L’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter a plongé l’entreprise dans une période chaotique. Alors que de nombreux annonceurs ont pris la décision de quitter la plateforme, des milliers de travailleurs, qui évoluent parfois dans des branches clé de la société, sont mis à la porte. La situation est telle que les autorités américaines pourraient s’en mêler.

Dirigeants, employés, indépendants… Des milliers de départs

Après avoir racheté Twitter pour 44 milliards de dollars, Elon Musk est arrivé au siège social de l’entreprise de manière très culottée, et a directement opéré des changements radicaux. En plus de licencier plusieurs dirigeants de la plateforme, il s’est également séparé de la moitié de son personnel, souvent dans des divisions liées à la sécurité ou à la modération sur le réseau social.

Désormais, cette vague de licenciements touche aussi les travailleurs indépendants qui sont employés par Twitter pour des durées déterminées. Selon CNBC, environ 4 400 des 5 500 travailleurs contractuels de Twitter ont été remerciés dans des conditions douteuses, puisqu’ils se sont simplement rendus compte que leur accès aux systèmes informatiques de la plateforme avait été coupé. Certains employés limogés par Musk ont connu la même mésaventure : ils ont réalisé qu’ils étaient mis à la porte car ils ne pouvaient plus accéder à leur boîte mail pro ni aux systèmes internes de l’entreprise.

En amont, de nombreux dirigeants ont décidé de quitter la firme. Parmi eux, on retrouve d’importants cadres comme Lea Kissner, responsable de la sécurité informatique ou Yoel Roth, en charge de la confiance client et figure emblématique de Twitter. En outre, l’entreprise a également perdu son responsable de la protection de la vie privée, Damien Kieran, et sa responsable de la conformité, Marianne Fogarty.

Les annonceurs coupent leurs dépenses

Ces très nombreux départs font naître d’importantes inquiétudes chez les annonceurs, qui sont de plus en plus nombreux à mettre en pause leurs campagnes publicitaires sur le réseau social et préfèrent investir chez des rivaux comme TikTok ou Instagram. C’est par exemple le cas de Chipotle, General Mills, General Motors, Volkswagen, Mondelez, ou encore United Airlines.

Pire encore pour Twitter, l’une des plus grandes agences de publicité au monde, Omnicom, qui représente des géants comme Apple, PepsiCo ou McDonald’s, recommande désormais à ses clients de réduire leurs dépenses sur la plateforme. GroupM, la plus grande agence d’achat d’espaces publicitaires au monde, a en outre affirmé à ses clients que Twitter représentait un investissement à « haut risque ». En cause, les nombreux licenciements et départs, ainsi que la multitude de comptes vérifiés qui usurpent l’identité de marques. Ce dernier élément résulte du changement dans l’offre par abonnement Twitter Blue, qui propose désormais la pastille bleue, normalement prévue pour authentifier un compte, à tous ceux qui s’abonnent à la plateforme pour 8 dollars par mois. À terme, Musk veut que ce système compte pour la moitié des revenus du réseau social.

Le nouveau Twitter Blue a d’ores et déjà créé la zizanie sur Twitter, lorsqu’un compte certifié se faisant passer pour la société pharmaceutique Eli Lilly a publié un tweet indiquant son « insuline est désormais gratuite ». Le message est devenu viral et est resté sur Twitter pendant au moins deux heures avant d’être retiré. L’entreprise a vu son cours en bourse malmené.

Ces désagréments tombent très mal : nous pénétrons dans une période de l’année charnière pour Twitter, durant laquelle elle négocie des contrats à long terme avec ses plus gros annonceurs. Ils génèrent plus de 30 % des revenus publicitaires de l’entreprise aux États-Unis, rapporte le Wall Street Journal. En 2021, la publicité a fourni 89 % des 5,08 milliards de dollars de revenus de Twitter.

De son côté, Elon Musk tente de rassurer les marques et certifie que le nombre d’utilisateurs actifs de la plateforme est au plus haut de son histoire, mais pour l’heure, ses efforts semblent vains. D’ailleurs, SpaceX, autre entreprise dirigée par le milliardaire, vient de faire l’acquisition de l’une des plus grandes offres publicitaires disponibles sur Twitter pour 250 000 dollars. L’objectif de la campagne : faire la promotion de Starlink en Espagne et en Australie. Cette commande est assez inhabituelle pour l’entreprise, alors que Twitter doit faire face à l’exode de ses plus importants annonceurs.

Elon Musk veut transformer Twitter en système de paiement

La situation actuelle ne semble pas rassurer Elon Musk qui, dans son premier courriel envoyé aux employés, a évoqué une possible faillite ainsi qu’une situation économique « terrible ». Pour ces raisons, l’homme d’affaires ne veut plus que Twitter soit aussi dépendant de la publicité. En plus du système d’abonnement, il imagine un futur dans lequel la plateforme serait une super-application à l’instar de WeChat en Chine.

La semaine dernière, Musk s’est entretenu avec ses employés et a détaillé sa vision de Twitter, qu’il veut également transformer en moyen de paiement avec des cartes de débit et des comptes bancaires reliés au service. « Je pense qu’il y a cette opportunité de transformation dans les paiements. Et les paiements ne sont en fait que l’échange d’informations. Du point de vue de l’information, il n’y a pas une grande différence entre, disons, l’envoi d’un message direct et l’envoi d’un paiement […]. C’est donc une direction que nous allons prendre, en permettant aux utilisateurs de Twitter d’envoyer de l’argent partout dans le monde, instantanément et en temps réel. Nous voulons simplement rendre cela aussi utile que possible », a-t-il déclaré.

Ces propos ne sont pas surprenants ; à plusieurs reprises, Musk a avoué son admiration pour les super-applications chinoises, et a également évoqué son envie de développer une application « capable de tout faire » baptisée X. Supposément, Twitter serait intégré à celle-ci. De très nombreux obstacles réglementaires doivent d’abord être franchis par la plateforme avant de parvenir à un tel résultat, et elle doit également sortir la tête de l’eau alors que le contexte actuel ne lui est pas vraiment favorable.

La FTC rôde

Musk pourrait par ailleurs être confronté à un autre problème dans les prochains mois. Dans un communiqué, un représentant de la Federal Trade Commission (FTC) a expliqué que l’agence gardait un œil sur les agissements du dirigeant et de Twitter : « Nous suivons les récents développements chez Twitter avec une profonde inquiétude. Aucun PDG ou entreprise n’est au-dessus de la loi, et les entreprises doivent suivre nos décrets de consentement. Notre ordonnance de consentement révisée nous donne de nouveaux outils pour assurer la conformité, et nous sommes prêts à les utiliser ».

La FTC fait ici référence à un arrangement établi avec Twitter en 2011 après que la société ait été accusée d’avoir trompé les utilisateurs sur la manière dont leurs numéros de téléphone étaient utilisés pour vendre des publicités. Suite à cela, l’entreprise s’est engagée à mettre en place des mesures de protection de la vie privée et à rendre compte d’un programme de sécurité des informations en soumettant toutes ses nouvelles fonctionnalités aux autorités avant leur déploiement.

Le départ de nombreux dirigeants inquiète les autorités, qui estiment que Twitter risque de ne plus respecter cet accord. Selon une enquête du média CNBC, des employés en interne craignent que la FTC ne décide d’infliger d’importantes amendes à Twitter pouvant s’élever à plusieurs milliards de dollars.

Pour l’heure, le temps est loin d’être au beau fixe chez Twitter. Il est encore difficile de savoir si Elon Musk parviendra à maintenir le réseau social à flot et à le métamorphoser comme il l’entend. Si son expérience dans l’entreprenariat joue en sa faveur, la situation reste très complexe et son évolution quasi impossible à prédire.