Le succès d’un podcast se mesure par son nombre d’auditeurs et de téléchargements qu’il engendre. Alors que la lutte est rude pour se faire une place dans ce secteur hautement concurrentiel, certains ont recours à des stratégies moins honnêtes pour développer leur audience. C’est ce que rapporte une étude de DeepSee, une société américaine de détection des fraudes publiée en août.

La publicité comme moyen artificiel d’accroître l’auditoire des podcasts

Pour améliorer leur position dans les classements des plateformes de diffusion, plusieurs entreprises de l’industrie n’hésitent pas à intégrer leurs émissions dans des publicités de jeux mobiles. Ainsi, les joueurs peuvent être amenés à devoir écouter quelques secondes de ces podcasts pour obtenir une récompense ou un avantage dans leur partie.

Ce temps d’écoute très court, qui se situe généralement entre 10 et 15 secondes, suffit à comptabiliser les joueurs comme des auditeurs à part entière. De plus, afin de s’assurer que la publicité s’affiche malgré une connexion instable, le podcast est automatiquement téléchargé en arrière-plan, augmentant de fait le nombre de téléchargements de l’émission.

Des chercheurs de DeepSee se sont penchés sur la question. Ils ont découvert que Subway Surfers, téléchargé près de 3 milliards de fois depuis sa sortie en 2012, faisait partie des jeux sur lesquels apparaissent ce genre d’annonces publicitaires.

Des pratiques lucratives pour tout le monde

Parmi les entreprises tirant profit de ces pratiques se trouve le New York Post et iHeart, autoproclamé « premier éditeur de podcasts au monde ». Leur objectif n’est pas seulement de gagner en popularité, mais aussi d’agrandir leur auditoire pour attirer les annonceurs.

D’après une source proche du sujet, iHeart aurait dépensé près de 10 millions de dollars dans les services de Jun Group, une société spécialisée dans le ciblage publicitaire. Depuis 2018, cet investissement lui aurait permis de gagner, chaque mois, près de 6 millions d’auditeurs uniques.

Interrogé par Bloomberg, Corey Weiner, président-directeur général de Jun Group, explique « qu’il y a une très bonne raison pour laquelle les plus grandes marques du monde investissent autant d’argent dans des campagnes de notoriété, parce que sans ça, elles ne peuvent pas sortir du lot ». Il ajoute que « chaque éditeur, chaque créateur de contenu, a investi dans le marketing pour se promouvoir, et ce depuis longtemps. Ceci est juste une manière différente de le faire ».

Des campagnes de notoriété qui rencontrent un franc succès. Au mois d’août dernier, iHeart trônait toujours à la première place de Podtrac, un classement mensuel de l’audience et des téléchargements des éditeurs de podcasts. Avec 35,5 millions d’auditeurs uniques, iHeart se positionne loin devant Wondery, la plateforme d’Amazon, et ses 24,5 millions d’auditeurs uniques.

Des agissements éthiques ?

La question que se pose l’industrie est de savoir si ces techniques sont recevables. Rocky Moss, cofondateur et président-directeur général de DeepSee, souligne que « personne ne s’est jamais vraiment intéressé à ce sujet, ou sur le ressenti des utilisateurs ».

Si une des solutions évoquées est d’augmenter le temps d’écoute pour qu’une personne soit comptabilisée comme un auditeur, Corey Weiner indique que cela risque de ne pas être suffisant. Il précise que « même si vous mettez la barre plus haut, [la publicité] pourra toujours la dépasser ».