C’est une réalité bien connue des experts du marché des semi-conducteurs, le caractère cyclique de l’industrie, les périodes de surabondance succèdent aux périodes de pénurie. Toutefois, la situation actuelle déstabilise les observateurs. L’apparition extrêmement rapide d’indices suggérant un retournement de la situation, pour certaines catégories de puces, surprend et interroge.
Les champions des semi-conducteurs attendent le troisième trimestre 2022 avec fébrilité
La pénurie de semi-conducteurs était encore pleinement d’actualité il y a quelques mois encore. Depuis, beaucoup des plus grandes entreprises du secteur ont fait part d’inquiétudes quant à l’avenir, à l’occasion de la publication effective ou imminente de leurs résultats du second trimestre 2022.
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Nvidia a annoncé une chute de 44 % de sa vente de puces dans son secteur jeux, Intel a publié des résultats très inférieurs aux attentes, Micron a prévenu que sa trésorerie pourrait souffrir. Même les grands groupes asiatiques, aux résultats plus flatteurs que leurs concurrents américains s’inquiètent.
Le chinois SMIC, par la voix de son PDG Zhao Haijun, a évoqué la menace d’une surproduction. Samsung, pourtant en pleine forme, s’attend à une stabilisation de ses revenus, avec des livraisons plus faibles que prévu. Même TSMC, le leader du marché, affiche une sérénité teintée de grisaille. Le géant taïwanais rapporte une baisse des ventes de certaines puces, mais compte sur l’augmentation constante d’autres.
Tout le paradoxe est là. Certains semi-conducteurs menacent de surabondances, quand d’autres restent en pénurie. « Je n’ai jamais vu une période où nous avions des stocks excessifs et des pénuries » s’étonne Dan Hutcheson dans le Financial Times. Il est pourtant directeur général de VLSI Research, un cabinet spécialisé dans l’analyse du marché des semi-conducteurs et de ses cycles depuis les années 80. Selon le cabinet, en février 2022 les stocks mondiaux de puces étaient suffisants pour assurer 1,2 mois de productions, en juillet ils atteignaient 1,7 mois.
Les puces mémoires et autres processeurs pour ordinateurs commencent à s’accumuler dans les stocks. En parallèle, l’industrie au sens large et notamment l’automobile manquent toujours de pièces essentielles.
Le début d’une crise, ou un simple ajustement post-pénurie ?
La première explication, unanimement évoquée, est l’essoufflement de l’économie et l’inflation. Les ventes d’ordinateurs et de smartphones chutent. Les fabricants comme Samsung commencent à revoir leur production à la baisse. Dans le même temps, ces derniers, confrontés à la pénurie de semi-conducteurs, ont accumulé des réserves.
Le Financial Times incite à la prudence, les problématiques concernant la chaîne d’approvisionnement subsistent et le changement de situation demeure léger et corrélé à la situation économique globale. Il n’empêche, le désarroi des grands groupes comme celui des experts est palpable devant la vitesse de ce retournement.
Les entreprises américaines ont rangé bien vite les coupes de champagne après la très attendue ratification du Chips and Science Act, un coup de pouce de 52 milliards de dollars à la production de semi-conducteurs aux États-Unis.
Micron, champion des puces mémoires, avait proclamé investir 40 milliards de dollars dans le pays d’ici 2030 le jour de la signature, le 10 août. Le lendemain, la société a admis qu’elle réduirait ses investissements significativement en 2023 à cause de la récession qui guette. Le jour de l’adoption du texte par le Congrès, c’est Intel qui a déclaré réduire de 4 milliards de dollars ses investissements en 2022.
Pour l’instant aucun de vent de panique significatif n’a agité les marchés. L’incertitude domine et l’attente règne. Le directeur financier de Micron, Mark Murphy, a expliqué « il s’agit d’un développement très récent », mais il reconnaît percevoir « des signes clairs de faiblesse sur ces marchés ».