Le 7 octobre 2022, l'administration Biden a publié des directives pour limiter l’exportation des semi-conducteurs vers la Chine. Les restrictions américaines visent à entraver les progrès de l’Empire du Milieu dans le domaine des superordinateurs et des centres de données. Quelques jours après la mise en application des directives, les premières conséquences se font déjà ressentir.

Une rivalité technologique digne de la guerre froide

Il y a quelques jours, les États-Unis ont frappé un grand coup contre la Chine, dans un contexte de rivalité technologique. Alan Estevez, sous-secrétaire au Commerce, a expliqué « Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger notre sécurité nationale et empêcher que des technologies sensibles ayant des applications militaires soient acquises par les services militaires, de renseignement et de sécurité de la République populaire de Chine ». Dans les faits, 28 entreprises chinoises ont été ajoutées à « l’Entity List ».

Les entreprises présentes sur cette liste, comme Huawei ou SMIC ne peuvent acquérir des produits américains qu’en obtenant une autorisation auprès d’une agence du ministère du Commerce, le Bureau américain de l'industrie et de la sécurité (BIS). Les restrictions américaines sur l'exportation des puces électroniques vers la Chine doivent mettre en difficulté l'industrie technologique chinoise, dans le secteur de l'Intelligence artificielle et d'autres.

En plus de bloquer les exportations des semi-conducteurs, les directives américaines bloquent aussi les ventes d'équipements de fabrication des puces et de logiciels de conception. Pour Chris Miller, professeur à la Tufts University, « ce nouveau blocus à l'exportation est sans précédent depuis la guerre froide ». Les premières conséquences se font déjà ressentir.

La China Semiconductor Industry Association est vent debout

Selon le South China Morning Post, l'association chinoise de l'industrie des semi-conducteurs, la China Semiconductor Industry Association (CSIA), demande aux États-Unis d'annuler les restrictions commerciales au nom des « millions d'emplois que cela risque de détruire ». Selon la CSIA, non seulement cette mesure va nuire à la chaîne d'approvisionnement mondial de l'industrie des semi-conducteurs, mais elle va aussi créer une atmosphère d'incertitude et de défiance.

La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a qualifié la démarche américaine « d'abus de mesures commerciales visant à maintenir l'hégémonie technologique du pays ». Les entreprises chinoises spécialisées dans les semi-conducteurs n'ont pas encore fait de commentaires sur les nouvelles restrictions américaines.

Quelles conséquences sur l'économie américaine ?

Plusieurs fabricants américains de puces ou de machines destinées à la fabrication des semi-conducteurs vont être affectés. C'est par exemple le cas d'Applied Materials qui a déclaré que les restrictions américaines l'obligeaient à anticiper une perte de chiffre d'affaires de 250 à 550 millions de dollars au cours du prochain trimestre. L'entreprise précise qu'un impact similaire est à prévoir pour les trimestres suivants. Applied Materials est la première entreprise américaine de semi-conducteurs à chiffrer l'impact des nouvelles restrictions.

La Chine représentait 29 % des ventes d'Applied Materials en 2021. En conséquence, l'entreprise a également révisé ses perspectives de revenus pour le quatrième trimestre à 6,15 milliards de dollars au lieu de 6,65 milliards. La société américaine a également déclaré avoir reçu une assignation du bureau du procureur pour le district du Massachusetts, demandant des informations relatives à ses clients en Chine.

Ce n'est pas tout, puisque des fournisseurs américains ont carrément interrompu leur activité sur le sol chinois, afin d'évaluer l'impact des restrictions imposées par le ministère du Commerce. Certains ont même rapatrié leurs équipes présentes en Chine. Au cours des derniers jours, des fournisseurs américains ont par exemple stoppé leur collaboration avec la société chinoise Yangtze Memory Technologies Co. Ils ont temporairement arrêté l'installation de nouveaux outils dans les usines de l'entreprise.

Les fabricants américains ont aussi rappelé des dizaines d'employés stationnés dans l'usine de Yangtze Memory Technologies Co. Ces derniers jouent un rôle crucial dans le fonctionnement de l'usine et le développement de ses capacités de fabrication. Ils apportent leur expertise sur les outils de production de puces techniques. Si la rupture est prolongée, les entreprises chinoises concernées risquent d'être privées des mises à niveau, des compétences en matière de maintenance et des technologies dont ils ont besoin pour développer des puces.

Une mesure extraterritoriale comme pour Huawei

Parmi les restrictions américaines, on retrouve un texte inspiré des mesures prises par Donald Trump contre Huawei : une directive extraterritoriale. Concrètement, les sociétés étrangères qui vendent des semi-conducteurs, ou des produits en lien avec cette économie, seront passibles d’être ajoutées à « l’Entity List ». Selon le Korea Times, les entreprises coréennes concernées ont obtenu une dérogation d'un an de la part du gouvernement américain, afin de pouvoir continuer à envoyer des équipements à leurs clients en Chine.

C'est par exemple le cas de SK hynix, Samsung ou encore la Taïwan Semi Conductor Manufacturing (TSMC). Le média précise que « l'oncle Sam distribue des exemptions comme des bonbons d'Halloween à ses alliés ». SK hynix a déclaré avoir reçu une lettre officielle du Bureau de l'industrie et de la sécurité (BIS) lui confirmant qu'elle « était toujours autorisée à travailler avec la Chine pour une durée d'un an ». Cette mesure devrait tout de même perturber les plans de production de Samsung et SK hynix.

Les deux entreprises réalisent d'énormes bénéfices en vendant leurs puces en Chine. Samsung exploite une usine chinoise à Xi'an, tandis que SK hynix produit des puces à Wuxi. Un porte-parole de Samsung Electronics a confirmé avoir reçu la même dérogation d'un an que ses concurrents. Actuellement, Samsung et SK livrent divers types d'équipements pour moderniser leurs usines de puces en Chine. Les deux entreprises vont entamer des discussions avec le gouvernement américain sur la question de la poursuite de leurs activités en Chine, en coopération avec le gouvernement coréen.