La société Gartner, spécialisée dans la réalisation d’études de marché, a publié un rapport mettant en avant 25 innovations qu’elle considère comme « incontournables » pour les entreprises voulant se différencier de ses concurrents. Selon elle, ces technologies devraient avoir un impact considérable sur la vie de tous les jours et sur les sociétés au cours de la décennie à venir. Retour sur ces technologies dites émergentes qui feront le numérique de demain.

Le Hype Cycle : mesurer l’intérêt d’une technologie émergente sur le court et le moyen terme

Plusieurs technologies émergentes sont pour l’heure, assez connues du grand public ou du moins d’une partie : les NFT, le métavers, le cloud, les systèmes autonomes… sont des innovations qui ont fait parler d’elles ces dernières années. D’autres sont moins connues car bien souvent, elles sont plus spécifiquement dédiées aux entreprises et aux institutions à l’heure actuelle. C’est le cas des architectures dédiées à la cybersécurité, des outils de codage simplifié, ou bien les jumeaux numériques.

Afin de mettre en évidence l’intérêt du grand public, des entreprises et institutions quant à l’émergence d’une technologie, et de mesurer son évolution au fil du temps, les spécialistes utilisent le cycle du hype ou Hype Cycle. Ce graphique, dont le schéma est propre à Gartner, donne un aperçu de la maturité et du taux d’adoption d’une technologie, d’une application ou d’une brique logicielle au fil du temps.

Ce graphique s’articule en cinq phases clés qui correspondent à un intérêt grandissant, à une stabilisation des usages ou bien à un désintérêt plus ou moins important. Toute technologie implantée et dont la viabilité et l’intérêt a été démontrée, a rigoureusement suivi cette tendance.

Le graphique du Hype Cycle.

Le graphique de la Hype Cycle se présente sous cette forme. Toutes les technologies émergentes ayant porté leur fruit sont passées par ces cinq phases. L’exemple le plus iconique est sans doute celui d’Internet. Graphique : Gartner.

Tout d’abord, la technologie est lancée, c’est la première phase : le lancement de l’innovation. Les preuves de concepts permettent de mettre en avant le produit, ce qui attire l’attention des médias. Ces derniers ne vont pas hésiter à évoquer cette technologie, lui donnant une importante publicité. Toutefois, à ce stade, aucun produit concret n’est utilisable et la viabilité commerciale n’est pas prouvée.

Deuxième phase : le sommet des attentes surdimensionnées. Fort de cette publicité précoce, la technologie est au centre de nombreuses anecdotes, positives ou négatives. C’est à ce moment-là que certaines entreprises s’approprient l’innovation en tentant de faire un pari sur l’avenir. L’intérêt pour la technologie est à son maximum lors de cette phase.

Mais lorsqu’il y a un pic, la chute est rude : c’est la troisième phase, le creux des désillusions. L’intérêt diminue au fur et à mesure que les expérimentations et les mises en application échouent. Cela s’explique par le fait que la technologie n’est pas forcément au point ou présente des facettes qui ne convainquent pas le grand public. Ainsi, les investissements autour de cette technologie ne se maintiennent que si les fournisseurs réussissent à maintenir une cadence de production raisonnable.

Arrive alors la quatrième phase, la pente de consolidation. Progressivement, la technologie est utilisée pour réaliser de nombreuses choses, et elle commence à être de plus en plus comprise par les entreprises et par le grand public. Des projets pilotes sont financés par les entreprises les plus ambitieuses et dont les finances le permettent, tandis que les plus conservatrices attendront la cinquième et dernière phase : le plateau de productivité. À ce moment-là, le public a adopté la technologie, il est plus facile d’évaluer sa pertinence dans la réalisation d’un projet et présente un grand nombre d’applications possibles.

Après avoir analysé chaque innovation, il est possible de le placer sur le graphique de l’Hype Circle :

Graphique du Hype Cycle pour l'année 2022 plaçant les technologies emergentes le long de la courbe.

Ce graphique Hype Cycle pour l’année 2022 met en avant les 25 technologies émergentes présentées par Gartner dans son étude. Toutes se situent dans l’une des deux premières phases. Les deux plus avancées sont les NFT et les environnements data dans le cloud qui devraient atteindre le plateau de productivité au plus tard d’ici 5 ans. L’architecture en maillage pour la cybersécurité est une technologie qui vient à peine d’être lancée et pour laquelle la mise en place définitive devrait prendre plus de 10 ans. Graphique : Gartner.

Travailler autour de la data : l’enjeu majeur des entreprises de demain

Tout d’abord, il est intéressant de mettre le doigt sur les éléments clés qui pourraient permettre à une firme de devenir une entreprise numérisée. Certaines de ces technologies émergentes ont pour objectif d’optimiser l’utilisation de la data, l’or noir du XXIème siècle, pour que les entreprises puissent les exploiter afin de pérenniser leur business. Parmi ces innovations, les écosystèmes de données stockées dans le cloud et plus généralement le cloud computing.

Ce marché est en pleine expansion : en France, le gouvernement soutient cette filière au travers d’une stratégie visant à trouver un juste équilibre entre compétitivité des services proposés et souveraineté numérique. Le cloud permet de répondre aux enjeux de la démocratisation du télétravail grâce à une facilité de partage, de stockage et d’échanges de données à distance. Pour les particuliers, le cloud permet par exemple de jouer à des jeux vidéo en ligne sans avoir un ordinateur très performant : c’est le cloud gaming.

Plusieurs entreprises comme Google, Amazon ou Microsoft proposent leurs services cloud tout en étant très dominant sur ce marché. Pour aller plus loin et se différencier les uns des autres, elles proposent à leurs clients d’avoir accès à des data lakehouse.

Au sein d’une même entreprise, plusieurs entités peuvent exploiter les mêmes données sans se coordonner, ce qui fait qu’elles sont stockées à différents endroits, ce qui prend inutilement de la place. De plus, le travail réalisé autour de ces données peut également être stocké dans des environnements de stockage différents alors qu’il pourrait servir à tous les collaborateurs d’une entreprise.

C’est pour éviter cela que ces géants technologiques s’intéressent au développement de data lakehouse : des environnements de stockage de données dans le cloud qui permettent aux collaborateurs de trouver plus facilement les données qui les concernent en les catégorisant scrupuleusement, ce qui évite les doublons. C’est le cas de Google avec son service BigLake ou bien de Cloudera avec CDP One, ou Snowflake. D’ici deux à cinq ans, ces solutions devraient être adoptées par un grand nombre d’entreprises et même par un bon nombre de particuliers selon Gartner.

En lien avec la data, l’observabilité des données est une de ces innovations mises en avant par le rapport. Il s’agit de la capacité à analyser, à surveiller et à comprendre comment se structure un environnement de données d’une entreprise dans le but de prévenir tout incident lié à la data.

Par ailleurs, plusieurs technologies en lien avec la sécurité sont également évoquées : d’un côté, la gouvernance dynamique des risques qui permet de personnaliser ses différents verrous en fonction de chaque risque informatique auquel une société peut s’exposer. D’un autre côté, le maillage de la cybersécurité est une approche technologique émergente qui favorise une architecture qui empêchera les pirates d’exploiter les différents éléments d’un réseau. La firme de Mountain View n’a pas hésité à racheter des spécialistes du secteur comme Mandiant afin de renforcer son offre cloud en matière de cybersécurité.

L’enjeu de la cybersécurité est primordial. Les attaques DDoS sont de plus en plus impressionnantes, témoigne celle bloquée par Google et visant l’un de ses clients. Les hackers n’hésitent pas à exploiter tous les moyens possibles et imaginables pour acquérir un maximum d’informations et les revendre au plus offrant.

La plus grande menace pour les entreprises reste à l’heure actuelle les ransomwares. Ces logiciels malveillants se sont perfectionnés dans ce processus de vol et de revente de données. Ces données sont prises en otage et une rançon est réclamée par le hackeur afin qu’elles ne soient pas revendues sur le dark web ou divulguées.

En mai 2022, le Conseil et le Parlement européen se sont mis d’accord pour mettre en place une nouvelle directive obligeant les entreprises à proposer un niveau de cybersécurité élevé.

Les technologies liées à l’intelligence artificielle deviennent de plus en plus mature

L’adoption de l’IA est un moyen essentiel pour faire évoluer les produits, les services et les solutions d’une entreprise. Cela passe inévitablement par la création de modèles d’IA toujours plus sophistiqués et spécialisés pour une application.

Pour y parvenir, il sera possible d’exploiter les outils de génération de code pour la conception de modèles de machine learning. Ces solutions que l’on appelle plus généralement Low-Code/No-Code, permettent à des développeurs de décrire à l’aide du langage naturel, ce que l’on souhaite coder pour que la solution puisse nous suggérer du code en lien avec la demande de l’utilisateur. Databricks a décidé l’an dernier de miser sur cette technologie émergente en proposant sa solution de codage en Low-Code/No-Code.

D’autres entreprises ont misé sur la conception générative. Cette sous-discipline de l’intelligence artificielle est basée sur un procédé où le produit n’est pas créé directement par le concepteur, mais à l’aide d’un algorithme programmé pour. Dernièrement, un informaticien, Stephen Thaler, a fait entendre parler de lui en souhaitant qu’un de ses modèles d’IA de conception générative puisse être considéré comme un inventeur. L’outil a réussi à générer un tableau qui, selon le développeur, doit être breveté.

Les États-Unis, ainsi que plusieurs pays un peu partout dans le monde semblent être unanimes : seuls les humains peuvent breveter une invention et donc être considérés comme inventeurs. Mais le débat risque de perdurer avec l’émergence de la conception générative qui verra de plus en plus de modèles d’IA réussir à concevoir des produits qui pourront être utilisés dans d’autres créations.

Pour finir sur l’intelligence artificielle, parler des systèmes autonomes est incontournable. Un de ses étendards est la conduite autonome qui tend à se généraliser, mais qui pose certaines questions éthiques ou juridiques.

Au Royaume-Uni, le gouvernement travaille de concert avec la Chambre des Lords et la Chambre des Communes pour affiner sa législation autour de la conduite autonome. Elle a par exemple fait en sorte qu’un conducteur humain ne soit pas responsable des incidents liés à la conduite pendant que le véhicule est en mode autonome. Une décision sans précédent qui vient trancher une situation considérée comme délicate dans de nombreux pays.

Doutes autour du Metavers, le boom des NFT : les expériences immersives pour le grand public

Les technologies ont aussi pour objectif d’offrir de nouvelles façons de contenter les entreprises, les clients, mais aussi le grand public. Elles peuvent également être génératrices de revenus, c’est le cas des jetons non fongibles ou NFT. Connus pour être un élément qui a réussi à propulser la blockchain Ethereum et son actif l’Ether comme l’une des cryptomonnaies les plus en vogue, les NFT sont de plus en plus utilisés et échangés par les internautes.

Ces jetons, basés sur une blockchain, peuvent être assimilés à un titre de propriété. Ils prouvent qu’un individu possède un bien numérique. Les NFT peuvent être des images, des vidéos, des photos, ou même de vieilles publications sur les réseaux sociaux.

Plus récemment, les NFT ont pu être au centre d’un jeu vidéo pour fans de football, Sorare. Les joueurs peuvent s’échanger, acheter ou obtenir des cartes représentant des footballeurs. En se basant sur les performances des joueurs de football lors des rencontres réellement disputées sur les terrains tous les week-ends, les joueurs de Sorare voient leurs cartes être plus ou moins fortes et donc, valoir plus ou moins d’argent. Ces cartes peuvent être utilisées pour participer à des tournois et ainsi, remporter des cartes rares qui peuvent se revendre pour une certaine quantité de cryptomonnaies.

Progressivement, la société numérique va découvrir le métavers : un environnement collectif et virtuel. Le métavers proposera des expériences immersives améliorées qui reprennent par moments les codes de la vie réelle. Il peut simuler le monde réel ou tout simplement proposer un monde alternatif qui n’a rien à voir avec le monde dans lequel nous vivons. Il est le pilier principal de ce qui sera le web 3.0, un web décentralisé qui remettrait l’internaute au centre du contrôle de sa propre identité et de ses données, contrairement à ce que les internautes vivent actuellement sur Internet.

Pour réussir à modéliser le métavers, le concept de jumeau numérique sera très important. Il s’agit de représentations interactives et numériques d’un objet ou bien d’un être humain. Piloté par l’IA, cet objet ou cet humain numérique possèdent certaines des caractéristiques (personnalité, connaissance, forme, état d’esprit, fonctionnalités, etc.) de son équivalent réel.

Enfin, Gartner met le doigt sur l’identité numérique. Cette technologie émergente permettrait à une personne de contrôler de A à Z sa propre identité numérique. Tout sera alors centralisé dans un seul et même objet connecté comme un smartphone et il sera possible, par exemple, de réaliser des paiements, de partager des documents administratifs ou de prouver son identité avec le même appareil. L’Union européenne travaille actuellement sur le portefeuille européen d’identité numérique, qui selon un sondage, est très bien accueilli par les Français.

Intelligence artificielle, outils pour une transformation numérique réussie, expériences immersives : voici les trois catégories de technologies émergentes qui feront le numérique de demain. Progressivement, les entreprises s’accaparent ces nouvelles technologies, même si à l’heure actuelle, certaines d’entre elles sont déjà bien exploitées : NFT, cloud computing, Low-Code/No-Code, jumeaux numériques, etc. Toutes devraient être adoptées par les entreprises et vont attirer l’attention du grand public d’ici une dizaine d’années… Jusqu’à ce que de nouvelles technologies voient le jour !