Alors que les avancées dans le domaine de l’informatique quantique semblent prometteuses, plusieurs spécialistes cherchent à savoir si les ordinateurs quantiques peuvent remplacer les ordinateurs classiques sur le moyen terme. Les machines quantiques d’aujourd’hui sont-elles déjà sur le point d’accomplir des exploits significatifs hors de portée des ordinateurs traditionnels ? Ou bien leurs capacités ont-elles été exagérées, à tel point qu’elles ne changeront pas notre quotidien, même dans un lointain avenir ?

Les multiples avancées dans l’informatique quantique

Le Financial Times s’est posé la question de l’intérêt de l’informatique quantique pour le grand public. Sur les six dernières années, les avancées dans la matière ont été considérables. Des réseaux de communication quantiques ont été développés, de nombreux ordinateurs quantiques ont été mis au point et des piliers du secteur ont émergé comme l’américain IBM. La Chine, les États-Unis, la France et plus largement l’Union européenne ont tous débloqué des crédits pour favoriser la recherche dans le domaine.

Au fil des années, les exploits se sont multipliés. Les Chinois ont longtemps affirmé qu’ils avaient les machines quantiques les plus puissantes, et IBM a récemment répliqué en présentant son plan pour le quantique. Deux ordinateurs de 1 121 et de 4 158 qubits sont prévus, respectivement pour 2023 et 2025, atteignant une puissance techniquement jamais égalée. À titre informatif, le qubit est une unité à l’instar du bit pour l’informatique classique, qui permet de stocker les informations quantiques.

Dernièrement, une nouvelle avancée a fait parler d’elle. 24 universitaires chinois auraient réussi à mettre au point un algorithme quantique performant. Celui-ci serait capable de casser le chiffrement RSA, encore utilisé aujourd’hui sur internet, à l’aide d’un ordinateur de 372 qubits. Cette technique de déchiffrage est considérée comme un potentiel danger pour l’avenir d’internet.

Un déclin par un manque d’applications concrètes pour le grand public

Il y a quatre ans, John Preskill, professeur de physique théorique au California Institute of Technology, prédisait que les systèmes quantiques commenceraient à être de plus en plus performants. Il affirmait qu’une fois qu’ils auraient atteint une taille de 50 à 100 qubits, ils pourraient être mis à la vente pour le grand public et donc, remplacer les ordinateurs classiques. L’avenir lui aura donné tort puisque les ordinateurs quantiques les plus performants possèdent 5 à 10 fois plus de qubits et aucun d’entre eux n’est commercialisé.

Il s’est montré plus prudent qu’en 2019 auprès du Financial Times. Pour lui, une commercialisation de certaines applications pourrait être possible si les ordinateurs quantiques pouvaient être tolérants aux pannes et corriger automatiquement leurs erreurs, ce qu’ils ne font pas à l’heure actuelle.

Concrètement, pour l’heure, les ordinateurs quantiques n’ont pas d’utilisation pratique qui pourrait convenir au grand public. De plus, ils ne sont pas adaptés à une utilisation simple et rapide, contrairement aux ordinateurs classiques. Certains spécialistes mettent alors en garde les acteurs du secteur : il se peut que 2023 soit le début d’un hiver quantique. Il s’agit d’un phénomène qui se produit lorsque les grandes entreprises mettent un frein à leurs programmes de développement et que les investissements dans les starts-up se font de moins en moins fréquents.

Un hiver quantique pour mieux repartir ?

Ces phases de repli ont souvent été traversées par l’intelligence artificielle au cours des années 70 et 80. Durant une vingtaine voire une trentaine d’années, les programmes de recherche du secteur se sont subitement arrêtés, victimes de nombreux d’échecs et impasses. Malgré cela, l’IA s’est relevé lors des années 90 et 2000 et a tout bonnement explosé lors de la décennie 2010.

Les deux principaux scénarios qui pourraient être à l’origine d’un hiver quantique seraient la stagnation des avancées dans le secteur ou bien l’arrêt des investissements d’un des leaders de l’informatique quantique, comme IBM par exemple. Une troisième raison est évoquée par Constantin Gonciulea, directeur des technologies de pointe pour Wells Fargo, est celle du « battage médiatique » autour de cette technologie. L’attente serait tellement forte qu’elle générerait d’immenses déceptions et le désintérêt du grand public.