Il a suffi qu’un seul centre de données, situé dans la banlieue de Séoul, en Corée du Sud, brûle pour que le président du pays doive intervenir, le PDG d’un géant d’Internet démissionne, tandis que le cours de Bourse de ce même géant, Kakao, chute. L’incendie s’est produit samedi dernier et ses braises sont encore fumantes.

Un incident à l’ampleur national

Namkoong Whon, co-PDG de la super application coréenne Kakao, s’est livré à un exercice de contrition rare ce 19 octobre, rapporte CNBC. Au cours d’une conférence de presse, après avoir présenté ses excuses pour une panne majeure du service, il a déclaré « Je me sens lourdement responsable de cet incident et je vais démissionner de mon poste de PDG et diriger le groupe de travail d’urgence chargé de superviser les suites de l’incident ».

Une décision spectaculaire, due à la gravité de « l’incident ». Dans le détail, un incendie a ravagé un centre de donnée hébergeant les services de Kakao et d’autres grandes entreprises locales. La perturbation a été annoncée le samedi après-midi et s’est prolongée. Certains services fonctionnent toujours mal à l’heure où ces lignes sont écrites. L’entreprise a expliqué « Il s’agit d’un cas rare où un seul centre de données est complètement touché, ce qui fait que la mise en œuvre de ces mesures [de sauvegarde] prend beaucoup plus de temps que prévu ».

Cet événement a pris une telle ampleur parce que Kakao est devenu tout à fait central dans le quotidien de tous les Sud-Coréens depuis sa naissance, en 2010. La super application compte 47,5 millions d’utilisateurs en Corée du Sud, l’équivalent de 90 % de la population. À l’image de WhatsApp en Chine, Kakao c’est d’abord une messagerie instantanée, mais aussi un système de paiement en ligne, un moyen de prendre un taxi ou les transports en commun, de valider son identité sur certains sites, de jouer à des jeux…

La Corée du Sud Kakao dépendante

L’importance de la panne a fait réagir jusqu’au sommet de l’État. Le président sud-coréen, Yoon Seok-youl a affirmé que l’impact de la panne n’a pas été « différent de celui du réseau de communication national ».

Pour la Corée du Sud, perpétuellement sous la menace de son belliqueux frère ennemi du Nord, que le pays entier soit déstabilisé par la destruction d’un seul centre de données est particulièrement perturbant. Le président a annoncé que « Le Conseil de sécurité nationale a décidé de mettre sur pied un groupe de travail sur la cybersécurité à la lumière de la dernière situation de perturbation de Kakao ».

La faille de Kakao a également, paradoxalement, mis en exergue la puissance de cette entreprise privée. C’est un autre volet sur lequel Yoon Seok-youl a tenu à s’exprimer, « S’il existe une situation de monopole ou d’oligopole qui manipule le marché, nous devons prendre des mesures systémiques à l’échelle nationale dans l’intérêt de la population ».

De côté, l’entreprise, par la voix de son second et désormais seul PDG, Hong Eun-taek, a promis, selon TechCrunch, un investissement majeur pour améliorer sa résilience. 460 milliards de wons coréens, environ 328 millions d’euros, vont servir à lancer la construction d’un centre de donnée propre à la société dès 2023, pour une entrée en service en 2024.