Comme chaque année, le cabinet de conseil McKinsey a publié son rapport sur l’état d’adoption de l’intelligence artificielle (IA) à travers le monde, le State of AI 2022. Cette grande enquête met en lumière un plateau notable du taux d’adoption de l’intelligence artificielle depuis quelques années.

Une stagnation dans l’adoption de l’IA ?

Dans le State of AI 2022, McKinsey révèle les grandes tendances en matière d’intelligence artificielle dans le monde durant la dernière décennie. Les investissements dans l’IA se sont accélérés au cours des 5 dernières années constate l’étude, « les entreprises déclarent que l’intelligence artificielle est devenue une priorité. L’adoption de l’IA a plus que doublé depuis 2017 (de 20 à 50 %) ». 63 % des entreprises s’attendent à ce que les investissements dans l’IA continuent d’augmenter lors des 3 prochaines années. 

Néanmoins, les analystes font état d’un « plateau » quant à la proportion d’organisations adoptant l’intelligence artificielle. Celui-ci oscille entre 50 et 60 % depuis quelques années. Michael Chui, associé chez McKinsey, déclare que « c’est l’une des tendances les plus surprenantes à mon sens. Nous voyons le potentiel de cette technologie pour créer de la valeur dans à peu près tous les secteurs et toutes les fonctions et on pourrait penser que l’adoption ne cesse de croître », mais ce n’est pas exactement le cas.

Parmi les entreprises qui adoptent l’IA, la plupart ont augmenté leurs investissements. Les leaders dans le domaine s’engagent dans des « pratiques de plus en plus avancées » et font tout pour permettre un développement de l’IA à grande échelle et plus rapide. Il y a donc un écart qui se creuse entre les entreprises qui misent beaucoup sur l’intelligence artificielle et celles qui peinent à se lancer. Les résultats du rapport montrent que les cas d’utilisation les plus courants concernent « l’optimisation des services, la création de nouveaux produits, l’analyse du service client et la segmentation de la clientèle ».

L’écart se creuse

Dans son rapport, le cabinet de conseil McKinsey montre que les domaines spécifiques dans lesquels les entreprises voient de la valeur dans l’IA ont évolué. En 2018, la fabrication et le risque étaient les deux fonctions qui intéressaient le plus les répondants. Aujourd’hui, les attentes se trouvent dans le marketing et les ventes, ainsi que la stratégie et la finance d’entreprise. 25 % des répondants estiment qu’au moins 5 % de leurs revenus sont attribuables à l’IA. Michael Chui estime que nous sommes en train de passer d’une phase « hivernale à une phase printanière ». 

Comme déjà mentionné, il rappelle néanmoins ce fameux plateau, certainement dû à une « prise de conscience du niveau de changement organisationnel nécessaire pour réussir à intégrer cette technologie ». Dans leur rapport, les analystes décrivent des entreprises qui se découragent parce qu’elles se sont lancées dans l’IA en pensant « qu’il s’agirait d’un exercice rapide, alors que celles qui ont une vision à plus long terme ont fait des progrès constants en se transformant en organisations apprenantes ».

À l’inverse les organisations les plus performantes peuvent « avoir une longueur d’avance sur la gestion des risques potentiels liés à l’IA, tels que la vie privée, l’équité et la justice, que les autres organisations n’ont pas encore abordés ». Le rapport fait état d’un lien de corrélation entre les entreprises qui utilisent déjà l’intelligence artificielle et celles qui souhaitent continuer d’y investir. Et c’est là que l’écart risque de se creuser. Les entreprises à un stade avancé sont prêtes à dépenser jusqu’à 20 % de leur budget dans les technologies liées à l’IA. 

Et ces budgets numériques représentent une proportion beaucoup plus importante des dépenses de l’entreprise : les personnes interrogées chez les entreprises très performantes en matière d’IA sont cinq fois plus susceptibles que les autres de déclarer que leur entreprise consacre plus de 20 % de ses revenus aux technologies numériques. En résumé, les entreprises les plus performantes en matière d’IA sont les mieux placées pour connaître un succès durable dans ce domaine, pour améliorer l’efficacité du développement de ces technologies et aussi pour créer un environnement plus attractif pour les talents. 

Selon Bryce Hall, associé chez McKinsey, « de nombreuses entreprises sont passées de l’expérimentation de l’IA à son industrialisation ». Il estime qu’il y a également de plus en plus d’applications innovantes de l’intelligence artificielle, comme l’utilisation de l’IA pour identifier de nouveaux médicaments ou créer des recommandations hyper-personnalisées pour les consommateurs. Récemment, Sanofi a par exemple décidé de s’associer avec Insilico Medicine pour accélérer la découverte de médicaments par l’IA. 

Avec ce nouvel investissement, Sanofi compte réduire les délais de développement des médicaments de quelques années. Selon les observateurs du marché, les entreprises pharmaceutiques ont le choix d’évoluer dans deux directions : « soit elles renoncent à l’IA et sont dans l’obligation de licencier, soit comme Sanofi, elles redoublent d’efforts en s’associant à des biotechs ».

L’IA aussi victime de la pénurie des talents

Le State of AI 2022 fait également mention des talents et des compétences en matière d’intelligence artificielle. Il se trouve que les données montrent qu’il est en réalité « assez facile d’améliorer les compétences au sein des équipes ». Parallèlement, l’embauche représente un grand défi pour les entreprises dans le domaine de l’IA. Toutes les organisations signalent que le recrutement de talents en IA, en particulier au niveau des sciences des données, reste difficile.

Les ingénieurs logiciels sont les métiers les plus recherchés par les entreprises, devant les ingénieurs de données et les scientifiques des données. Un autre signe du passage de nombreuses organisations du stade expérimental de l’IA à son intégration active. Cependant, la pénurie de talents dans l’industrie de la tech ne montre aucun signe d’amélioration. La majorité des personnes interrogées dans ce rapport déclarent avoir eu des difficultés à recruter pour chaque poste lié à l’IA au cours de l’année écoulée. 

Pour pallier cela, la requalification et l’amélioration des compétences sont des alternatives courantes à l’embauche. Près de la moitié des entreprises interrogées le font. Le recrutement dans les universités fait également partie des stratégies courantes depuis quelques mois. Au niveau de la diversité des équipes, les sociétés technologiques ont encore de gros progrès à faire. Seulement 27 % des travailleurs sont des femmes. Même chose du côté des minorités ethniques : ils ne représentent que 25 %.

Pour Helen Mayhew, associée chez McKinsey, « ces résultats montrent à la fois le chemin parcouru et l’ampleur du travail qu’il reste à accomplir dans certains domaines ». Elle affirme que l’embauche d’ingénieurs en machine learning, témoigne de la maturation de l’IA, « les entreprises ont besoin de ce rôle maintenant, car elles s’efforcent d’intégrer le machine learning dans les systèmes de manière régulière et fiable ».