Depuis plusieurs années, Microsoft s’efforce de construire un écosystème d’intelligence artificielle puissant en Chine. Cette course à l’IA renforce la crainte de voir les États-Unis perdre leur domination sur la scène mondiale, et met Microsoft dans une position délicate.

Quelle position doit adopter Microsoft dans la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis ?

Durant les deux dernières décennies, Microsoft a joué un rôle déterminant pour aider la Chine à devenir la puissance de l’intelligence artificielle qu’elle est aujourd’hui. Aujourd’hui, l’idée même qu’une entreprise américaine s’associe à des projets technologiques en Chine attire l’attention des législateurs américains. Selon une enquête menée par Protocol, Microsoft pourrait être contraint de prendre des décisions difficiles concernant l’écosystème d’IA qu’il a encouragé à développer dans ce pays.

L’implantation du premier laboratoire d’intelligence artificielle de Microsoft remonte à 1998. C’était à Pékin, et à l’époque, l’entreprise ouvrait clairement la voie à de nouvelles collaborations commerciales entre les États-Unis et la Chine. Une époque où le président Bill Clinton faisait pression pour resserrer les liens commerciaux avec le pays, et où l’IA était surtout une chimère de science-fiction. Aujourd’hui, Microsoft Research Asia, (ou MSRA), est connu comme l’un des centres de recherche sur l’IA les plus influents au monde.

6 000 ingénieurs chinois travaillent pour MRSA

Microsoft Research Asia a par exemple fait progresser la reconnaissance vocale, le traitement du langage naturel et des images, ainsi que d’autres travaux essentiels. Certains collaborateurs de MSRA ont ensuite participé à la création et à la croissance d’autres entreprises technologiques chinoises. C’est le cas pour Alibaba, Baidu et Tencent.

Le CTO de Baidu, Jingdong Wang, a rejoint l’entreprise après 14 ans passés chez Microsoft en Chine. Wei-Ying Ma, aujourd’hui professeur à l’université de Tsinghua, est devenu vice-président du laboratoire d’IA de ByteDance après avoir été directeur général adjoint du MSRA, où il supervisait des groupes de recherche axés sur l’apprentissage automatique et l’informatique en langage naturel.

La plus grande star de MSRA est peut-être Kai-Fu Lee. Il a dirigé Google en Chine en 2005. Aujourd’hui, il est l’un des investisseurs principaux dans les entreprises d’IA en Chine et un évangéliste des progrès de l’IA dans le pays. Selon Paul Triolo, VP en charge de la Chine chez Albright Stonebridge Group, « on peut affirmer que Microsoft Research Asia a été le capital d’amorçage à partir duquel de nombreuses entreprises et chercheurs chinois en IA et le secteur se sont réellement développés ».

En 2022, 6 000 scientifiques et ingénieurs travaillent pour Microsoft à Pékin, Shanghai, Shenzhen et Suzhou, ainsi qu’à Taïwan et au Japon. Aujourd’hui, la position de Microsoft en Chine n’est plus perçue d’un très bon œil par le gouvernement américain. Cependant, les liens avec le gouvernement local et les universités chinoises sont forts et ne peuvent pas être dénoués aussi facilement.

Qu’en disent les États-Unis ?

Les autorités américaines chargées de la sécurité nationale et du renseignement citent souvent le risque de vol de la propriété intellectuelle parmi les principales préoccupations à l’origine de l’attention portée par les États-Unis à l’IA chinoise. Le géant américain semble néanmoins suivre les directives de son pays.

En effet, lorsque le chinois DJI a été placé sur liste noire, Microsoft a mis fin à son partenariat avec l’entreprise Il a également été dit que Microsoft avait cessé de recruter dans certaines universités chinoises.

Compte tenu de l’influence et de la position du géant américain en Chine, il est possible que le gouvernement américain fasse pression sur Microsoft pour qu’il mette un terme à certains partenariats ou que l’entreprise ne poursuivre pas certains types de recherche en IA.

Microsoft pourrait devoir déplacer des chercheurs en IA de Chine vers Redmond, afin de former une sorte « d’équipe extérieure ». Cela entraînerait forcément des conséquences négatives sur l’influence de Microsoft en Chine.