Meta, la maison mère de Facebook, se tient prête à bloquer le partage de contenus journalistiques sur sa plateforme au Canada. Dans un billet de blog publié le 21 octobre, elle met en garde le gouvernement canadien qui examine actuellement une loi sur les nouvelles en ligne qui forcerait les géants du numérique à rémunérer les médias nationaux pour la diffusion de leurs contenus. Par le passé, Meta avait tenu des propos similaires en Australie.

Le Canada subit le chantage de Meta

Alors que le Comité permanent du patrimoine canadien, chargé d’étudier les politiques du ministère du Patrimoine canadien, examine le texte de loi, Facebook déclare ne pas avoir été invité à témoigner. Le Wall Street Journal rapporte les propos tenus par Marc Dinsdale, responsable des partenariats médiatiques pour la branche canadienne de Meta, « face à une législation défavorable fondée sur de fausses hypothèses qui défient la logique du fonctionnement de Facebook, nous estimons qu’il est important de faire preuve de transparence quant à la possibilité que nous soyons contraints de supprimer le partage de contenu d’actualité au Canada ».

Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien, a indiqué que des discussions entre des membres du gouvernement et Facebook ont eu lieu pas plus tard que la semaine dernière. Il ajoute que « tout ce que nous demandons aux géants de la technologie comme Facebook, c’est de négocier des accords équitables avec les médias lorsqu’ils profitent de leur travail ». Le gouvernement canadien estime que cette législation pourrait générer 240 millions de dollars par an pour les médias.

De son côté, Meta considère que la diffusion de contenus journalistiques sur sa plateforme permet aux organismes de presse d’enregistrer « 1,9 milliard de clics par an, un marketing gratuit pour leur contenu sous la forme de publications de liens dont la valeur est estimée à plus de 170 millions de dollars ». Pour autant, le réseau social de Mark Zuckerberg précise dans son communiqué que les publications des médias « représentent moins de 3 % de ce que les gens voient dans leur fil d’actualité Facebook, et que les Canadiens disent vouloir voir moins d’actualité et de contenus politiques ».

L’Australie, première victime de la stratégie de Facebook

Ce n’est pas la première fois que Meta fait face à cette situation. À la fin du mois d’août 2021, l’entreprise basée à Menlo Park signalait qu’elle mettrait fin au partage de news sur Facebook en Australie si Canberra ne faisait pas machine arrière. Pour rappel, le gouvernement australien souhaitait mettre en place une loi obligeant Google et Meta à payer pour le contenu journalistique apparaissant sur leurs pages.

Si Google a montré patte blanche, ce n’est pas le cas de Meta qui a décidé de bloquer l’accès à l’ensemble des journaux australiens et internationaux, mais aussi des pages du gouvernement australien, d’hôpitaux et de services d’urgences depuis sa plateforme en Australie. Quelques jours plus tard, le gouvernement australien annonce l’amendement de ce projet de loi afin que Facebook restaure les actualités sur le territoire australien.

Début mai, des lanceurs d’alertes ont déclaré au Wall Street Journal que cette stratégie a été pensée par Facebook pour faire en sorte que la loi ne puisse pas être votée. Ils ont présenté, comme preuve, un mail de Campbell Brown, directrice des partenariats de Facebook félicitant ses équipes, « nous sommes parvenus exactement à l’endroit que nous souhaitions ». Pour Pablo Rodriguez, Facebook reproduit exactement le même schéma au Canada. Il affirme que « [Meta] continue de s’inspirer de la méthode utilisée en Australie » pour arriver à ses fins.

De tels débats ont aussi eu lieu en France. Une loi pour l’application de droit voisin, permettant aux organismes de presse d’être rémunérés pour la diffusion de leur contenu, à l’image du Canada, a été présentée en avril 2019 et introduite en droit français en octobre. Les négociations entre Facebook et l’Alliance de la presse d’information générale, représentant 284 éditeurs, ont pris fin le 21 octobre 2021, après deux ans de pourparlers.