FTX, la deuxième plus grande plateforme d’échange de crypto-actifs au monde, s’est effondrée il y a quelques jours. Cette chute a porté un coup dur à la réputation du marché. Binance, leader mondial de cette industrie, appelle les dirigeants mondiaux à réguler le marché.

L’onde de choc FTX

D’une valorisation de 32 milliards de dollars à une situation de faillite en à peine quelques jours. C’est le destin qu’a récemment connu FTX, deuxième plus grande plateforme au monde, juste derrière Binance. Comment l’empire de Sam Bankman-Fried (SBF) a-t-il pu disparaître du jour au lendemain ? L’industrie des crypto-actifs est particulièrement volatile et nous venons d’en avoir la preuve. Le scandale FTX provoque une véritable onde de choc dans le monde des cryptomonnaies. De nombreuses autres plateformes semblent être sur la sellette.

Avec ses 300 salariés, FTX était l’une des plateformes de cryptomonnaies les plus solides du marché. De nombreux observateurs comparent déjà cette faillite avec celle en 2001 du courtier en électricité Enron, ou celle en 2008 de Lehman Brothers. Dans sa chute, FTX entraîne 130 entreprises affiliées. En effet, l’effondrement soudain de la société a poussé certaines plateformes à bloquer les retraits pour leurs utilisateurs. C’est par exemple le cas de BlockFi, LedgerX LLC, AAX ou encore Hbit Limited, une filiale de New Huo Technology.

L’âge d’or des crypto-actifs n’était-il qu’un mirage ? C’est en tout cas ce que pensent certains observateurs du marché. Lorsque les prix des cryptomonnaies ont commencé à s’effondrer dans le courant de l’année 2022, Sam Bankman-Fried a tout fait pour garder la tête haute. Il s’est même vanté que lui et son entreprise « étaient immunisés » contre la crise. Désormais, John J. Ray III, l’homme qui avait géré au début des années 2000 la liquidation du courtier en énergie Enron, « met tout en œuvre pour sécuriser les actifs des investisseurs ». Il a été placé à la tête de FTX pour tenter de sauver ce qui peut encore être sauvé.

Comment l’industrie crypto va-t-elle réagir ?

Après l’effondrement du bitcoin, faut-il s’attendre à la fin d’une époque pour l’écosystème crypto ? Sam Bankman-Fried s’est exprimé en début de semaine sur la chute de son entreprise. Il a déclaré que FTX s’était « développée trop rapidement ». La société de Kris Marszalek, Crypto.com, une plateforme d’échange de crypto-actifs basée à Singapour (qui a fait les gros titres en 2021 en concluant un accord de 700 millions de dollars pour rebaptiser le Staples Center de Los Angeles en Crypto Arena), semble également être en difficulté.

Dans une vidéo en direct sur YouTube baptisée « ask-me-anything », Marszalek a déclaré que sa plateforme a toujours maintenu des réserves suffisantes pour correspondre à chaque token que les clients détiennent et « qu’une preuve de réserves de Crypto.com sera publiée dans quelques semaines ». Cette décision a été prise après que les investisseurs se soient emparés de Twitter au cours du week-end pour remettre en question son transfert de 400 millions de dollars en Ether vers la bourse Gate.io, le 21 octobre 2022. Les retraits s’accélèrent chez Crypto.com.

Kraken, une autre plateforme d’échange de crypto-actifs, a déclaré dimanche sur Twitter qu’elle avait gelé des comptes appartenant à la nébuleuse d’entreprises du groupe FTX, ainsi que d’Alameda Research, pour « protéger les créanciers ». L’entreprise précise être en contact avec les forces de l’ordre. Le fondateur de Kraken, Jesse Powell, n’a pas retenu ses coups contre FTX et son CEO Sam Bankman-Fried. Il affirme que l’industrie « va surmonter cette épreuve ».

Selon lui, « il s’agit ici d’imprudence, d’avidité, d’intérêt personnel, d’orgueil démesuré, de comportement sociopathe qui pousse une personne à risquer tous les progrès durement acquis par cette industrie au cours de la dernière décennie, pour son propre bénéfice ». De son côté, Changpeng Zhao (CZ) a déclaré qu’il voulait créer un « fonds de redressement de l’industrie », pour aider les plateformes du monde entier à faire face à cette crise de liquidité.

Le patron de Binance plaide pour plus de régulation

D’après la BBC, c’est aussi l’avis de CZ, le patron et fondateur de Binance (le numéro 1 dans le secteur des cryptomonnaies). Il a récemment déclaré que « Binance travaille à la mise en œuvre d’un nouveau protocole de preuve de réserves développé par le co-fondateur de l’Ethereum, Vitalik Buterin ». Une façon pour le géant des crypto-actifs de rassurer les investisseurs et de donner une image plus claire de leur situation de solvabilité. Le protocole de preuve permet de vérifier efficacement l’intégrité des données et la situation d’une plateforme d’échange.

Sur Twitter, CZ s’est engagé à mettre en œuvre une « transparence totale », exhortant toutes les autres plateformes à faire de même.


Le PDG de Binance estime avoir besoin qu’un auditeur tiers soit impliqué de manière pérenne dans l’activité de l’entreprise. Il précise que, « notre auditeur tiers est en ce moment légèrement occupé car il est également l’auditeur des réserves FTX, et comme vous le savez, il y a un peu de surveillance là-bas ». Il va y avoir un petit délai pour mettre en place une mécanique de preuve de réserves. Néanmoins, d’ici deux semaines, Binance estime être en capacité de proposer une solution transparente à ses clients. Cela permettra au leader des crypto-actifs de montrer à ses investisseurs sa capacité de remboursement.

Suite à la chute de FTX, la plupart des plateformes d’échange sont sur la même ligne que Binance. Elles sont nombreuses à avoir communiqué en promettant de partager prochainement leurs preuves de réserves de manière totalement publique.

Que vont faire les régulateurs ?

La Securities and Exchange Commission (SEC) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), enquêtent d’ores et déjà sur les activités de FTX. Le South China Morning Post rapporte que les enquêtes visent également les dirigeants de la société et leur connaissance sur la gestion des fonds des clients. Depuis toujours, l’industrie crypto estime que les actifs numériques sont « fondamentalement différents de ceux de la finance traditionnelle ». Aujourd’hui, nous constatons que le secteur est sujet aux mêmes risques et devrait donc être soumis aux mêmes règles.

Michael Barr, haut responsable à la Fed, a déclaré le 14 novembre 2022 qu’une « surveillance plus stricte des cryptomonnaies était à l’ordre du jour ». Il veut notamment mettre en place un système de garanties pour s’assurer que les sociétés sont soumises à des règles similaires à celles des autres sociétés financières. Il a réitéré sa demande le lendemain devant la commission bancaire du Sénat aux États-Unis. Le sénateur américain Sherrod Brown, un démocrate qui préside cette commission, a fait part de son enthousiasme à l’idée de mieux réguler l’industrie crypto.

Il a déclaré que « mon attention s’est toujours portée sur la fraude, les escroqueries, la volatilité et le vol pur et simple dans l’industrie de la cryptomonnaie. Aujourd’hui, la faillite de FTX et les nombreux autres cas récents d’instabilité nous ouvrent les yeux sur la nécessité d’adopter une approche réglementaire globale qui protège les consommateurs ». FTX a été placée sous la protection de la loi sur les faillites vendredi 11 novembre, après que des traders aient retiré 6 milliards de dollars en moins de 72 heures et que Binance ait retiré sa proposition pour un sauvetage de la plateforme.

Selon Nicolas Dufrêne, haut fonctionnaire et directeur de l’institut Rousseau (un laboratoire d’idées attaché à la reconstruction écologique et démocratique de nos sociétés), « on a l’impression que le monde des cryptomonnaies est à l’étape zéro de la régulation ». Le scandale FTX est en fait le reflet de l’histoire de la finance traditionnelle. Il aura fallu attendre plusieurs crises pour qu’une réglementation digne de ce nom fasse son apparition. La nuance technologique des cryptomonnaies ne doit pas faire oublier leur nature : il s’agit d’actifs financiers comme les autres, avec les mêmes aléas et les mêmes problématiques.

Le directeur de l’institut Rousseau précise que « l’absence de fonds propres, les problèmes de solvabilité, on connaît et on sait y parer. Mais à force d’arguer de leur exception au nom de l’innovation, les acteurs de la crypto affaiblissent leur propre activité ».