Atos, Thales et Airbus et plusieurs autres startups et grands groupes français sont dans les starting-blocks pour remplacer Palantir en tant que partenaire privilégié de la DGSI.

Airbus montre de l’intérêt pour Evidian, la filiale d’Atos

Il y a quelques mois, Atos a annoncé la scission de ses activités. D’un côté il y a Evidian pour le volet cybersécurité, le cloud et les supercalculateurs, et de l’autre il y a Tech Foundations avec les métiers historiques en déclin : la gestion de parcs d’infrastructures, les espaces de travail numériques et les services professionnels. Cette stratégie permettrait au géant français de prendre la place de l’américain Palantir au cœur des services secrets français, dans le cadre d’un appel d’offres dont l’échéance approche.

Au moment de la scission, il était clair qu’Atos misait gros sur Evidian. Cette nouvelle entité a pour vocation à se positionner sur des marchés à forte croissance, tirés par la migration vers le cloud public, le besoin croissant de cybersécurité, la généralisation du big data et de l’analytique, ainsi que le développement d’applications intelligentes. Evidian a pris 70 % du capital d’Atos, et Tech Foundations 30 %.

Le lundi 2 janvier, Les Échos ont révélé que le géant Airbus envisageait une prise de participation minoritaire au capital de cette nouvelle société. Un avertissement pour Atos et Thales, les deux principales entreprises spécialisées dans l’informatique dématérialisée et les supercalculateurs en France, qui viennent de comprendre qu’il faudra désormais compter sur le groupe d’aéronautique français dans la course au contrat avec les services secrets français. De son côté, Airbus dit ne pas vouloir commenter ces rumeurs pour le moment, mais précise être « en constante discussion avec les partenaires, clients et fournisseurs ».

Le géant européen estime néanmoins que « ces conversations restent de nature privée ». Pour de nombreux observateurs, « l’intérêt d’Airbus pour Evidian n’a rien d’étonnant ». Avec une prise de participation, même minoritaire, dans Evidian, Airbus s’assure un accès continu et constant aux systèmes de communication sécurisés des véhicules militaires. Le volet cybersécurité intéresse également de plus en plus le groupe d’aéronautique. À ce sujet, Airbus a récemment levé le voile sur une nouvelle entité spécialisée dans le domaine, baptisée Airbus Protect.

Fin 2019, les services secrets français avaient, faute de solution française, renouvelé leur contrat avec Palantir. À l’époque, la DGSI (la Direction générale de la sécurité intérieure) avait expliqué qu’aucune alternative n’était véritablement prête. Et cela, malgré les vives polémiques autour de l’entreprise américaine. Emmanuel Tonnelier, alors président du cluster Data Intelligence du Gicat, expliquait que « les services secrets français ne peuvent pas se priver du jour au lendemain d’une solution de détection des terroristes. Il faut le reconnaître, aucune solution française alternative n’a abouti depuis 2016 ».

Quelle entreprise décrochera le contrat avec la DGSI ?

Nous sommes en 2023 et les choses ont changé. Trois entreprises françaises sont donc sur la ligne de départ pour tenter de remporter le contrat. Avec Airbus à ses côtés, certains analystes estiment qu’Atos pourrait adopter une stratégie « efficace » pour se protéger de son concurrent historique, Thales, qui travaille déjà pour l’OTAN sur des sujets similaires. Il y avait 9 candidats au départ, seuls 3 ont passé les filtres de la DGSI. Désormais, une nouvelle phase démarre.

Celle qui déterminera laquelle des trois entreprises sera la plus apte d’un point de vue opérationnel, à prendre le relai de Palantir. En attendant, l’entreprise américaine détenue par Peter Thiel continue d’opérer. Dans l’appel d’offres, il y a deux lots à pourvoir. La DGSI a des ambitions de plus en plus larges et a donc rédigé deux demandes différentes. La première consiste à convertir de l’audio en texte, identifier une personne dans une image ou une vidéo. On parle alors d’enrichissement des données. Le second lot concerne le traitement et l’analyse des données, pour réaliser des croisements et faire parler les données.

L’alliance d’Atos et de Thales baptisée Athea (pour Outil de traitement des données hétérogènes), une co-entreprise qui travaille pour la Direction générale de l’armement (DGA) sur des applications d’intelligence artificielle reposant sur l’exploitation de données sensibles, a par exemple été sélectionnée pour le deuxième lot, celui sur l’analyse des données. On retrouve également des entreprises moins connues comme le français ChapsVision, retenu sur les deux lots. En lice sur le premier lot, on retrouve également Blueway.

Parmi les entreprises d’ores et déjà exclues, citons Altrnativ, une société développée par Eric Léandri, ex-dirigeant du moteur de recherche français Qwant. Sopra ou encore Bloom, une entreprise soutenue par Dassault Systèmes. Idéalement, les services secrets français auraient aimé n’avoir qu’un seul interlocuteur sur les deux volets. Notamment pour pouvoir connecter plus aisément les deux interfaces.

Thales exprime aussi un intérêt pour Evidian

Atos et Thales se connaissent bien. En 2021, en co-fondant Athea, elles ont élaboré des moyens pour « mutualiser les investissements, les compétences et les expertises », détaillait Marc Darmon, directeur général adjoint des systèmes d’information et de communication sécurisés chez Thales. Depuis quelques mois, les relations se sont détériorées entre les deux entreprises.

Selon plusieurs analystes, Atos suspecte les avocats de Thales d’avoir fait courir des rumeurs sur la mauvaise santé financière du géant français, « pour affaiblir ses capacités de négociations et le faire dévier de son plan de scission ». Comme Airbus, Thales serait aussi intéressé par une partie des activités d’Evidian. D’après Les Échos, Thales lorgne notamment sur le volet cybersécurité de la nouvelle filiale. Un éventuel rachat ce cette division conduirait à un nouveau démantèlement d’Evidian, ce qui n’est vraisemblablement pas au programme.

Néanmoins, le groupe français précise que s’il est « intéressé par tout actif de cybersécurité qui serait disponible à la vente, aucune discussion n’est en cours avec Atos à cet égard ».