Un peu plus de quatre ans après, le scandale Cambridge Analytica continue de faire couler beaucoup d’encre. Selon une déposition datant de 2019 de Mark Zuckerberg auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC), agence fédérale chargée de réglementer et de contrôler les marchés financiers, le PDG de Meta a menti devant le Congrès lorsque celui-ci l’a auditionné. Il aurait été au courant des agissements de la firme anglaise bien avant ce qu’il a prétendu.

Retour en arrière

L’ampleur du scandale a éclaté en 2018. À partir de 2014, l’entreprise Cambridge Analytica a exploité les données d’utilisateurs récupérées sur Facebook pour construire des profils psychologiques de citoyens américains. Ces informations ont été utilisées pour influencer les électeurs lors des primaires présidentielles du Parti républicain de 2016, ainsi que pour l’élection présidentielle de la même année, qui a propulsé Donald Trump à la Maison Blanche.

Il s’agit de l’un des pires scandales de l’histoire de Meta tant par son ampleur que par ses conséquences : ce sont les données de 87 millions de profils qui ont été compromises. Depuis, le géant américain a trouvé un accord avec la Federal Trade Commission (FTC), agence chargée d’appliquer le droit de la consommation, en acceptant de payer une amende record de 5 milliards de dollars et d’apporter de très nombreux changements à sa politique. Cependant, son image a lourdement été entachée, et sa réputation est encore très amochée.

Des poursuites judiciaires, notamment dans l’État du Delaware, sont toujours en cours dans le cadre de cette affaire, rapporte Gizmodo, mais l’accord de Meta avec la FTC lui a permis de mettre le plus gros de ce scandale, juridiquement parlant, derrière elle.

Que révèle le document de la SEC ?

Zamaan Qureshi est un expert en politique technologique et conseiller pour The Real Facebook Oversight Board, un groupe de défense non affilié qui s’est constitué comme une antithèse au Conseil de surveillance de Meta, considéré comme peu indépendant. En vertu de la loi sur la liberté de l’information, il a soumis une demande à la SEC pour obtenir un témoignage sous serment de Mark Zuckerberg, datant de 2019.

Le document révèle qu’en 2017, le PDG de Meta a modifié à la dernière minute un discours adressé aux utilisateurs de Facebook par rapport aux possibles ingérences extérieures lors de l’élection présidentielle. Dans le speech, Zuckerberg a déclaré : « Nous allons poursuivre notre enquête sur ce qui s’est passé sur Facebook lors de cette élection. Nous pourrions en découvrir davantage, et si c’est le cas, nous continuerons à travailler avec le gouvernement. Nous nous intéressons aux acteurs étrangers, notamment à d’autres groupes russes et à d’autres anciens États soviétiques, ainsi qu’à des organisations comme les campagnes, afin de mieux comprendre comment ils ont utilisé nos outils ».

Or, la première version du discours, celle qui a finalement été changée par le PDG, affirmait : « Nous examinons déjà les acteurs étrangers, notamment les acteurs du renseignement russe dans d’autres États soviétiques et des organisations comme Cambridge Analytica ».

Dans sa déposition auprès de la SEC, Zuckerberg déclare en outre avoir été au courant de l’affaire avant la publication d’articles à ce sujet en 2017 : « Mon avis est que j’ai entendu parler d’eux avant. Et que c’était après avoir vu quelques mentions de ce qu’ils prétendaient faire, je voulais demander à des gens en qui j’avais confiance ce qu’ils en pensaient ».

Pourquoi cela pose problème ?

Pour mettre la lumière sur cette affaire, Mark Zuckerberg a été auditionné par les membres du Congrès des États-Unis en 2019. En réponse aux questions des députés sur le moment où il a su que quelque chose était étrange avec Cambridge Analytica, il a répondu : « Je ne suis pas sûr du moment exact, mais c’était probablement autour du moment où cela est devenu public, je pense que c’était autour de mars 2018. Je pourrais me tromper ».

Très clairement, cette déclaration va à l’encontre des propos du PDG de Meta dans la déposition de la SEC. Cela suggère que le dirigeant n’a pas vraiment été honnête lors de ses divers interrogatoires, et laisse un flou sur la chronologie des événements. Pour rappel, des employés de Facebook étaient au courant d’une fuite de données dès 2015, mais n’ont pas tout de suite prévenu leur PDG.

De son côté, Meta a refusé de commenter la publication de la déposition, rappelant que son affaire avec la SEC était réglée depuis plus de trois ans. Ce règlement pour 100 millions de dollars date de 2019, il a résolu les allégations du gouvernement américain selon lesquelles Facebook avait trompé les investisseurs pendant des années.