Alors que les fêtes de fin d’année approchent, les français, souffrant d’un contexte économique difficile, sont contraints de réduire leurs budgets alloués aux cadeaux. La crise énergétique, qui s’installe depuis plusieurs mois, ainsi que la hausse du coût de la vie obligent les ménages à se serrer la ceinture. Pour regagner du pouvoir d’achat, une réponse s’impose depuis plusieurs années : le titre cadeau. Cette solution, qui existe au format physique, avec le chèque cadeau et la carte cadeau, mais aussi numérique grâce aux QR codes et autres portefeuilles électroniques, ne cesse de gagner en popularité.

Aux origines du titre cadeau

Le titre cadeau est, à l’origine, importé des États-Unis au milieu des années 1980 sous sa forme la plus connue : le chèque cadeau. Souvent remis par les comités sociaux et économiques (CSE), les instances chargées de la représentation des salariés au sein d’une entreprise, il permet aux employés d’acquérir plus de pouvoir d’achat. Ilan Ouanounou, directeur général d’Edenred France, le leader mondial des solutions de paiement à usage spécifique, a déclaré à Siècle Digital que le titre cadeau « est un bénéfice très apprécié par les salariés français. Quelle que soit sa forme, c’est l’œuvre sociale préférée des français, plus attendue que les chèques vacances ». Il indique que le marché des titres cadeaux, en France, représente 2 milliards d’euros, distribués par 145 000 entreprises, en grande majorité au travers des CSE, et dépensés par 8 millions de salariés chaque année.

Depuis quelque temps, le chèque cadeau cède du terrain à la carte cadeau, physique ou digitale, qui rend l’utilisation des titres plus simple. Olivier Riquet, directeur général adjoint chez Global P.O.S, une société éditrice de solutions logicielles pour points de vente, explique que ce changement a eu lieu d’un point de vue sécuritaire, car il est plus difficile de perdre une carte qu’un chéquier, mais aussi pour faciliter la distribution aux CSE. Il ajoute qu’au contraire du chèque, « la carte est sécable, renforçant son confort d’usage ».

Avec la part grandissante du numérique dans la vie quotidienne et les habitudes des consommateurs, le titre cadeau s’est adapté, optant pour un format digital. « Il y a une vraie accélération de la carte cadeau », note Olivier Riquet, « la carte cadeau digitale simplifie d’autant plus la logistique et la distribution aux CSE puisqu’il leur suffit d’envoyer un code par mail ». Ilan Ouanounou tempère cependant, « la croissance des solutions numériques est supérieure à celle du papier. Toutefois, l’écart entre les deux n’est pas si fort que ça ». Il précise que les CSE sont encore très attachés aux gestes physiques et à la symbolique de la remise du carnet de chèque cadeau sous l’arbre de Noël.

Un marché en constante expansion

L’attention que portent les CSE aux titres cadeaux, quelle que soit leur forme, montre l’importance de ce marché en France. D’après Olivier Riquet, celui-ci connaît une croissance constante de plus de 10 % chaque année. « Cela fait vraiment dix ans que le principe de carte cadeau accélère et depuis 5 ans, nous observons des croissances à deux chiffres », révèle-t-il à Siècle Digital. La carte cadeau a crû de 10 % en 2021 et devrait atteindre les 14 % de hausse en 2024.

Selon Olivier Riquet, 70 % des cartes cadeaux sont émises pour le commerce inter-entreprises. Les 30 % restants concernent les particuliers. Il justifie ce ratio par les budgets sociaux de fonctionnement imposés par la loi aux CSE. Il analyse, « chaque entreprise doit verser un pourcentage de la masse salariale à son CSE. Ces derniers voient en la carte cadeau un outil de redistribution du pouvoir d’achat à ses collaborateurs ». De plus, il s’agit d’un marché extrêmement saisonnier, 70 % des titres cadeaux sont distribués pour les fêtes de fin d’année.

Depuis la crise du Covid-19, les CSE ont tendance à allouer une part plus importante de leur budget (allouée auparavant pour des sorties, des places de cinéma moins chères, etc.) aux titres cadeaux. En 2022, ils peuvent offrir jusqu’à 171 euros de chèques ou cartes cadeaux, lors de certains événements choisis par l’URSSAF tels que Noël ou la rentrée scolaire. Ce plafond a été augmenté à 342,80 euros en 2020 et 250 euros en 2021 pour redonner un coup de fouet au pouvoir d’achat des salariés français et à la consommation.

Si le retour à la normale du plafond fixé par l’État donne un coup de pouce financier non négligeable, pour les acteurs de l’industrie du titre cadeau, ce n’est pas suffisant. Ilan Ouanounou, également membre de l’A3C, l’Association professionnelle des émetteurs de chèques et de cartes cadeaux, affirme que « ce qui était nécessaire à la crise du Covid-19 l’est toujours pendant la crise inflationniste que nous vivons. Nous appelons le gouvernement à faire de nouveau un geste pour permettre à ce plafond d’être au minimum à 250 euros voire 340 euros. Cela serait sans aucun coût pour l’État puisque cet argent vient des CSE qui possèdent un budget fixe en pourcentage de la masse salariale ».

Une enquête de l’A3C réalisée par l’institut de sondage Harris Interactive sur la perception et l’utilisation des titres cadeaux et culturels en entreprise montre que « 84 % des salariés souhaiteraient que leur employeur ou CSE leur alloue un montant supérieur de titres cadeaux pour les soutenir dans leurs achats de fin d’année ». Toujours selon cette étude, dans le contexte économique actuel, plus de 8 salariés sur 10 estiment devoir réduire leurs dépenses de fin d’année par rapport aux années précédentes.

La puissance économique du titre cadeau

Pour comprendre le point de vue des adhérents de l’A3C, il est important de se rendre compte du poids des titres cadeaux dans la société française. D’après le dirigeant d’Edenred France, l’augmentation du plafond les années précédentes « a permis d’injecter plus de 150 millions d’euros de consommation additionnelle pour aider les petits commerces ».

En plus d’offrir du pouvoir d’achat, les titres cadeaux possèdent de nombreux avantages pour les enseignes qui les acceptent. Tout d’abord, ils ont un effet déclencheur. L’investigation de l’A3C dévoile qu’environ 50 % des bénéficiaires de titres cadeaux ont effectué des achats qui n’étaient pas prévus. « C’est une véritable source de trafic, notamment avec le contexte difficile que traverse le secteur du commerce », glisse Olivier Riquet.

Enfin, ils renferment un effet multiplicateur. L’enquête de l’A3C révèle que 61 % des bénéficiaires ont dépensé plus que le montant du titre reçu. En 2022, le panier de dépense moyen est de 206 euros pour 130 euros de titres cadeaux. Il s’agit d’un abondement de près de 60 %. Une grande partie de ces titres sont utilisés auprès des magasins de jouets ou des librairies de quartier.

Du cadeau impersonnel au cadeau malin

Au cours du temps, le titre cadeau est parvenu à se défaire de son image négative de cadeau facile et impersonnel, et est passé l’année dernière, selon le dirigeant de Global P.O.S, 4ème cadeau préféré des français. Virginie Pez, professeure des universités à l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis et spécialiste des comportements de consommation, explique cet engouement par « un ratio coût bénéfice très intéressant pour ce type de cadeau ». Offrir une carte ou un chèque cadeau demande moins d’efforts et limite les risques de déception. « La personne qui se voit offrir une carte cadeau a le choix, elle peut se faire plaisir sans mettre l’offreur dans l’embarras », note-t-elle auprès de Siècle Digital.

Pour l’experte dans le comportement des consommateurs, ce qu’il manque aux titres cadeaux, c’est l’expérience de réception. Celle-ci est dégradée par le support, qu’il soit physique ou numérique, et n’est pas aussi symbolique que les présents traditionnels. « Les marques ont tout intérêt à réinventer l’expérience de la carte cadeau numérique en la rendant encore plus riche, plus symbolique et moins impersonnelle », assure Virginie Pez.

Plusieurs entreprises proposent de repenser la présentation des titres cadeaux numériques. C’est le cas de Global P.O.S qui accompagne les enseignes dans la création de cette expérience. Olivier Riquet indique que « nous offrons un accompagnement stratégique aux enseignes sur le marketing, sur la technique, mais aussi sur le côté légal et sécuritaire ».

L’entreprise basée à Montpellier a lancé, en novembre, une nouvelle solution intitulée Vitreen. « L’idée est née pendant la pandémie, alors que les retailers ne pouvaient plus vendre leur carte cadeau dans les magasins physiques », raconte Olivier Riquet. « Nous avons décidé de créer un affichage de QR code disponible partout sur le parcours client », ajoute-t-il. Que ce soit en vitrine, sur un live shopping, dans un catalogue, sous un abri de bus, il est possible de commander une carte cadeau et de l’envoyer au destinataire. Pour Global P.O.S, Vitreen répond à plusieurs demandes, « la simplification de la vie du détaillant et du client, la multiplication de la prise de parole des marques et une augmentation de l’affichage publicitaire ».

Publicité pour Vitreen

Photographie : Global P.O.S.

Quel avenir pour les titres cadeaux ?

Dans un monde où le numérique prend chaque jour de plus en plus de place, pour Edenred, le futur des titres cadeaux est clair. « Nous pensons que la dématérialisation est le sens de l’histoire et nous prônons une dématérialisation totale, ne serait-ce que pour des sujets de sécurité ou environnementaux », révèle Ilan Ouanounou.

Le bien-être environnemental est devenu un argument majeur du tout numérique de ces titres. Un avis partagé par Virginie Pez qui estime que ce marché est dans l’air du temps car il répond à des enjeux de surconsommation, « c’est important pour les consommateurs de sentir qu’ils ne vont pas acheter de cadeaux qui peuvent être inutiles ».

Le directeur général d’Edenred France prend tout de même ses précautions, « je pense que le futur est une combinaison, une hybridation entre la carte cadeau physique et la carte cadeau numérique, avec disparition progressive du papier ». Il conclut que « le tout numérique n’est pas souhaitable », là où Global P.O.S réfléchit déjà à l’implémentation de la carte cadeau dans le métavers.