Le partage de mots de passe est sans aucun doute l’une des pratiques qui a contribué à rendre Netflix populaire, il s’agit aujourd’hui du numéro 1 du streaming mondial avec 223 millions d’abonnés. Pourtant, le service n’a pas d’autre choix que d’y mettre fin, mais doit se confronter à de nombreux obstacles pour y parvenir.

Des pertes considérables pour Netflix

En 2017, Netflix tweetait que « l’amour est un partage de mot de passe ». Cette période semble très lointaine pour la plateforme. En 2019 déjà, elle identifiait le partage de mots de passe comme un problème majeur entravant son nombre de souscriptions. La pandémie est toutefois passée par là, faisant considérablement grimper sa popularité ; mais le contexte post-pandémie est tout autre.

Au début de 2022, Netflix a perdu des abonnés pour la première fois de son histoire. Connaissant d’importantes difficultés financières, le service de streaming cherche des solutions pour remonter la pente. Pour cela, il a dévoilé une nouvelle offre, moins onéreuse, supportée par la publicité. Mais dans ce contexte, la fin du partage de mots de passe semble inéluctable : plus de 100 millions de téléspectateurs de Netflix regardent aujourd’hui le service en utilisant des mots de passe qu’ils empruntent, souvent à des membres de leur famille ou à des amis, engendrant des pertes considérables pour le service.

L’entreprise a annoncé qu’elle commencerait à agir dans ce sens début 2023, mais comment faire ? De nombreux obstacles se présentent devant elle. En Inde par exemple, les utilisateurs regardent souvent Netflix sur leur smartphone, il est donc plus difficile pour la société de déterminer qui vit dans un même foyer que lorsqu’ils utilisent des connexions Wi-Fi ou des connexions haut débit câblées partagées.

Une mesure très difficile à mettre en œuvre

Comme le rapporte le Wall Street Journal, les conditions d’utilisation de Netflix stipulent depuis longtemps que la personne qui paie le compte doit garder le contrôle des appareils qui l’utilisent et ne pas partager les mots de passe, mais cette règle n’a jamais été appliquée à la lettre.

Il est en outre difficile de déterminer pour la plateforme qui doit être autorisé à partager les mots de passe : que se passe-t-il, par exemple, quand un étudiant quitte le domicile de ses parents pour une année ? D’autres problèmes se posent, comme dans le cas où un utilisateur possède une résidence secondaire ou voyagent beaucoup. Pour Netflix, savoir si la personne qui se connecte est la même que celle qui détient le compte relève d’un exercice complexe, d’autant plus que l’entreprise ne veut pas pousser les utilisateurs vers la sortie avec cette nouvelle mesure. En effet, certains responsables ont mis en garde contre le fait de rendre le service trop complexe et peu convivial pour les consommateurs.

Netflix estime qu’en instaurant des frais supplémentaires pour le partage de compte, elle pourrait générer 721 millions de dollars de revenus supplémentaires l’année prochaine aux États-Unis et au Canada, où elle compte environ 30 millions d’abonnés. Dans cette optique, elle effectue des tests en Amérique du Sud depuis le début de l’année afin de savoir comment mettre en œuvre la fin du partage de mots de passe. Pour cela, elle fait justement payer des frais supplémentaires aux utilisateurs partageant leurs comptes. Les essais ont plutôt été mal reçus : les frais varient selon les personnes, tandis que certains utilisateurs n’ont pas été notifiés du changement.

Afin d’atténuer la réaction négative de ses usagers, Netflix envisage de déployer progressivement des mesures pour mettre fin au partage des mots de passe. Pour l’instant, elle n’a toutefois pas communiqué de feuille de route officielle.

Le partage de mots de passe jugé illégal au Royaume-Uni

Si actuellement, le partage de comptes affecte grandement Netflix, il est très probable que d’autres services, comme Netflix ou HBO Max, soient également tentés d’y mettre fin à l’avenir, alors que le secteur du streaming connaît des difficultés financières. En 2020, un rapport démontrait que les plateformes de streaming avaient perdu 9,1 milliards de dollars en 2019. La tendance s’est sans aucun doute empirée depuis.

D’ailleurs, l’Office de la propriété intellectuelle (IPO) britannique a déclaré, ce mardi 20 décembre, que le partage de mots de passe constituait une violation de la législation sur les droits d’auteur. « Il existe une série de dispositions en droit pénal et civil qui peuvent être applicables dans le cas du partage de mot de passe lorsque l’intention est de permettre à un utilisateur d’accéder sans paiement à des œuvres protégées par le droit d’auteur. Ces dispositions peuvent inclure la violation des clauses contractuelles, la fraude ou la violation secondaire du droit d’auteur, selon les circonstances. Lorsque ces dispositions sont prévues par le droit civil, il appartiendrait au fournisseur de services d’engager des poursuites devant les tribunaux si nécessaire », indique le rapport du bureau.

Néanmoins, avant que les autorités ne puissent agir, il faudrait qu’il y ait au préalable une enquête de police, ce qui peut sembler tiré par les cheveux pour une personne ayant partagé son mot de passe pour un service de streaming. Pour l’heure, il semblerait donc que Netflix doive se débrouiller seule. Les utilisateurs du service vont devoir se préparer à de grands changements dans les mois à venir.