Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk fin octobre, le réseau social subit de plein fouet les changements initiés par le milliardaire américain. Selon des sources proches du dossier, interrogées par le New York Times, la plateforme est en proie à de grandes difficultés financières notamment suite aux départs successifs des nombreux annonceurs. Pour couronner le tout, la semaine passée le PDG de Tesla a pris pour cible Apple en interpellant Tim Cook sur Twitter. La situation a été désamorcée rapidement par une rencontre entre les deux hommes à l’Apple Park.

Twitter en difficulté financière suite au départ des annonceurs

Le coup d’envoi de la Coupe du monde de football est généralement synonyme de bons résultats pour l’oiseau bleu. Il enregistre, lors de cette période, des records dans tous les domaines, y compris dans la publicité. En 2014, par exemple, la plateforme a comptabilisé pas loin de 700 millions de tweets. Cette fois les choses semblent plus compliquées puisque d’après des personnes proches du dossier, les revenus publicitaires américains ont été inférieurs à plus de 80 % par rapport aux attentes internes. D’aucuns diront que les nombreux problèmes de Twitter sont liés à l’arrivée de l’homme le plus riche du monde à la tête du réseau social. Le rachat de l’entreprise fin octobre par Elon Musk a fait fuir de nombreux annonceurs qui lui reprochent notamment sa vision extrême de la liberté d’expression. C’est plus de 50 des 100 meilleures entreprises, comme Chevrolet, Jeep ou encore General Motors, qui ont décidé de quitter la plateforme. D’après MediaRadar, en mai 2022 la plateforme comptait 3980 annonceurs contre 2 315 en octobre. Coup dur pour Twitter pour qui les marques représentent plus de 90 % de ses revenus. Du côté des chiffres, selon des personnes bien informées, les ventes publicitaires de l’entreprise en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique ont chuté de plus de 50 % sur la semaine du 21 novembre par rapport à la semaine précédente.

Le milliardaire n’a guère rassuré les annonceurs restants, suivant son credo de départ en réaffirmant une « liberté d’expression absolue ». Il a permis le retour de Donald Trump, l’ancien président des États-Unis, sur Twitter et promis une amnistie générale des comptes suspendus. Selon un article du New York Times qui a repris une étude qui a été réalisée par des chercheurs, ces dernières semaines, il y a eu une explosion des discours de haine sur le réseau social. Les messages antisémites ont grimpé de plus de 61% dans les jours qui ont suivi le rachat de la plateforme par Elon Musk. Petite lueur d’espoir tout de même, le compte Twitter de Kanye West, que le milliardaire avait réintégré, a été de nouveau suspendu à la suite des louanges de l’artiste à Hitler.

À côté du discours d’Elon Musk sur la liberté d’expression, les nombreux licenciements notamment d’une partie de l’équipe de vente et de publicité n’ont pas aidé à regagner la confiance des annonceurs envers le réseau social. C’est le cas de Leslie Berland, ancienne Chief Marketing Officer (CMO) chez Twitter, qui a été classée dans le Top 3 des CMO les plus influents au monde par le magazine Forbes en 2018. Lors de son départ, un de ses anciens collègues a tweeté : « Il n’est pas exagéré de dire que personne n’a eu un impact plus important sur Twitter le service – et Twitter l’entreprise. Elle vous a toujours soutenu, elle a toujours écouté, elle a toujours bien fait et elle a fait de Twitter ce qu’il est aujourd’hui ». L’exemple de Robin Wheeler a aussi ébranlé la foi des marques envers la plateforme. Selon des sources internes, cette publicitaire américaine a été licenciée car elle a refusé la demande d’Elon Musk qui l’a invitée à licencier des employés de l’équipe de vente.

Face à ces difficultés, Elon Musk a prévenu, selon des personnes proches de l’affaire, qu’il allait interpeller publiquement les annonceurs qui réduisent ou stoppent leurs dépenses pour le réseau social. C’est à ce stade qu’Apple fait son apparition.

Une rencontre pour le moins surprenante entre les deux patrons

La semaine dernière, Elon Musk a interpellé le PDG d’Apple sur sa plateforme favorite, en lui reprochant deux points essentiels : le potentiel retrait de Twitter de l’App Store ainsi que la réduction des publicités sur le réseau social.

Selon le Washington Post, Apple a engagé plus de 48 millions de dollars en publicité lors du premier trimestre de 2022, faisant de la firme de Cupertino un des premiers annonceurs de la plateforme. Néanmoins, à l’instar de nombreuses marques, l’entreprise californienne a décidé de mettre un frein à ses dépenses sur le réseau social. En réaction, Elon Musk, comme à son habitude, a chargé la marque à la pomme dans une série de tweets. Le potentiel retrait de Twitter de l’App Store a inquiété le PDG de Tesla. De fait, le règlement du magasin d’applications d’Apple interdit tout discours de haine.

Deux jours plus tard, le mercredi 30 novembre, le milliardaire américain a surpris tout le monde en tweetant que « le malentendu » a été réglé et il a ensuite publié une vidéo depuis le siège social d’Apple à Cupertino accompagné de la mention « Merci @tim_cook pour m’avoir emmené dans le magnifique siège social d’Apple ».

Cette rencontre a été initiée par Tim Cook, perçu comme une personnalité « diplomate ». Une source a confié au Financial Times que le PDG d’Apple « voulait entendre [Musk]. Et je suis sûr que Tim a donné son point de vue. C’est ce que fait Tim : il retrousse ses manches et règle les problèmes. Il n’aime pas les grandes disputes publiques, qu’il s’agisse d’un conflit de relations publiques ou quelque chose de plus litigieux. Ce n’est pas son mode opératoire. Il n’est pas comme Elon ». Ce qu’il s’est dit entre les deux hommes n’a pas été rendu public et Apple n’a fait aucun commentaire. Néanmoins, depuis la rencontre Tim Cook a suivi Elon Musk sur Twitter. Si la rencontre s’est organisée assez rapidement et semble s’être plutôt bien terminée, c’est aussi parce que le PDG d’Apple fait face à un autre problème : la « crise chinoise » qui frappe la société de l’iPhone.

Tim Cook a des préoccupations plus importantes à régler qu’une dispute avec Elon Musk. Début novembre Apple a déclaré dans un communiqué que ses ventes seraient inférieures aux attentes en raison de la fermeture de la gigantesque usine de Foxconn à Zhengzhou en Chine. Le plus grand site d’assemblage au monde pour l’iPhone a confiné plus de 300 000 personnes pour limiter la propagation du Covid-19. L’approche « tolérance zéro Covid » pratiquée par la Chine impacte fortement la production d’Apple. Dernièrement, l’usine a été touchée par des manifestations qui ont rajouté des difficultés quant à la fabrication des smartphones. Selon les derniers chiffres publiés, les premières estimations font état de 15 millions de ventes d’iPhone perdus pour la marque à la pomme, d’ici la fin de l’année. Il s’agit probablement du plus grand défi auquel est confronté Tim Cook depuis qu’il a repris le poste de directeur général en 2011.