Après plus de trois ans de bataille juridique, la cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral a donné son verdict. Une intelligence artificielle (IA) ne peut pas être le titulaire d’un brevet, le titre de propriété qui justifie que son titulaire peut exploiter son invention pendant vingt ans.

Le long combat de Stephen Thaler pour qu’une IA puisse détenir un brevet

En 2019, un informaticien du nom de Stephen Thaler a conçu une IA possédant une velléité artistique explicite. Baptisé « Creativity Machine », le modèle est à l’origine de plusieurs œuvres d’art portant sur l’expérience de mort imminente simulée. L’une de ses œuvres, « A Recent Entrance to Paradise », mise au point par cette IA, est si intéressante aux yeux du chercheur qu’il tente de la breveter.

Une oeuvre d'art réalisée par une intelligence artificielle.

A Recent Entrance to Paradise est une des œuvres d’art générée par l’IA que Stephen Thaler a mis au point. Image : Creativity Machine / Stephen Thaler.

Pour l’office américain du droit d’auteur, cela n’est pas possible. La législation est très claire pour ce qui est du droit d’auteur aux États-Unis : la propriété intellectuelle protège l’invention qui provient de l’imaginaire de l’être humain. Ainsi, l’organisme considère qu’une œuvre produite par une machine, par un processus mécanique, et donc par une intelligence artificielle sans intervention humaine ne peut pas être brevetée.

Stephen Thaler conteste alors cette décision, estimant qu’exiger une paternité humaine pour une invention est un principe inconstitutionnel. Mais l’informaticien ne peut rien faire : toutes les juridictions, même la Cour Suprême des États-Unis, refusent d’accorder le droit d’auteur à des créations qui n’ont pas été créées par l’Homme.

L’année suivante, Stephen Thalen tente de faire en sorte que DABUS, une IA spécialement conçue pour inventer de nouvelles choses, puisse être le titulaire d’un brevet. Si en Afrique du Sud et en Australie, l’IA réussit à obtenir le statut d’inventeur, dans d’autres pays comme les États-Unis, au Royaume-Uni et au sein de l’Union européenne, la demande est rejetée. L’Australie va même revenir sur sa décision et considère par la suite qu’une IA ne peut pas être titulaire d’un brevet.

Pourquoi la justice américaine a-t-elle refusé qu’une IA brevette une invention ?

Au début de l’année 2022, l’office américain du droit d’auteur a officiellement refusé d’accorder une propriété intellectuelle à une IA, en l’occurrence à la Creativity Machine. Stephen Thaler a donc fait appel de cette décision auprès de la cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral. Selon Bloomberg Law, durant le procès, le juge du tribunal, Leonard P. Stark, a affirmé que la résolution de cette affaire nécessiterait sans doute une enquête poussée et abstraite sur la nature de l’invention, les droits que possède son créateur et sur les modèles d’IA.

Toutefois, le juge a ajouté que de telles enquêtes peuvent être évitées en se référant simplement à la loi sur les brevets. Cette législation désigne les titulaires de brevets comme des individus, un terme qui, selon la cour, désigne généralement un être humain, une personne physique. « Les lois sont souvent ouvertes à plusieurs lectures raisonnables. Ce n’est pas le cas ici », précise Leonard P. Stark. Le juge fait ici référence à l’interprétation stricte de la loi, un principe pris en compte dans la justice de nombreux pays, y compris celle des États-Unis.

C’est ainsi que le magistrat a confirmé la décision de l’office américain du droit d’auteur sur l’obtention de brevets pour une IA. Dernièrement, deux universitaires ont plaidé pour la création d’une législation plaçant les inventions des IA sous le sceau de la protection intellectuelle. Ils expliquent leur position en affirmant que les textes de loi sont vieillissants, mal adaptés à l’existence des IA, et qu’à l’avenir, il sera de plus en plus compliqué de savoir si une invention a été conçue par un humain ou bien par une machine…