Des chercheurs des universités de Cambridge et de Bristol, en partenariat avec YouTube et Jigsaw, une filiale d’Alphabet qui lutte contre les dérives du cyberespace, ont publié une étude sur la désinformation en ligne. D’après leurs recherches, l’utilisation de l’inoculation psychologique, une théorie qui vise à identifier les tentatives de manipulations, permet aux internautes de repérer les fausses informations. Ils auraient développé, à partir de cette théorie, une méthode de « pre-bunking », un moyen de sensibilisation au travers de courtes vidéos.

Des vidéos pour sensibiliser à la désinformation

L’élaboration de cette solution de « pre-bunking » s’est déroulée en trois temps. Tout d’abord, les chercheurs ont publié 5 vidéos d’environ 90 secondes dans les encarts publicitaires de YouTube. Chacune d’entre elles aborde une méthode de manipulation particulière telle que la manipulation émotionnelle par le langage, le faux dilemme, l’incohérence, l’utilisation d’un bouc émissaire ou encore les attaques « ad hominem », c’est-à-dire les attaques personnelles visant à mettre en doute la cohérence des propos tenus.

Ensuite, après avoir visionné ces vidéos, les participants ont observé plusieurs publications sur les réseaux sociaux parmi lesquelles se trouvaient des tentatives de manipulation. Enfin, il leur a ensuite été demandé de les classer en fonction de leur fiabilité.

D’après les chercheurs, la capacité des participants à identifier les tentatives de manipulation a augmenté de 5 % après avoir regardé ces vidéos de « pre-bunking ». Ils expliquent « avec un total de 30 000 participants, nous avons constaté que le visionnage de courtes vidéos d’inoculation améliore la capacité des gens à identifier les techniques de manipulation couramment utilisées dans la désinformation en ligne ».

Jon Roozenbeek, l’un des chefs du projet, a déclaré que « l’effet d’inoculation a été le même entre les libéraux et les conservateurs. Il a fonctionné pour des personnes ayant différents niveaux d’éducation et différents types de personnalité. C’est la base d’une inoculation générale contre la désinformation ».

Quel avenir pour le « pre-bunking » ?

Si les perspectives qu’ouvre cette étude sur le « pre-bunking » peuvent sembler alléchantes, il est important de prendre du recul, car elle ne va pas sans questionnements éthiques. Qui décide de ce qui est faux et détermine qu’une méthode est manipulatrice ? Jon Roozenbeek rappelle que le « pre-bunking » n’est pas le seul moyen pour combattre la désinformation. Le fact checking, ou la vérification des faits en français, en est un bon exemple. Cependant, il est difficile de vérifier l’énorme quantité d’informations publiée sur Internet à toute heure de la journée.

En attendant, Jigsaw, anciennement Google Idea, serait en train de préparer une campagne de « pre-bunking » pour « contrer les discours anti-réfugiés en Europe centrale et orientale, en partenariat avec Google, YouTube et des experts locaux ». Beth Goldberg, responsable de la Recherche et du Développement chez Jigsaw, a indiqué à Gizmodo que « les résultats [de l’étude] sont passionnants, car ils démontrent que nous pouvons étendre le “pre-bunking” à grande échelle, en utilisant les publicités comme véhicule, et que les vidéos de “pre-bunking’ sont efficaces dans un “environnement valide” sur les réseaux sociaux et en dehors des laboratoires ».