La traditionnelle World Internet Conference (WIC) chinoise se déroule du 9 au 11 novembre. Depuis 2014, cet évènement est organisé chaque année par le gouvernement. Les entreprises technologiques du monde entier peuvent y participer, sur place à Wuzhen, non loin de Shanghaï, ou à distance. Dans cette huitième édition, Xi Jinping a appelé la communauté internationale à coopérer « pour faire face aux défis qu’apporte la numérisation ».

Vers un cyberespace partagé ?

Dans une lettre de félicitation pour l’organisation de la WIC, Xi Jinping a insisté sur la coopération de la communauté internationale, « Ensemble, nous pouvons construire un cyberespace plus équitable, ouvert, sûr et énergique ». Avec la présence à distance de Arvind Krishna, PDG d’IBM, Pat Gelsinger, PDG d’Intel, et Chuck Robbins, PDG de Cisco Systems, cette déclaration a donné un son de cloche différent de celui des États-Unis. En effet, ces sociétés sont partagées entre la poursuite de leur collaboration avec la Chine, et investir dans de nouvelles usines au pays de l’Oncle Sam.

Cette conférence était aussi la grande première pour Li Shulei, le nouveau chef de la propagande du Parti, installé par le président lui-même. Il est chargé de faire respecter l’idéologie de Pékin dans les affaires du cyberespace. Dans un discours, le dirigeant a évoqué un livre blanc sorti par l’Administration du cyberespace de Chine (CAC), gendarme de l’internet du pays, qui vante la « construction d’une communauté avec un avenir partagé dans le cyberespace ». Ce concept a été mis en avant pour la première fois par Xi Jinping en 2015, lors de la deuxième édition de la WIC.

Une WIC pour renforcer le développement de l’économie du numérique en Chine

La WIC était, auparavant, l’occasion pour les PDG des grandes entreprises technologiques chinoises de faire le point, souvent avec leurs homologues occidentaux, sur le développement des nouveautés et les tendances de leur secteur. Mais depuis quelques éditions, la géopolitique a réduit l’événement à un simple forum où le gouvernement chinois définit ses politiques en matière de gouvernance et de développement d’internet.

En effet, d’un côté, depuis 2020, l’Empire du Milieu a souhaité agrandir son contrôle sur les grandes entreprises tech, qui avaient bénéficié de l’absence de réglementation pour se développer. Désormais, une nouvelle législation empêche, par exemple, les plateformes de forcer les vendeurs à conclure des accords d’exclusivité, de proposer des prix différents en fonction des données des utilisateurs ou encore d’utiliser des algorithmes opaques pour « « manipuler le marché » en leur faveur. De nombreuses autres lois sont apparues au fil des mois, dans le but de mettre en place un encadrement du numérique plus strict, au nom d’une concurrence plus juste, et l’émergence de nouveaux géants.

D’un autre côté, les États-Unis veulent bloquer la croissance technologique de la Chine, interdisant les exportations de puces pour des domaines clés comme l’intelligence artificielle. Suite à cela, les faiblesses des GAFA chinoises, les BATX, se sont accrues avec le contexte économique mondial et la politique chinoise du zéro covid. Celle-ci a paralysé la production des plus grandes industries du pays.

Selon le South China Morning Post, dans le rapport du vingtième congrès du PCC, il est indiqué que le pays va « adhérer à l’orientation du développement de l’économie dans l’économie réelle » et « renforcer le développement de l’économie numérique. »

Daniel Zhang, PDG d’Alibaba, a profité de la WIC pour manifester son soutien au gouvernement, « le développement de l’économie numérique et de l’économie réelle deviendra certainement une force motrice puissante pour la croissance économique nationale et le progrès social » a-t-il affirmé. Xu Lei, PDG de JD, s’est aussi montré confiant pour son entreprise, « Nous avons l’entreprise de l’économie réelle dans notre ADN et nos capacités technologiques numériques. (…) Nous jouons un rôle important dans le nouveau modèle de développement. » Ces déclarations démontrent également une crainte pour ces grandes sociétés de voir émerger de nouveaux textes, ou de subir le même traitement réservé à Ant Group depuis plusieurs mois.

La mise au pas des géants technologiques renforce les déclarations de la Chine en octobre dernier. Elle avait annoncé qu’elle souhaitait que la WIC devienne une véritable organisation internationale pour promouvoir un cyberespace souverain avec ses pays alliés : l’Algérie, la Corée du Sud, la Russie, le Soudan ou la Somalie. Cette édition semble être les prémices d’un avenir du web et des technologies divisé en deux blocs.