L’administration Biden a dévoilé sa stratégie pour distribuer les 50 milliards de dollars de financement du Chips Act, ratifié en août par le président américain. Selon le New York Times il pourrait s’agir du plus important fonds d’investissement industriel mis en place par les États-Unis depuis une cinquantaine d’années. Avec une telle mesure, Washington veut reprendre sa place de leader des semi-conducteurs et surtout sécuriser sa chaîne d’approvisionnement.
Les États-Unis veulent produire les semi-conducteurs les plus performants
La secrétaire au Commerce, Gina Raimondo, voit dans le Chips Act « une occasion unique en son genre, de garantir notre sécurité nationale et de revitaliser l’industrie manufacturière américaine ainsi que l’innovation, la recherche et le développement aux États-Unis ».
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C’est à ces préoccupations que doit répondre le texte validé par le Congrès en juillet. La pénurie de semi-conducteurs, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, les tensions entre la Chine et Taiwan, qui produit les deux tiers des puces les plus perfectionnées du monde, ont convaincu Washington de la nécessité de réindustrialiser dans ce secteur stratégique.
Les semi-conducteurs sont partout, ordinateurs, smartphones, appareils connectés, voitures… Les plus avancés sont utilisés dans les technologies quantiques, l’intelligence artificielle. Le cas de la Russie est éloquent : soumis aux sanctions internationales à la suite de l’invasion de l’Ukraine, le pays cherche à se fournir en semi-conducteurs utilisés pour ses systèmes d’armements.
Selon le département du Commerce, les États-Unis restent les leaders mondiaux de la conception de semi-conducteurs avancés, avec des entreprises comme Qualcomm, Nvidia, Apple… Cependant, depuis maintenant plusieurs années, la conception et la fabrication de puces se sont découplées, à cause des investissements nécessaires dans ces deux domaines. Les semi-conducteurs sont essentiellement construits en Asie et en particulier à Taiwan.
La répartition des fonds dévoilés par l’administration américaine vise à rééquilibrer la situation, pour éviter une trop forte dépendance américaine à l’étranger. Un premier objectif, le mieux loti en termes de financement avec 28 milliards de dollars, consiste en des subventions et prêts, pour des usines de fabrications, d’assemblage et de conditionnement des semi-conducteurs les plus évoluées.
10 milliards seront consacrés aux semi-conducteurs d’anciennes générations. Ils restent largement utilisés en télécommunication, dans l’industrie, l’automobile. Le département du Commerce explique vouloir « Construire un approvisionnement suffisant et stable de semi-conducteurs matures ».
La dernière tranche, de 11 milliards de dollars, sera dépensée pour des projets de recherche et développement « afin de garantir que la prochaine génération de technologies de semi-conducteurs soit développée et produite aux États-Unis », espère Washington. Un dernier objectif principal a été mentionné, celui de l’emploi, notamment pour les populations les plus précarisées.
Toutes les entreprises peuvent en profiter… à quelques conditions
Pour pouvoir en profiter, les entreprises candidates, étrangères ou américaines, devront remplir plusieurs critères, déjà évoquées par Gina Raimondo : contribuer à diversifier la chaîne d’approvisionnement des États-Unis, prouver que sans ce fonds l’entreprise ne se serait pas installée dans le pays, démontrer une viabilité économique à long terme, des retombés pour l’écosystème où s’implanteront les usines, ne pas utiliser l’argent pour racheter des actions… L’administration Biden souhaite avec cette enveloppe compenser le surcoût d’une installation sur le sol américain, sans donner de l’argent à des entreprises qui n’en ont pas besoin.
D’autres conditions, également connues, ont été rappelées. Les candidats, pour bénéficier des fonds, ne doivent pas avoir de relation avec une liste d’entreprises, qui serait surtout d’origine russe ou chinoise selon le New York Times. De même, interdiction d’investir dans des « pays préoccupants », c’est-à-dire la Chine, pendant une décennie. À moins qu’il ne s’agisse de semi-conducteurs bas de gamme.
Deux bureaux vont être créés pour appliquer la stratégie du fonds et une cinquantaine de personnes vont être recrutées. Le département du Commerce espère que les demandes pourront être envoyées à partir de février 2023 au plus tard, pour recevoir l’argent à partir du printemps de la même année. Les Américains GlobalFoundries, Micron, Qualcomm, Intel ont déjà manifesté leur intérêt, TSMC, Samsung et d’autres pourraient suivre.