Voilà plus d’un an que Xi Jinping transforme avec autorité le secteur des technologies de son pays. Un secteur qui lui avait échappé, prospérant en Chine et à l’international sans contraintes. Depuis plus d’un an, l’Empire du Milieu alterne entre pression juridique, économique, et idéologique pour remettre ses fleurons du numérique dans le droit chemin.

Le secteur de l’EdTech, pourtant en plein essor en Chine s’est vu balayé d’un simple revers réglementaire. Le soutien scolaire, seconde journée éducative normale pour les enfants, souvent effectuée par écran interposé, ne peut se faire désormais qu’avec le statut d’organisme à but non lucratif. De plus, elles n’ont plus le droit de donner cours le week-end, les jours fériés, ou pendant les vacances. Pour bon nombre d’entreprises, souvent cotées en Bourse, le marché sur lequel elles construisaient leur avenir s’est évaporé.

Le jeu vidéo n’a pas échappé au tour de vis chinois. Les enfants ont à présent un temps de jeu réglementé : 3 heures par semaine. Considéré comme un « opium pour l’esprit », le gouvernement a même gelé toute nouvelle sortie, les éditeurs devant demander une licence afin de commercialiser un nouveau jeu dans le pays. Un gel qui aura duré un an, avec 67 jeux vidéo approuvés tout récemment, avec deux grands absents. Tencent et NetEase, acteurs majeurs du secteur ne sont toujours autorisés à proposer de nouveaux titres. Une situation qui les pousse d’ailleurs à aller chercher des pistes à l’étranger.

Autre coup dur pour le secteur du numérique, l’instauration de la loi sur la protection des informations personnelles (PIPL). Équivalent du RGPD européen, la Chine aura réussi à devancer les États-Unis en matière de protection des internautes. En amont de cette promulgation, les autorités ont fait la chasse aux applications adoptant un comportement abusif. Des dizaines et des dizaines de services ont ainsi disparu des magasins d’application, notamment Didi, Uber chinois.

jean Liu avec une plante derrière

Jean Liu, présidente de Didi Global. Photographie : World Bank / Flickr.

Tout ceci crée un environnement économique trop incertain. Combiné à une politique de lutte contre le coronavirus « Zéro Covid » des plus strictes, le marché de l’emploi s’est inévitablement dégradé. La Chine se retrouve dans une situation où 20 % des moins de 25 ans sont sans emploi révèle Bloomberg. Un taux qui risque encore d’empirer, alors que les géants de la tech dégraissent par milliers, que des milliers de jeunes chinois s’apprêtent à terminer leurs études.

Dans le meilleur des cas on gèle les recrutements. Dans d’autres, comme ce fut le cas pour Alibaba et Tencent, ce sont 14 000 personnes qui ont quitté le navire rien qu’entre avril et juin. Huawei a également annoncé la toute première vague de licenciements de son histoire, avec quelque 2 000 collaborateurs remerciés.

« Si même Tencent ne peut pas naviguer dans une économie aussi faible, comment les autres entreprises peuvent-elles se maintenir à flot pendant longtemps ? » s’interroge une ancienne employée de l’entreprise passée chez ByteDance. « J’ai vraiment peur d’être à nouveau licenciée. Mais la dure réalité est que l’industrie de l’Internet est peut-être le dernier secteur à offrir des emplois bien rémunérés. Même si elle ralentit et licencie du personnel, d’autres industries sont encore plus mal en point. »

Afin d’atténuer le taux de chômage des plus jeunes, le gouvernement a récemment lancé un programme afin de les accompagner dans la création de leur entreprise. En parallèle, de nombreux postes sont ouverts dans les administrations, et le pays pousse les firmes dans lesquelles il a investi à embaucher les jeunes diplômés. Malgré ces quelques efforts, un retour à la normale risque de prendre des années.