Pour la quatrième année consécutive, Elon Musk espère pouvoir tester l’année suivante ses puces Neuralink sur des êtres humains. Lors du Neuralink Show, ce mercredi 30 novembre 2022, l’entreprise a déclaré avoir perfectionné son produit. Le milliardaire se dit confiant sur ses chances de recevoir l’approbation nécessaire de la Food and Drug Administration (FDA).

Neuralink a-t-elle réellement fait des progrès majeurs ?

Dans sa présentation, le PDG de Neuralink a montré les progrès de ses tests avec deux singes capables de déplacer des curseurs d’ordinateur par la pensée. Ce résultat a laissé perplexe les scientifiques : il a déjà été réalisé en 2006 (pdf). À cette époque, l’expérience nécessitait, tout de même, un équipement bien plus encombrant, composé d’un casque installé sur la tête des patients relié à un ordinateur par des câbles. Aujourd’hui, les chercheurs estiment qu’ils ne voient pas d’idée révolutionnaire de la part de la société. Confiant, Elon Musk affirme que le dispositif permettra aux personnes paralysées de contrôler un ordinateur en dehors d’un laboratoire. Il a aussi souligné que la puce rendrait la vue aux aveugles et pourrait rendre ses moyens à une personne invalide.

Le PDG nous a déjà habitués à réaliser de telles promesses. En 2020, lors d’une conférence de Neuralink, Elon Musk avait indiqué que le dispositif pourrait « résoudre » des problèmes comme l’insomnie en plus de la paralysie. Les journalistes sur place ne sont plus dupes de la légèreté des engagements de Musk, si l’auditoire a applaudi, ils soulignent que les avancées présentées sont très loin des résultats promis.

Des scientifiques, témoignant dans le New York Times, comme de la science-fiction. Pour le moment, Neuralink fait face à des complications sur ses études scientifiques et pas uniquement pour ses ambitions affichées. L’entreprise a testé des dispositifs sur des moutons, des porcs, et des primates, mais l’utilisation d’animaux comme cobayes a fait polémique en février dernier.

Le Physicians Committee for Responsible Medicine, un groupe de défense des droits des animaux avait alors consulté des documents internes de Neuralink : entre 2017 et 2020, 15 des 23 singes cobayes sont morts après avoir été implantés. Pour se défendre, l’entreprise avait publié des photographies pour montrer que les primates étaient testés dans de bonnes conditions. Elle a ajouté que l’utilisation des cobayes était toujours réalisée dans le cadre de la loi en vigueur. La Food and Drug Administration, l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments, exige de tester tous les nouveaux dispositifs médicaux sur des animaux.

Neuralink a tout de même rencontré quelques réussites, l’entreprise peut s’appuyer sur un singe, baptisé Pager, en 2021, ayant joué à Pong avec un homme paralysé. En 2020, la société a réussi à analyser Gertrude, une truie, avec un implant dans son museau pour détecter les liens neuronaux.

La FDA a déjà autorisé des entreprises à tester des dispositifs similaires sur des humains

Après ces tests concluants, et avant de passer à ceux sur les humains, Neuralink a besoin de l’accord de la FDA. Le régulateur va se pencher sur la sécurité et les bénéfices/risques pour les patients. Les spécialistes devront déterminer si le dispositif n’endommage pas le cerveau après l’opération. La durée de vie du dispositif sera aussi testée, pour s’assurer que les fluides cérébraux ne rongent pas l’isolation recouvrant la puce et ses centaines d’électrodes filaires. Si un tel phénomène devait se produire, cela provoquerait un rejet de la puce et des dommages sur le cerveau du patient.

Lors du Neuralink Show de cette semaine, Elon Musk s’est réjoui d’avoir soumis la plupart des documents à l’agence. Il a affiché une quasi-certitude sur ses chances d’obtenir l’approbation du régulateur.

Dans le passé, la FDA a déjà autorisé d’autres sociétés pour étudier des dispositifs similaires. L’un des plus vieux remonte à 2004, des scientifiques de l’Utah avaient testé un appareil équipé de pointes placées sur le cerveau. Le dispositif, appelé BrainGate, était relié à un petit ordinateur pour transmettre des informations. Grâce à cette technologie, en 2011, des personnes paralysées avaient réussi à soulever une tasse de café avec un bras robotisé, écrire un livre en 2012, et soulever des couverts en 2016.

Ces différentes innovations ont amené un engouement pour la création de startups spécialisées. Aujourd’hui, l’une des principales sociétés concurrentes à Neuralink est Synchron. La société, experte dans les interfaces cerveau-machine (ICM), a reçu les droits d’implantation sur les êtres humains en juillet 2021. Son dispositif est bien plus facile à installer que celui de Neuralink, puisqu’il ne nécessite pas d’ouvrir le crâne des patients. Une puce est implantée dans une veine de la gorge pour contrôler la partie motrice du cerveau. Une fois en place, elle détecte et transmet sans fil l’intention motrice du patient.

Avec cette technologie, les ambitions de l’entreprise sont moindres que celles d’Elon Musk, mais ont le mérite d’exister. L’entreprise souhaite faciliter la vie des personnes paralysées en leur donnant la possibilité de contrôler des appareils électriques par la pensée. Les premiers tests effectués en Australie et aux États-Unis ont été concluants : des patients incapables de bouger ou de parler ont pu communiquer sans fil par ordinateur. Une autre société,basée à Eindhoven, Onward, a également fait des progrès majeurs en rétablissant partiellement des mouvements chez des personnes souffrant de lésions à la moelle épinière.

Face à ses concurrents, Neuralink vante sa potentielle puissance de traitement, en pariant sur une chirurgie invasive. Pour recevoir une puce, le patient est dans l’obligation de réaliser une ablation d’une petite partie du cerveau, mais cette méthode permettrait d’obtenir de meilleurs résultats et de restaurer plus de fonctions chez l’homme. Elon Musk avait annoncé des miracles en 2020, désormais il les programme pour 2022… Avant de s’enthousiasmer il faudra donc attendre et voir.