C’est une page qui se tourne dans le secteur du numérique asiatique. SoftBank, partenaire depuis le début des années 2000 d’Alibaba, a annoncé le 10 août céder une grande partie de ses actions d’ici fin septembre. Le conglomérat japonais, dans une position compliquée avec 23,4 milliards de dollars de pertes au second semestre 2022, espère récupérer 34 milliards de dollars dans l’opération.

Le passif pré-rupture de SoftBank et Alibaba

Dans une période de turbulence pour la Tech en général et SoftBank en particulier, récupérer des liquidités est toujours bienvenu. C’est l’explication donnée par le groupe pour réduire sa participation chez Alibaba de 23,7 % au 30 juin à 14,6 % fin septembre.

L’entreprise a fait savoir qu’elle « renforcerait davantage sa défense contre l’environnement de marché sévère » dans le but d’éliminer « les préoccupations concernant les futures sorties de fonds ».

En réalité, cela fait quelques années que SoftBank réduit progressivement ses parts dans la société chinoise. Les tensions géopolitiques entre les États-Unis, grand allié du Japon, et la Chine ont joué un rôle. Le plus important reste la féroce répression de Pékin contre son secteur numérique depuis presque deux ans.

Alibaba a été emblématique de cette politique, en recevant une amende antitrust historiquement élevée de 2,3 milliards d’euros en avril 2020. Jack Ma, le charismatique patron de l’entreprise, qui a siégé au conseil d’administration de SoftBank, a disparu durant plusieurs semaines à la même période. La capitalisation d’Alibaba est passée de 850 milliards de dollars en octobre 2020 à 240 milliards de dollars le 9 août, rappelle le Wall Street Journal.

Une motivation largement suffisante pour SoftBank pour s’éloigner du groupe. Il n’empêche, l’opération présentée le 10 août est un petit séisme pour le numérique asiatique. Le partenariat entre SoftBank et Alibaba, noué au début des années 2000 avec un investissement de 20 millions de dollars, a symbolisé l’émergence de grand groupe tech en Chine.

La fin d’une époque

Lorsque Jack Ma siégeait au conseil d’administration de SoftBank, Masayoshi Son, PDG de cette dernière était à celui d’Alibaba. Durant une période, 60 % des actifs du conglomérat japonais se trouvaient chez le géant de l’e-commerce. Au 30 juin 2022, il en représentait encore un cinquième de leur valeur. En 2014, lors de l’introduction en Bourse aux États-Unis d’Alibaba, SoftBank détenait plus de 32 % de l’entreprise.

Avec cette réduction brutale de sa participation, le groupe a prévenu qu’il devrait changer sa comptabilité. La relation avec Alibaba était si proche que SoftBank en comptabilisait une partie des bénéfices comme sien. Désormais le géant chinois sera réduit au statut d’un investissement comme un autre. Si SoftBank a assuré qu’il « continuerait à entretenir de bonnes relations avec Alibaba », il s’agit de la fin d’une époque.

SoftBank avait prévenu, le 8 août, lors de la publication de ses résultats décevants, que ses défenses seraient « renforcées ». Malgré ses difficultés, elle dispose de solides liquidités, de quoi rembourser ses dettes sur les deux prochaines années. En dépensant celle-ci en rachetant ses propres actions SoftBank limite les dégâts sur son cours de Bourse. Les actions d’Alibaba, évaluée à 22 milliards de dollars, pourraient rapporter au groupe 34 milliards de dollars à terme. Un beau bas de laine pour se préparer à l’hiver qui vient.