Début septembre, les écrans des chaînes de TF1 s’éteignaient sur Canal+. Le groupe de Vincent Bolloré et celui de la première chaîne n’ont pas réussi à trouver un accord dans le cadre du renouvellement du contrat de distribution entre les deux parties. Ce 5 septembre, la filiale de Bouygues a indiqué vouloir porter plainte contre Canal+. Retour sur ce conflit commercial qui secoue le paysage audiovisuel français.

Que se passe-t-il entre TF1 et Canal+ ?

Les divergences des deux groupes autour de la distribution des chaînes de TF1, à savoir TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI, remontent à quelques années. Tout commence en 2016 lorsque TF1 décide d’augmenter le prix dont doivent s’acquitter chaque année les opérateurs français pour retransmettre les chaînes du groupe. Pour cela, l’entreprise propose une nouvelle offre, TF1 premium. Cependant, Iliad, la maison mère de Free, Orange et Canal+ ne voient pas ça d’un bon œil et mettent un terme aux négociations. Seuls SFR et Bouygues Telecom, qui partagent la même maison mère que TF1, décident de prendre la nouvelle formule.

La situation reste bloquée pendant deux ans, jusqu’à la fin de l’accord autorisant Canal+ à diffuser les chaînes du groupe TF1 auprès de ses abonnés en mars 2018. Maxime Saada, président du groupe Canal+, décide de dénoncer l’augmentation des tarifs en portant cette affaire en justice. Il faudra attendre l’intervention de l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, anciennement le CSA, pour que les chaînes soient de nouveau disponibles pour les abonnés à Canal+.

Ce nouvel accord, conclu non sans mal en 2018, est arrivé à échéance le 31 août. Dans son communiqué de presse (PDF), TF1 écrit que « Canal+ n’a pas souhaité conclure un nouvel accord de distribution des chaînes et services du groupe TF1 malgré des semaines de discussions et de négociations ».

La chaîne cryptée s’est défendue et dénonce des « exigences infondées et déraisonnables pour des chaînes qui sont accessibles gratuitement pour tous et qui doivent le rester ». Dans une interview accordée au Journal du Dimanche, Maxime Saada indique que « Le groupe TF1 nous demande une augmentation de 50% pour avoir accès aux mêmes contenus qu’aujourd’hui […] Pourquoi un abonné Canal+ devrait-il payer les chaînes TF1 dont il disposerait gratuitement s’il n’était pas abonné à Canal+ ? C’est incompréhensible ».

Interrogé par Franceinfo le 5 septembre, Didier Casas, secrétaire général du groupe TF1 se défend. « Les chiffres qui sont cités de plus 50 % sont tout à fait fantaisistes », explique-t-il à l’antenne avant d’ajouter que « TF1 est une chaîne gratuite pour les téléspectateurs. En revanche, elle n’est pas gratuite pour les gens qui reprennent le signal pour le vendre ». Il précise également que les tarifs pour ce genre de contrat sont les mêmes pour Canal+ que pour les autres distributeurs composés de Free, SFR, Bouygues Telecom, Orange, Molotov et Salto.

Les audiences de TF1 en pâtissent

Afin de faire valoir ses positions, Canal+ évoque la « position dominante » du groupe TF1 au sein du paysage audiovisuel français. Cependant, le secrétaire général du géant français de la télévision signale que « Canal+ est un acteur très important. Nous avons des impacts d’audience extrêmement importants qui nous créent un préjudice qu’on ne laissera pas passer ». Depuis l’arrêt de la diffusion des chaînes du groupe auprès des abonnés Canal+, l’audience de TF1 a chuté de 15 % en moyenne. Son journal télévisé de 20 heures a été battu, à deux reprises, par celui de France 2. Un phénomène assez rare pour être souligné.

Pour Didier Casas, Canal+ joue un rôle très important en France car il permet aux personnes ne bénéficiant pas d’une couverture hertzienne suffisante d’avoir accès aux chaînes de la TNT par satellites. Si 80 % des abonnés Canal+ ont accès à la télévision grâce à leur box Internet et pourront accéder normalement aux chaînes de TF1, ce n’est pas le cas des 3 millions qui sont obligés de passer par l’offre TNT Sat du groupe crypté.

Afin d’apaiser les tensions, Rima Abdul-Malak, la ministre de la Culture, s’est saisie de l’affaire et a rédigé une lettre, obtenue par Le Parisien, à l’attention de Maxime Saada. Elle en appelle notamment « à son sens de la responsabilité et de l’intérêt général pour éviter de priver des centaines de milliers de foyers de la réception de l’intégralité des chaînes de la TNT ». Enfin, elle met en garde et rappelle que cette coupure « n’est pas conforme à l’intention du législateur qui était de garantir une couverture intégrale du territoire par la TNT en obligeant les chaînes de la TNT à mettre leur signal gratuitement à disposition d’un distributeur par satellite qui en fait la demande ». Affaire à suivre.