La connaissance des usagers dans les applications de transport en commun est une composante essentielle à leur conversion vers la Mobilité servicielle (MaaS) : Mieux connaître ses usagers c’est mieux appréhender leurs besoins. Parmi ces usagers potentiels, l’Observatoire de la Mobilité en Île-de-France estime qu’environ 12 % de la population francilienne serait en situation de handicap vis-à-vis de la mobilité. En extrapolant, plus de 4 Franciliens sur 10 pourraient se retrouver momentanément en situation de mobilité réduite nécessitant une adaptation des services par les acteurs de la mobilité.

Inclusion des personnes à mobilité réduite (PMR), un enjeu sociétal

Les Autorités Organisatrices de la Mobilité ainsi que les entreprises de transport collectif sont fortement engagées pour rendre plus accessible l’utilisation des transports en commun aux usagers en situation de handicap ou à mobilité réduite (PMR).

La LOM (Loi d’Orientation des Mobilités), promulguée fin 2019, accentue cette orientation stratégique pour une enveloppe globale de 13,4 milliards d’euros à l’échelle du territoire national. On peut citer quatre articles de la LOM qui représentent une avancée notable dans la définition des enjeux d’accessibilité (art 19, 21, 27, 28) :
• Une plateforme unique de réservation des services en gare ;
• Des tarifs spéciaux pour les accompagnants des personnes à mobilité réduite ;
• Des informations sur l’accessibilité des transports et les équipements des gares ;
• Des transports de substitution pour les PMR.

Ainsi, l’inclusion des transports en commun repose majoritairement sur deux axes d’investissement : matériel et numérique.

Investissement matériel au service de l’accessibilité

L’accessibilité peut être définie comme la liberté de déplacement et de localisation dans l’espace pour tous.

Depuis 2009, Île-de-France Mobilités, la région Île-de-France et la SNCF se sont par exemple engagées à faciliter l’accès de 270 gares franciliennes d’ici 2024 pour une facture globale de 1,4 milliard d’euros dont la moitié financée par Île-de-France Mobilités. Parmi la liste des travaux réalisés, on retrouve entre autres : l’ajout d’ascenseurs, d’escaliers mécaniques, de bandes de guidage pour déficients visuels ou des flash lumineux pour les déficients auditifs.

En parallèle, la région poursuit massivement son plan de renouvellement du matériel roulant lancé en 2016 avec la prévision de 700 nouvelles rames d’ici 2024. Les tramways, bus intègrent déjà les problématiques d’accessibilité : on peut citer la mise à niveau des quais, les planchers bas des véhicules ou encore les places dédiées aux personnes à mobilité réduite et fauteuils roulants.

Ces efforts importants sur le renouvellement du matériel roulant ou l’adaptation des infrastructures (gares, stations et quais) représentaient jusque-là l’investissement le plus important dans la politique d’accessibilité des transports en commun aux PMR. Toutefois, le réel enjeu des années à venir sera de proposer des applications servicielles et des parcours utilisateurs mettant en avant ces investissements physiques à travers des usages personnalisés et adaptés aux profils des voyageurs.

Vous souhaitez effectuer une recherche d’itinéraire d’un point A à un point B, intégrant des correspondances et des informations sur le trafic en temps réel ? C’est à la portée de la plupart des applications de mobilité du marché ! Qu’en est-il de cette même recherche d’itinéraire pour un usager en fauteuil roulant lorsque :
• L’ascenseur de la station de correspondance est en panne ;
• La circulation a dû desservir, de manière inopinée, un autre quai à la gare d’arrivée. Celui-ci n’est malheureusement pas équipé d’ascenseur.

Autant de situations courantes dans la vie des usagers, liées à l’exploitation des réseaux de transport collectif, mais dont sont victimes les Personnes à Mobilité Réduite…

Investissement numérique au service de l’inclusion

Il est plus facile de définir le terme d’inclusion en le confrontant à son contraire : l’exclusion. Ainsi, l’inclusion au sein des transports en commun doit garantir aux usagers en situation de handicap un même niveau de service qu’à tout autre usager.

Le Centre Européen de Normalisation (CEN) est l’organisme chargé de définir, entre autres, les standards d’échange des données de transport en commun. À l’heure où cet article est rédigé, deux normes sont déployées en Île-de-France permettant des échanges de données normés entre les opérateurs de transport et Île-de-France Mobilités :
• NeTEx (Network Timetable Exchange) décrit finement la topologie des réseaux, des horaires théoriques, des données tarifaires et des services en gare.
• SIRI (Service Interface for RealTime Information) permet de décrire toute la complexité des données temps réel, comme pour les prochains passages aux arrêts ou l’état des équipements des gares et stations en temps réel.

Ainsi, en plus de mettre à disposition toute la structure des données nécessaires à la définition des niveaux d’accessibilité des réseaux (suivant la modélisation Transmodel), ces normes portent l’ambition de leur mise à jour en temps réel.

Un référentiel d’accessibilité

Depuis sa mise en service en 2021, le profil NeTEx Île-de-France permet d’associer à une ligne ou un lieu un niveau d’accessibilité suivant 6 catégories :
• WheelchairAccess : accessible en fauteuil roulant
• StepFreeAccess : l’accès est possible sans franchissement de marche ou d’escalier
• EscalatorFreeAccess : l’accès est possible sans utiliser d’escalator
• LiftFreeAccess : l’accès est possible sans utiliser d’ascenseur
• AudibleSignalsAvailable : une signalétique auditive est disponible
• VisualSignsAvailable : une signalétique visuelle est disponible

Afin de répondre au mieux à la réglementation européenne, le CEN poursuit les groupes de travail dans le but de tendre vers une modélisation fine des équipements et services en gares et dans les véhicules. Les enjeux sont multiples :
• Recenser les services disponibles à bord des véhicules ou sur un site ainsi que les détails associés tels que les horaires d’ouverture ou les contacts.
• Cartographier les équipements disponibles à bord des véhicules ou sur un site (plateforme, ascenseur, escalator, équipement d’information voyageur, …).
• Générer des liens (pathlink) entre les différents « nœuds » (quais, ascenseurs, intersections …) à l’échelle d’une gare ou d’une station afin de garantir la personnalisation des correspondances au profil des usagers, notamment ceux à la mobilité réduite.

Ainsi, la mobilité inclusive doit se concentrer sur l’information et le cheminement des usagers au sein même des zones de correspondances, souvent très denses, afin de limiter le sentiment d’appréhension des Personnes à Mobilité Réduite ou en situation de handicap au sein des transports en commun.

Une information juste au bon moment

Une proposition d’itinéraire de la part d’une application servicielle de mobilité devra être considérée comme un contrat de service entre un opérateur de transport (ou une Autorité Organisatrice de la Mobilité) et un usager. Ainsi, si le service proposé s’avère finalement perturbé (comme cela arrive… parfois !), l’usager doit être notifié en temps réel et une solution alternative adaptée à son profil doit lui être proposée.

Pour cela, les opérateurs de transport et l’Autorité Organisatrice de la Mobilité pourront s’appuyer sur la mise en service des solutions d’échange de données en temps réel. Le service SIRI Stop Monitoring ou Estimated Timetable permettent notamment de mettre à jour les horaires de passages aux arrêts ou même le quai desservi en temps réel. Le service SIRI Facility Monitoring quant à lui, permettrait d’indiquer en temps réel l’état de fonctionnement des équipements embarqués dans les véhicules ou au sein des gares et stations.

Il est donc indispensable de ne pas limiter l’enjeu de l’accessibilité des transports aux investissements matériels d’un territoire tant il est important de les mettre en lumière à travers les investissements numériques. Ce paradigme peut être amplifié par l’orientation des investissements matériels sur des équipements intégrant des systèmes de communication embarqués (sous forme de capteurs d’état) au service d’une maintenance proactive et d’une information de qualité envers les usagers.

Maquettes d’itinéraires avec et sans proposition de cheminement en gare. Capture d’écran : Me déplacer / île-de-France Mobilités.

Service au voyageur par le voyageur

La complexité à faire communiquer les Systèmes d’Informations des opérateurs de transport, exploitants de gares ou des fournisseurs de services aux voyageurs a favorisé la création d’entreprises innovantes dans le domaine de l’assistance aux usagers. On peut citer par exemple le succès de Ezymob ou encore Mon Copilote, tous deux lauréats du challenge information voyageurs 2020 organisé par Île-de-France Mobilités sur le thème de l’innovation au service des Voyageurs.

Nul doute également qu’une information voyageurs juste et inclusive passera demain par une considération privilégiée et modérée des observations des utilisateurs au sein de leur parcours dans les transports en commun, à l’image du leader de la navigation routière Waze.

On pourra alors entendre dans les véhicules ou au sein d’un lieu de correspondances : « Un service ou équipement défectueux à nous signaler ? Scanner le QR code présent sur l’équipement afin de prévenir au plus tôt les équipes en charge de sa maintenance ainsi que l’ensemble des usagers ».