Le statut des grandes plateformes Web, comme les réseaux sociaux ou Google, fait l’objet d’un débat incessant, sont-ils des éditeurs, donc responsable des contenus qu’ils diffusent ? Ou de simples hébergeurs ? La Haute Cour australienne a tranché (pdf) le 17 août concernant Google. Le moteur de recherche américain ne peut être tenu responsable du contenu d’une page présente dans ses résultats de recherches via un extrait et un hyperlien.

Google innocenté dans une affaire de diffamation

Le géant du Web était poursuivi pour diffamation par un avocat de Melbourne. Au centre de l’affaire : un vieil article de 2004, publié par un quotidien local, The Age. Ce texte, intitulé « Underworld loses valued friend at court » (Le monde du crime perd un ami précieux au tribunal), rapporte que le plaignant était inculpé pour complot en vue de commettre un meurtre et incitation au meurtre.

L’accusation a été retirée en 2005, pas l’article. En 2016, l’avocat a découvert qu’en tapant son nom dans le moteur de recherche il retombait sur ce fameux texte. Il avait précédemment réglé à l’amiable son litige avec l’auteur du texte et s’était ensuite tourné vers Google.

En première instance, l’avocat a obtenu satisfaction. Un juge a estimé que Google « a publié la matière diffamatoire parce que la fourniture du résultat de recherche a contribué à la communication du contenu de l’article Underworld à l’utilisateur, en ce qu’elle a prêté assistance à sa publication ».

Le géant a été condamné à payer une amende d’environ 28 000 euros. La décision a fini par être cassée, par 5 voix contre 2, par la Haute Cour. Celle-ci a objecté que Google « n’a pas prêté assistance à The Age dans la communication de la matière diffamatoire contenue dans l’article d’Underworld ». Selon elle « la fourniture d’un hyperlien dans le résultat de recherche a simplement facilité l’accès à l’article d’Underworld et n’était pas un acte de participation au processus bilatéral de communication du contenu de cet article à un tiers ». La plus haute juridiction australienne a ainsi acté le statut d’hébergeur de Google.

Comment cela se passe ailleurs dans le monde ?

Ars Technica signale qu’aux États-Unis, l’article 230 sur la décence des communications aurait entraîné un résultat similaire, puisqu’elle stipule « aucun fournisseur ou utilisateur d’un service informatique interactif ne doit être traité comme l’éditeur ou le locuteur de toute information fournie par un autre fournisseur de contenu d’information ». Perçu outre-Atlantique comme très, voire trop, protectrice pour les grandes plateformes numériques, la modification de cet article est discutée au Congrès, sans succès jusqu’à présent.

En Union européenne, le destin de la procédure engagée par l’avocat de Melbourne aurait probablement tourné bien différemment. Dans un arrêt de mai 2014, la Cour de Justice de l’Union européenne a arbitré que la législation européenne sur la protection des données octroie un « droit à l’oubli ».

C’est-à-dire la possibilité de demander à un moteur de recherche de retirer un lien si des informations nominatives « inexactes, inadéquates, non pertinentes ou excessives » y sont mentionnées.

Ce droit à l’oubli, ardemment combattu par Google, est définitivement et clairement entré dans la loi du Vieux Continent via l’article 17 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) sous le nom de « droit à l’effacement ». Il suffit désormais de remplir un formulaire, puis le moteur de recherche dispose d’un mois pour y répondre favorablement ou non. En cas de désaccord il est possible de saisir la CNIL ou la justice. De quoi donner envie de déménager à un avocat australien ?