Par la voix de son premier ministre, Narendra Modi, l’Inde a dévoilé un projet titanesque de plateforme numérique gouvernementale. Baptisé Gati Shakti – la force de la vitesse – elle regroupera les services de 16 ministères, pour un coût estimé à 1,2 billion d’euros. Une fois lancée, elle permettra, entre autres, de faciliter les démarches d’installation de partenaires internationaux.

L’Inde veut être une alternative de premier choix à la Chine

Depuis plusieurs mois, le pays voit arriver sur la table de nombreux projets d’implantation d’entreprises étrangères, notamment pour y concevoir ou assembler des produits électroniques. Il faut dire que l’Inde a des arguments. En plus de proposer une main-d’œuvre bon marché, on y parle un anglais très correct. En comparaison à la Chine, elle offre surtout une ouverture sur le monde et une politique de gestion du covid moins décriées. Ainsi, émerge une tendance, consistant à maintenir sa présence dans l’Empire du Milieu, mais de compléter ses installations par un site en Inde, ou un autre pays d’Asie, moins strict.

Si Apple confectionnait déjà quelques produits en Inde, la décision a été prise en milieu d’année d’accroître le rythme de production. D’ici 2025, 25 % de ses iPhone devrait y être construit. Plus récemment, Google a lancé un appel d’offres auprès de fabricants indiens avec l’intention de produire jusqu’à 1 million de ses smartphones Pixel, soit 20 % de sa production annuelle.

Le géant Taïwanais Foxconn, trop empêché par les restrictions chinoises a lui aussi décidé de déporter une partie de ses efforts en Inde. En plus de ses propres sites d’assemblage, une alliance avec Vedanta a vu le jour afin de créer une usine de production de semi-conducteurs.

Face à ce gain d’intérêt croissant des grands noms de la tech, le gouvernement rêve de voir arriver des billions de roupies d’investissements étrangers et de compter comme un maillon des chaînes d’approvisionnement. Mais pour cela, elle doit rapidement améliorer ses infrastructures, notamment administratives, afin de faciliter la localisation de sites de production. Gati Shakti sert ce dessein, bien qu’elle soit encore loin d’être finalisée. À terme, la plateforme numérique doit rassembler 16 ministères dans un seul et même endroit, avec de nombreuses automatisations.

Batiment Foxconn

Foxconn possède déjà un site de production en Inde, à Chennai. Photographie : Alexey Boldin / Unsplash.

La force de la vitesse

Ce portail offrira aux investisseurs et aux entreprises un point de contact unique pour déposer et concevoir leurs projets. Un porte-parole du Ministère du Commerce et de l’Industrie explique que cette plateforme numérique permettra aux administrations d’approuver des dossiers en toute simplicité, tout en présentant des estimations de coût d’implantation claires. « La mission consiste à mettre en œuvre des projets sans dépassement de délai ni de coût. L’objectif est que les entreprises mondiales choisissent l’Inde comme centre de fabrication, » poursuit-il.

Rien qu’au mois de mai, l’Inde a vu arriver plus de 1 500 projets, dont 720 ont été retardés, et 423 ont dépassé le budget prévu. En parallèle, le porte-parole évoque les lacunes actuelles de Gati Shakti. 1 300 projets y sont enregistrés, et 40 % d’entre eux sont déjà retardés, entraînant une hausse de coûts pour les deux parties.

Au-delà de sa finalité, Gati Shakti permettra de mieux identifier de nouveaux pôles de production à travers le pays et de s’assurer qu’ils sont bien raccordés aux infrastructures logistiques : ports, aéroports, chemins de fer. Un point stratégique pour l’implantation d’une usine.

Le South China Morning Post évoque un exemple présenté lors d’une conférence, dans lequel la plateforme est utilisée pour vérifier qu’une route récemment construite ne subira pas de lourds travaux pour faire passer des câbles internet ou tout autre raccordement. Un point qui pourrait sembler anodin, mais qui s’avère décisif pour implanter un site de production.

Pour le développement de la plateforme, « Nous mettons davantage l’accent sur l’entreposage moderne, la numérisation des processus, la qualification de la main-d’œuvre et la réduction des coûts logistiques » continue le porte-parole. Bien que le projet soit déjà bien engagé, la numérisation et la modernisation d’autant d’administrations ne se feront pas du jour au lendemain, surtout vu son coût, à plus d’un billion d’euros.