle afin qu’il se base sur ses caractéristiques pour générer du contenu.

Néanmoins, pour entraîner ces IA, il faut demander le consentement des créateurs de contenu pour exploiter leurs œuvres. Les trois artistes affirment qu’aucune des trois entreprises à l’origine de Stability AI, Midjourney et DreamUp ne l’ont fait. Elles auraient donc utilisé ces images sans le consentement de leurs créateurs. Certains artistes ont été surpris de voir certaines œuvres d’art générées se rapprochant fortement de ce qu’ils avaient initialement créé.

Le monde de l’art est très divisé autour de l’arrivée « d’IA créatrice », beaucoup y voient la mort de l’art, mais aucun procès n’avait été intenté. Du moins, jusqu’au mois de janvier 2023. Le cabinet d’avocat Joseph Saveri, spécialisé dans les affaires antitrust et les recours collectifs, a intenté cette action en justice au nom du trio d’artistes.

Selon les plaignants, les artistes auraient subi 5 milliards de dollars de préjudice

Sur le site Stable Diffusion litigation, Matthew Butterick, l’un des avocats à l’origine de la plainte, a fait valoir que, « Même en supposant des dommages nominaux de 1 $ par image, la valeur de ce détournement serait d’environ 5 milliards de dollars. À titre de comparaison, le plus grand vol d’art jamais réalisé a été le vol en 1990 de 13 œuvres d’art du musée Isabella Stewart Gardner, d’une valeur actuelle estimée à 500 millions de dollars ».

Pour leur défense, les entreprises et leurs avocats ont pointé du doigt la méconnaissance des artistes autour de leur domaine d’expertise : l’IA. Comme le rapporte The Verge, alors qu’ils affirmaient que « les outils d’IA stockent des copies compressées d’images protégées par le droit d’auteur puis les recombinent, fonctionnant comme outils de collage », ces entreprises ont précisé que ce n’est pas foncièrement le cas. Comme le précisent les avocats des accusés, « les modèles d’IA ne stockent pas ces images, mais stockent seulement des représentations mathématiques de motifs collectés à partir de ces images. Ces outils créent des œuvres à partir de zéro sur la base de ces représentations mathématiques ».

Matthew Butterwick a répondu à cela en ajoutant que « Ces images résultantes peuvent ou non ressembler extérieurement aux images d’entraînement. Néanmoins, elles sont dérivées de copies des images de formation et leur font concurrence sur le marché ». Que ces systèmes enfreignent ou non les lois autour du droit d’auteur, le verdict autour de cette affaire pourrait bien être un tournant décisif dans le monde des IA génératrices d’images.

Pour l’heure, des plateformes d’images comme Getty Images ont interdit le contenu généré par l’IA. Dans un autre registre, Adobe est plutôt favorable à ces outils et invite les artistes et autres contributeurs à proposer des œuvres générées par l’IA sur Adobe Stock, sa banque d’images.